Citations de Lisa Jewell (276)
Ils viennent d’endroits que les gens normaux ne peuvent même pas imaginer, et leur richesse ostentatoire suinte sous leur apparence négligée.
Ils sont si sûrs d’eux et pourtant pathétiques, ils pensent tout savoir et ne connaissent rien.
Ce soir, Sophie est bien décidée à être renversante. Pas simplement belle, mais magnifique, à couper le souffle, pour que les élèves parlent d’elle dans son dos et disent : « La copine de M. Gray est trop canon, non ? » Elle ne sait pas pourquoi, mais elle veut impressionner certains des pensionnaires. Pas les plus jeunes, ceux de dix-neuf ans, qui sont presque des hommes avec leur bronzage, leurs cheveux épais et leur démarche assurée.
Ils étaient mignons comme tout, les amoureux. Il avait acheté une bouteille de champagne. Ils ont commandé un plateau de fruits de mer. Adorables, vraiment. Il y avait un groupe de jeunes à quelques tables de là, je pense qu’ils venaient de Maypole. Bruyants, tapageurs, vous voyez le genre. Ils avaient l’air de connaître votre fille. Ils se sont carrément incrustés à leur table. Adieu le dîner romantique… Je me sentais mal pour eux !
La flèche dessinée sur le morceau de carton cloué à la clôture pointe vers le sol, un peu à gauche. Elle ne sait pas si l’ordre de « Creuser ici » est une instruction précise ou plutôt une indication générale, mais elle plante la lame le plus proche possible de la flèche. Elle sent son cœur battre de plus en plus vite à chaque pelletée de terre soulevée, et l’angoisse se répand dans ses veines.
C’était ce qu’elle avait voulu, ce qu’elle avait tant désiré. Ensuite, il l’avait portée alors qu’il était encore en elle, qu’elle l’enlaçait de ses membres, il l’avait fait tournoyer dans le jardin, et elle souriait, de tout son cœur, son sang courait dans ses veines, et la lune brillait dans le ciel de velours.
Devenir mère l’avait transformée en profondeur. Quitter le lycée aussi. Tout comme redevenir célibataire après plus de trois ans en couple. Elle n’était plus la fille douce et romantique qu’elle avait été avant de tomber enceinte, avant qu’il ne l’abandonne et qu’elle doive gérer cette situation seule. Et elle savait bien au fond d’elle que c’était l’ancienne Tallulah Murray qui intéressait Zach.
Elle lui avait parlé parce qu’il avait l’air gentil et qu’elle était désolée de ce qu’il avait subi. Rapidement, ils avaient commencé à sortir ensemble, et voilà. Ils étaient depuis devenus l’un de ces couples qui font partie du décor, un couple sans surprise, qui ne suscite ni rumeur ni intrigue.
Elle a l’impression qu’elle vient de se faire prendre en flagrant délit d’indiscrétion. Elle paie en sans contact et va s’asseoir avec sa boisson dans un petit fauteuil recouvert de velours violet, à côté d’une table basse en laiton. D’ici, elle observe Kim Knox ranger des bouteilles de soda dans les étagères. Elle dégage une énergie étrange.
Quand elle écrit, elle invente un mystère, et ses deux personnages doivent le résoudre pour elle, c’est sa routine créative. Susie et Tiger n’auraient aucun scrupule à aller questionner cette belle femme triste pour découvrir ce qui est arrivé à sa fille. Ils le feraient sans tergiverser, parce que c’est leur métier. Mais ce n’est pas celui de Sophie. Elle ne mène pas d’enquête. Elle est romancière et n’a aucun droit de s’immiscer dans la vie privée des gens.
Les hommes n’ont aucune idée des effets de la maternité sur les femmes. Certaines éprouvent le besoin de protéger leur peau, leur corps, leur espace. Quand on se donne entièrement à un bébé, qu’on lui offre tout ce qu’il est humainement possible de partager avec un autre être, la dernière chose dont on a envie, c’est d’avoir un homme dans les pattes qui exige lui aussi qu’on lui accorde de l’attention. Les hommes ne savent pas qu’une main posée sur la nuque peut être perçue comme une supplique, et non un geste d’amour, et que les enjeux sentimentaux deviennent alors trop encombrants, beaucoup trop.
Ce sont deux jeunes adultes qui ont beaucoup de responsabilités, c’est la première soirée qu’ils passaient en amoureux depuis longtemps, ils ont peut-être pris goût à la liberté.
Elle sent une nouvelle émotion la submerger, le genre de montée d’adrénaline que l’on éprouve quand on a failli tomber dans l’escalier, une forme de vertige.
L’alcool passe de son sang à son cerveau, et soudain elle ne pense plus à son ventre mou, ni à Chloe. Elle veut seulement s’amuser comme une fille de dix-huit ans qui n’a aucune responsabilité, comme si elle n’avait pas d’enfant, comme si sa mère ne sacrifiait pas sa soirée pour elle, comme si elle n’avait pas d’ex qui manigançait pour la reconquérir, comme s’il n’y avait rien d’autre qu’elle, maintenant, profitant de son premier semestre, avec la vie devant elle, tandis que la nana la plus cool du monde lui tient les mains en lui souriant.
Tallulah hume son parfum, c’est celui du Body Shop avec du musc. Sa mère prétend que l’odeur a un effet aphrodisiaque sur les hommes. Mais Tallulah n’y croit pas vraiment : pourquoi est-ce qu’on se donnerait tant de mal pour séduire un homme s’il suffisait de porter un parfum ?
Des événements terrifiants se sont produits ici, à vous donner des cauchemars. Rien que l’année dernière, la police est venue deux fois pour rechercher des personnes disparues dans les environs.
C’est une belle jeune femme, les traits fins encadrés par un carré auburn avec une frange droite. Elle porte des lunettes de lecture noires à monture épaisse, un jean slim et un tee-shirt qui donne une impression négligée parfaitement maîtrisée.
Aujourd’hui, elle est mère, elle a ses études, elle se sent différente et elle n’éprouve plus l’envie d’être en couple. Elle ne veut partager son lit et son corps qu’avec son fils.
Tallulah observe ses traits remarquables : elle a une petite bosse sur le nez, un menton un peu fuyant, une bouche fine comme un trait. Mais elle est belle, plus belle que toutes les autres filles du lycée, même celles qui ont un profil parfait et des lèvres pulpeuses.
Elle a un timbre froid, hautain, qui évoque les lits à baldaquin, les écoles privées huppées et les allées de gravillons. Visiblement, c’est le cadet de ses soucis, et elle donne l’impression à Kim de lui faire une faveur en lui adressant la parole.