Sur la couverture, un homme de dos décroche « La Joconde ». Bien sûr, je connais cette histoire qui date de 1911. C'est évidemment le vol du siècle : celui d'un (du) tableau le plus réputé du monde.
Les deux auteurs sont Siciliens et ont choisi de mettre en dessins ce célèbre fait divers : un ouvrier italien, Vincezo Peruggia, qui ne paie pas de mine, a tranquillement enlevé le panneau de Léonard de Vinci et l'a emporté sous le bras pour le garder, à peine dissimulé sous son lit pendant deux ans, sans être découvert ni inquiété.
Que se serait-il passé s'il n'avait pas essayé de monnayer son précieux chef-d’œuvre ?
Qui ne connaît cet inoubliable épisode de l'histoire de l'art ? Aussi, j'étais curieuse d'apprendre ce que les auteurs allaient pouvoir apporter de neuf à cette rocambolesque aventure.
D'abord, c'est le titre qui me laisse perplexe. Le prénom de la dame au sourire est orthographié avec deux « N », alors que, d'habitude, il n'y en a qu'un. J'apprendrai pourquoi dans le dossier qui clôt le volume.
Marco Rizzo et Lelio Bonaccorso ont l'habitude de travailler ensemble. Journaliste, Marco Rizzo a scénarisé plusieurs bandes dessinées documentaires. De sorte qu'il a l'habitude de se renseigner scrupuleusement. Ainsi, on peut être sûr que ce qui est raconté ici est rigoureusement exact. Mais la volonté des auteurs n'est pas de nous livrer une énième version de ce fait divers. Ils ont donc mêlé leur imagination à la réalité. Comment ? En inventant des personnages, en romançant et étoffant l'histoire d'amour de Peruggia ainsi que ses hallucinations (il parle avec la Joconde, à laquelle il prête les traits de la femme aimée) et en donnant à Vincenzo une allure quelque peu chaplinesque, avec son melon et sa silhouette dégingandée. Il est pourtant fidèle aux photos que j'ai pu voir, mais ses moustaches sont plus fournies et plus longues.
Les œuvres du musée qui apparaissent ici sont également fidèlement reproduites.
L'histoire s'étoffe de considérations sur le racisme de l'époque (à supposer que les choses aient évolué?) Vincenzo se plaint des remarques déplaisantes que l'on adresse aux travailleurs italiens, qui sont cantonnés à des travaux pénibles et dangereux (il a obtenu ce poste au Louvre parce qu'il est lourdement handicapé par le plomb des peintures qu'il avait manipulées) et relégués dans des quartiers misérables et insalubres. Son ami Jacques, qui est noir, lui fait remarquer que c'est bien pire pour lui.
Les auteurs évoquent l'affaire du recel des statuettes qui a mené Picasso et Apollinaire devant le tribunal. Il s'agissait de petits objets, également dérobés au Louvre, qu'un ami leur avait donnés/vendus/confiés (ce n'est pas très clair). Ce qui laisse à penser qu'à cette époque, on pouvait dépouiller le musée impunément et facilement.
La bande dessinée est entièrement réalisée dans des tons gris qui s'accordent à l'époque et certaines vignettes sont très grandes, parfois couvrent toute la page, voire deux pages en vis-à-vis, comme celles, très réussies, consacrées au rêve de Vincenzo qui survole Paris avec sa dulcinée. Celle-ci a pris les traits de la peinture dérobée et on joue sur les mots « Monna Lisa » et « Mon Élisa ».
J'ai beaucoup aimé cet album à la fois émouvant, instructif et drôle.
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"Pour l'amour de Monna Lisa" semble sortir tout droit de l'imagination et pourtant il n'en est rien. D'ailleurs les bonus de fin vous permettront de faire la part des choses. C'est une lecture sous fond brunâtre, elle se fait avec fluidité, et est étonnante. Elle met aussi en avant les difficultés des migrants italiens en France à cette époque.
Puis nous oublions bien souvent que des noms d'artistes (écrivains, peintres ...) qui nous sont connus ainsi que leurs œuvres ne l'ont pas toujours été et encore moins dans leur temps, ce qui est quand même une sacrée ironie.
La Joconde est un tableau très connu, mais il n'en était rien en ce temps-là, même s'il avait sa place au musée du Louvre à Paris. Et peut être qu'indirectement cette folle histoire a même contribué à son succès. A la fin, on nous montre que hors de cela, elle en a essuyé des tempêtes.
Ce one-shot est proposé par les éditions Steinkis et est né de l'association entre Marco Rizzo et Lelio Bonaccorso.
Le voleur, Vincenzo Peruggia, nous est rendu très humain et touchant. Nous découvrons sa vie, son travail au Louvre, son traitement. Et si nous cela nous paraît aberrant comme casse. Le 21 août 1911, date où a été commis le vol, cela a été d'une simplicité désarmante. C'est totalement fou comme il fait cela simplement. Bon, la suite l'est moins, même si cela prend du temps.
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Une BD d'utilité publique pour comprendre ce qui se passe en Méditerranée, la mer la plus meurtrière du monde, via deux journalistes embarqués sur le bateau de SOS Méditerranée. Quelque soit nos opinions sur le sujet ce livre bouscule et nous montre une réalité parfois éloignée de ce qu'on peut imaginer.
J'aime beaucoup les dessins, les pages explicatives et l'humanité des journalistes qui transparaît malgré leur neutralité. Contrairement à ce qu'on pourrait penser cette BD n'est absolument pas glauque : elle est graphiquement belle, absolument juste et complètement humaine. Je la recommande 👌
(Ma seule frustration : elle date de 2017. Certains éléments ne sont donc plus à jour. Pour autant quand on sait maintenant que la situation ne fait qu'empirer, cette BD est toujours complètement d'actualité...)
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Moi qui ne lis quasiment de BD ( je ne sais pas!!) celle çi je ne peux que la conseiller surtout pour le contenu afin de sensibiliser au travail indispensable des ONG................................................................
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Si de nos jours, l’Holocauste est une vérité que personne ne peut nier, on a préféré éluder le problème pendant les années de guerre, sans doute préoccupé par d’autres tâches ou priorités. Cette bédé revient non seulement sur un personnage intègre et courageux, mais sur les valses hésitations des Alliés en ce qui concerne la déportation de milliers de femme et d’hommes vers les camps de la mort. En mettant en œuvre des actions concrètes, les politiciens réfugiés à Londres auraient-ils pu mettre un terme à l’innommable ? Voilà une des nombreuses questions qui émerge de cette bédé qui fait office de mémoire.
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Malgré une histoire hors du commun, le combat et la vie de Jan Karski ont connu peu d’écho dans la fiction ; un moyen toujours efficace pour les rendre accessible à un plus large public. Cette bande dessinée de Marco Rizzo et Lelio Bonaccorso a déjà le mérite de mettre en lumière le parcours de ce catholique polonais qui, durant la Seconde Guerre mondiale, va rentrer dans la résistance et s’introduire dans le Ghetto de Varsovie puis dans le camp d’Auschwitz afin d’en témoigner des atrocités auprès des Alliés.
Le scénario prend évidemment quelques libertés avec les faits historiques et ceux relatés par Karski dans ses mémoires afin de les simplifiés et de les faire tenir dans un format BD. C’est compréhensible mais cela a un impact sur la fluidité du récit et sur l’impact émotionnel de certains passages. Certaines réflexions, certains sujets ou tout simplement des passages entiers auraient mérité d’être approfondis et allongés comme son entrée à Auschwitz ou tout simplement l’accueil de son témoignage par les Alliés. Compliqué dans un « one-shot »…
Une BD qui n’en reste pas moins intéressante et peut avoir cet avantage de faire connaître Karski du public.
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Voici un documentaire assez bouleversant de la vie à Bord du bateau de sauvetage d'une ONG en méditerranée. La violence que subissent ces gens dans l'espoir d'atteindre l’Europe et la liberté est juste affreuse.
Mais globalement je n'ai presque rien appris. Ce n'aurait certainement pas été le cas, si j'avais lu cette BD au moment de sa sortie. Depuis, j'ai vu entendu et lu beaucoup de choses sur ce sujet.
Mais je me suis tout de même interrogée en finissant ma lecture : ça en est où ? parce qu'on nous parle d'autres sujets, mais plus beaucoup de celui ci.
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En novembre 2017, deux journalistes italiens , Marco Rizzo et Lelio Bonaccorso ont partagé, le temps d’une mission, le quotidien des marins de l’Aquarius, bateau humanitaire qui mène des opérations de sauvetage en Méditerranée centrale, au large de la Libye.
Ils en ont tiré une bande dessinée, un reportage graphique de 124 pages, ultra pédagogique , qui raconte avec beaucoup de précision la vie à bord, le rôle de chacun, le fonctionnement du bateau et des opérations de secours, mais aussi des histoires personnelles recueillies auprès des migrants sur le bateau.
Ils n’ont pas été seulement observateurs , ils ont aussi prêté main forte quand les marins étaient débordés par le nombre de migrants secourus et ils apparaissent d’ailleurs dans la bd sous les dessins de Lelio Bonaccorso. « Quand tu es sur place , c’est impossible de regarder et de ne rien faire. Le dernier sauvetage c’était 400 personnes. Les équipes humanitaires, c’était 20 personnes. Vous comprenez que vous allez devoir aider. C’est à la fois terrible et beau, quelqu’un qui vous regarde dans les yeux et vous remercie de l’avoir sauvé. »
Quand la BD est parue en Italie, l’ Aquarius avait déjà été contraint de mettre fin à ses activités de sauvetage, SOS Méditerranée et Médecins sans frontières qui l’affrétaient n’ayant pas trouvé de pays qui leur accorde un nouveau pavillon, indispensable pour naviguer, et faute de ports pour accueillir les populations rescapées. Il aura porté secours à plus de 30 000 personnes entre 2016 et 2018.
Une BD à mettre entre toutes les mains pour sensibiliser un large public aux drames qui se jouent à nos portes.
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Une Bd reportage où les auteurs Lelio Bonaccorso (italien installé avec sa famille dans le Sinaï depuis des années), et Fabio Brucini se mettent eux-mêmes en scène, dans leur propre rôle de journalistes scénaristes-dessinateurs. On pénètre en immersion dans la culture des Bédouins, où patience et harmonie avec la nature sont des vertus essentielles. Je n’ai pas été séduite par le dessin, l’émotion des personnages ne passe pas bien dans les visages et le trait est assez rigide, ce n’est pas harmonieux. Il y a des longueurs, peut-être certains passages ne sont pas suffisamment exploités et restent trop dans le descriptif. Il y a une vision positive de ce peuple méconnu, ce qui est très bien, mais peut-être peut-on regretter que d’autres aspects plus sombres ne soient pas mentionnés.
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