Interview en live avec Lili Sohn enregistré le 6 octobre 2022 pour la sortie de Partir Sur les chemins de Compostelle chez Casterman.
Je fais mon Compostelle, mon chemin, mon expérience, selon mes règles !
Ici, ce n’est pas la cité radieuse du Corbusier et pourtant, on se dit bonjour, on se parle, on apprend à se connaître, on échange, on s’invite, on prend soin les uns des autres et on refait le monde. Gula cuisine pour Francois, Jean Robert, trouve un logement à une famille bulgare, je prends les RDV médicaux de Fadel… c’est une petite communauté, une famille ! Je découvre un nouveau rapport aux autres, je prends réellement conscience de ce que signifie habiter, là aussi où je construis mon nouveau foyer.
Commencer par le commencement.
Mettre les choses à plat.
Prendre des notes.
Dessiner.
Ma maman a établi une échelle de mon "bien-être" en fonction de mon chat Didier.
Si Didier est collé à moi, je ne suis pas en forme.
S'il ne me colle pas mais qu'il reste proche...c'est pas si pire !
S'il vaque à ses occupations, "je vais très bien".
J'évite donc de mal le prendre lorsque la première chose que me demande ma maman TOUS LES JOURS c'est : où est Didier ?
Être immergée dans la nature (aussi industrialisée et maltraitée qu'elle soit) me permet de constater à quel point l'empreinte humaine est prégnante. Trop prégnante. Le point d'équilibre a été perdu entre l'homme, l'animal et la nature. Et je me demande si un jour on pourra revenir en arrière, défaire, partir et laisser faire. Sûrement que non. Je ne me sens pas défaitiste, juste réaliste.
L’annonce du cancer, c’est un peu comme mettre ton cerveau dans un toaster, tellement l’annonce est ultraviolente !
Pour ne pas cramer ton cerveau, le premier réflexe est de débrancher le toaster et ton cerveau aussi. Comme ton cerveau n’est plus alimenté, toutes tes émotions passent à la trappe.
Ce qui n’est pas grave, vu que pendant les traitements on est en mode combat ! Rien à foutre des émotions !!!
Sauf qu’une fois les traitements finis on rebranche notre cerveau et c’est là que ça coince.
Du coup, j’en suis exactement là ! Et je trouve ça assez désagréable ! Je suis censée être guérie, nan !? Et puis y a personne qui m’avait prévenue !!!
Bref, c’est pas encore fini….
Plus de cheveux.
Mais aussi plus de poils.
Et juste penser que je ne vais pas m'épiler pendant plusieurs mois ça me remonte le moral.
On est malades, on est fragiles, mais on reste des femmes avec des désirs.
Moi, maman ?
Parfois je me demande si je vais aimer cet enfant et surtout comment ? Quelle place il va prendre dans ma vie ? Comment je vais me sentir face à lui la première fois ?
— Oh, ça doit être comme avec Didier ! Mais en plus fort !
Didier mon chat. Je sais pas si cette réflexion est censée m'apaiser...
J'avais déjà compris qu'être une femme ne se résume pas à 2 seins + 1 vagin + 2 ovaires + 1 utérus (vu qu'il m'a manqué une partie du kit à un moment). Mais ça me paraît très important de savoir comment tout ça fonctionne. En fait, c'est même essentiel !!!
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