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Citations de Leonardo Padura (895)


Cette sortie m'a permis de comprendre combien ce pays a changé en quelques mois à peine. Du taxi qui nous a conduits, j'ai pu voir les rues et surtout les gens, ils semblent encore heureux et ébahis de ce qui arrive et vivent normalement, sans crainte des dangers de plus en plus imminents qui assombrissent le firmament. J'ai découvert sur leurs visages et dans leurs regards une jubilation cachée durant trop d'années et surtout, il m'a semblé découvrir qu'ils avaient de l'espoir et qu'ils jouissaient d'une dignité nouvelle. Jusqu'à quand durera cet état de grâce collectif ?
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Nous vivons en ce moment une histoire trop turbulente : tout s'effondre et de nouveaux mythes surgissent; quelques têtes tombent et les choses sont rebaptisées. Comme dans toute révolution. Sans avoir besoin de sortir de la maison, me sentant un témoin éloigné, je crois que je peux mieux percevoir tout ce qui se passe dehors et pour la première fois, je crains que la situation ne devienne tragique, et surtout irréversible. Est-ce la fin définitive de notre monde ?
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C'est vrai qu'il y avait les potes, la drogue, la mafia, mais les gens s'amusaient et la nuit commençait à six heures du soir et ne finissait pas. Tu t'imagines, dans une même nuit tu pouvais prendre une bière à huit heures en écoutant les Anacaonas aux Aires Libres sur le Prado, dîner à neuf heures avec la musique et les chansons de Bola de Nieve, puis t'asseoir au Saint-John pour écouter Elena Burke, ensuite aller dans un cabaret pour danser avec Benny Moré, ou avec les groupes Aragón, Casino de Playa, Sonora Matancera, te reposer un moment en savourant les boléros d'Olga Guillot, de Vicentino Valdés, de Ñico Membiela.. ou aller écouter les jeunes du feeling, José Antonio Méndez avec sa voix rauque, César Portillo et, pour finir la nuit, à deux heures du matin tu pouvais faire un saut à la plage de Marianao pour assister au spectacle du Chori frappant sur ses timbales, et toi, là, comme si de rien n'était, assis entre Marlon Brando et Cab Calloway, à côté d'Errol Flynn et de Joséphine Baker.
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- Ce n'était pas Elena Burke ou Olguita Guillot, mais elle avait sa voix. Et son style. Et son corps. Moi, je l'ai jamais vue, mais Rogelito le timbalier m'a dit un jour que c'était une des femmes les plus extraordinaires de La Havane. A vous provoquer un embouteillage !
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Il était des milliers, la musique était dans l'atmosphère et elle était à couper au couteau, il fallait l'écarter pour pouvoir passer..Et Violeta del Río faisait partie de ce monde..
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-(..) Vous ne pouvez pas vous imaginer, mais à cette époque-là, à La Havane, il y avait plus de soixante clubs et cabarets avec deux et même trois spectacles par nuit. Sans compter les restaurants et les bars où il y avait des trios, des pianistes et même de petits groupes...
- Incroyable, dit le Palomo, sincèrement étonné.
- Vous imaginez le nombre d'artistes qu'il fallait pour tenir ce rythme ? La Havane, c'était la folie : je crois que c'était la ville la plus vivante du monde. Paris ou New York, de la mer de, oui ! Beaucoup trop froides...Pour la vie nocturne, il n'y avait pas mieux qu'ici.
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Mais il était quasiment impossible d'arrêter cette hémorragie, car dans certains cas la source d'approvisionnement était le bibliothécaire payé deux cent cinquante pesos par mois et qui pouvait difficilement résister à une offre de deux cents dollars - son salaire de vingt mois- pour sortir des documents ou un volume demandé par un acheteur exagérément intéressé.
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Ce trafic souterrain était de loin le plus productif et aussi le plus dangereux, car les autorités cubaines avaient réussi à savoir comment certains vendeurs, de mèche avec les employés des bibliothèques, avaient sorti du pays d'authentiques trésors du fond bibliographique cubain et universel et même des manuscrits définitivement irrécupérables.
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Cette foule confuse - fonctionnaires, petits commerçants, retraités économes, vieux militants désormais sans militantisme mais obstinés à voir de leurs propres yeux l'ultime bastion du socialisme le plus pur, mélangés aux fantoches de tout acabit, convaincus par d'habiles voyagistes que Cuba était un paradis bon marché- avait tendance à s'adonner à d'autres passions plus élémentaires, sensuelles, climatiques et parfois même idéologiques, bien différentes de la bibliophilie.
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Les premières heures de la matinée et les dernières de l'après-midi étaient généralement les plus fertiles pour les vendeurs de livres anciens, cantonnés sur la plaza de Armas, à l'ombre des faux lauriers, de la statue du Père de la patrie et des palais austères d'où partaient autrefois les rênes d'un pouvoir colonial qui avait considéré l'île comme un des plus précieux joyaux de sa couronne impériale.
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Les visages, maintenant heureux bien que toujours hâves, d'Amalia et de Dionisio Ferrero,quand ils reçurent Conde, lui confirmèrent que la veille au soir ils étaient arrivés au marché avant la fermeture et, comme lui, ils s'étaient offert un banquet exceptionnel qui, par manque d'entraînement gastrique, avait peut-être aussi perturbé leur sommeil, mais sans que ce contretemps mineur ait été capable de mitiger la satisfaction de se sentir repus, à l'abri des crampes sournoises de la faim. Il était même possible que ce matin ils aient bu du lait au petit-déjeuner, redonnant à leurs papilles cette satisfaction crémeuse, et ils étaient peut-être allés jusqu'à se payer le luxe de beurrer leur pain et de boire un vrai café bien fort, comme celui qu'ils offraient maintenant aux acheteurs, peut-être un peu trop sucré selon le diagnostic du palais expert en cafés de l'ex-policier, mais sans aucun doute authentique, différent de la poudre bâtarde aux grains ignobles que l'on achetait en doses minimes et seulement avec le carnet de ravitaillement.
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C'est peut-être pour ça qu'il était intrigué par la présence de cette coupure de journal tapie entre les pages d'un livre de cuisine que personne n'avait ouvert durant des années, comme l'attestait non seulement son état de conservation mais le fait historiquement prouvé que son contenu était devenu inutile dans un pays où la nourriture était rationnée depuis presque un demi-siècle. Civet de lièvre aux pruneaux ? Œufs en gelée au foie gras ? Côtelettes de veau Foyot ? Faut pas se foudre du monde !
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Non, ce n'était pas une idée saugrenue, car pendant ces années, avec tous les changements survenues dans la vie du pays et de ses habitants, il s'était produit d'infinies transmutations politiques, morales, religieuses, professionnelles, économiques et même sportives : son grand-père Rufino avait pris comme une condamnation l'interdiction des combats de coqs et le propre père de Conde était mort sans avoir revu un match de base-ball, car il ne concevait ni n'acceptait que le club des bleus de l'Almendares, dont il avait été un fanatique enragé à chaque minute des trente-cinq premières années de sa vie, ait cessé d'exister...
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Avait-elle quitté l'île comme tant de milliers de Cubains à cette époque ? Conde avait dans l'idée que c'était l'éventualité la plus plausible, même s'il n'excluait pas que Violeta puisse encore vivre à Cuba, sous son vrai nom - Lucia, Lourdes ou Teresa, car personne ne pouvait vraiment s'appeler Violetta del Río en privé et en particulier-, loin du lamé, des micros et des feux de la rampe.
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Comme les deux bouteilles de vin chilien de Concha Y Toro avaient été liquidées avant l'arrivée des desserts, ils demandèrent deux doubles rhums vieux pour nettoyer leurs papilles et accompagner le café, des rhums qui devinrent quadruples quand les amis allumèrent leurs cigares à la robe très délicate, offerts par l'ex-policier devenu gastronome qui, à la fin de la soirée, déposa son imposante corpulence entre eux et Tinguaro, pour boire ensemble un verre de Fra Angelico préalablement glacé.
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Le pire, cependant, c'est de sentir le vide qui flotte désormais entre les murs de cette maison où règne le silence depuis que l'on n'entend plus les cris des enfants et où il manque ta présence, toi dont l'esprit imprégnait cet espace qui est maintenant devenu immense et où je me sens perdue à cause de toutes ces absences.
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C'est ici que se trouve ce dont j'ai besoin pour me souvenir de toi et te sentir proche, pendant que dans la rue règnent le chaos, l'oubli, la hâte, la guerre contre le passé, et puis il y a surtout ces gens enthousiasmés par le changement, débordants de joie, je dirais même, très contents de ce qu'ils pensent recevoir en retour de leur crédulité fervente, sans imaginer que bientôt viendront les terribles exigences de la foi sans discussion qu'ils professent maintenant. Mon espoir c'est que, comme disait ton père, dans ce pays rien ne dure jamais longtemps, nous sommes définitivement inconstants et ce qui semble être aujourd'hui un tremblement de terre dévastateur, s'achèvera demain comme un pittoresque défilé de carnaval.
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En ces jours encore chauds, le soir, quand je sors dans le patio pour chercher la fraîcheur de la brise et que je vois le feuillage des arbres que tu as plantés au fil des ans, je sens que cet air, filtré par la rumeur âpre des feuilles de mamey, le chuchotement des feuilles du corossolier et le tintement ténu des feuilles du vieux flamboyant (ton flamboyant, te souviens-tu avec quelle allégresse tu saluais chaque été l'éclosion de ses premières fleurs ?), c'est une part de toi qui me parvient de si loin, et je rêve que peut-être une particule de cet air t'a habité un instant, puis, attirée par ma solitude, elle a survolé la mer pour venir me consoler, me nourrir et me maintenir en vie pour toi.
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Chaque heure, chaque minute, j'ai eu une pensée pour toi, car ici tout parle de toi, tout existe parce que tu as existé et insufflé la vie à chaque chose, à chaque personne, mais surtout à moi.
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- Oui, oui, possible. Mais je ne sais pas d'où ça vient, ce nom me dit quelque chose, commenta Conde, sans se rendre compte que son regard était resté rivé sur les yeux noirs de cette femme de papier, rayonnante et provocatrice, de vingt à vingt-cinq ans qui malgré son image figée était capable, à travers le temps, de lui transmettre une vive chaleur.
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