"Comme si on avait voulu montrer au-dessus des cadavres le ciel..."
Lucie Taieb sait taire pour ne pas gâcher. Pas une phrase de trop. Le roman est concis et il frappe d'autant plus fort.
La première moitié m'a mordue, et entre ses canines je me suis laissée prendre. Mais ensuite, perdue dans des rêves enchâssés, l'auteure m'a donné trop de vague, trop de poésie dans cette langue abrupte.
La toute fin sauve tout : les contradictions, le récit, le réel et la Vertu.
"Elle était flic et elle rêvait de chaos."
Commenter  J’apprécie         00
Un livre au premier abord intrigant, un peu trop fabriqué à mon goût dans l'objectif de séduire. La partie intimiste plus surprenante que celle, fantasmée, à peine anticipée, surfaite, qui décrit le processus de ses êtres au travail, évanescents, absorbés par le néant. L'écriture est souvent sophistiquée mais quelque chose, une simplicité plus brute, des personnages plus riches jusque dans leurs métamorphoses, m'auraient happé.
Commenter  J’apprécie         00
« Peuplié » de Lucie Taieb (2019, Lanskine, 136 p.) « C’est l’aventure d’un arbre devenu verbe ».
Evidemment, énoncé ainsi, on peut s’attendre à tout, même au pire. Même l’être de charme est un peu plié après son boulot à la chaine. Heureusement l’auteur nous avertit « Peuplié, c’est aussi l’histoire de Fredinand Man et Liesl Wagner, amants tragiques, partageant tous deux l’infortune d ́une naissance entre deux siècles ». Pour d’autres, il s’agit non de siècles, mais de chaises. Evidemment, le grand Victor écrivant « La Légende des Chaises », cela aurait moins de valeur marketing. Quoique….
Donc, partons pour la vie tragique de Fredinand et Liesl. Pour le premier, je conçois un père dislexique, bredouillant à l’état civil le prénom du fils de son sang. Et pour la seconde, un coup de cœur pour la Liesele, la gardienne d’oie strasbourgeoise, qui est au foie gras ce que la Mère Poulard est à l’omelette, les plumes en moins. Vie tragique dans l’empire austro-hongrois finissant. On sent les suicides collectifs, dans les torrents bondissants des Alpes de Kitzbühel, après ingérence de la boisson locale, le « Krautinger », ou alcool de navet. Remarque, effectivement cela a le gout du navet. Après, les spécialistes diront si il y a dedans de la pomme ou non.
La vie des poètes autrichiens. Ce sont, dit-on « des échappées sonores, des axiomes existentiels, de longues douches ». Rien qu’à lire… « Je n’ai pas bien connu Fredinand Man. [...] Mais je respectais son travail et nous étions nombreux à penser que ce jeune homme soigné se trouvait sans doute au seuil d’une œuvre considérable ». On comprend mieux, à ces lectures comment l’opinion de Karl Kraus a pu se forger dans les cafés à l’intérieur du Ring à Vienne.
Fredinand, comme il se doit, est un poète d’« âge suisse », « né d’un père suisse, allemand et sans rancune », Liesel est déjà morte, mais lui répond de l’autre côté de la vie.
Heureusement, il y a un « Liminaire » et un « Epilogue » pour expliciter les circonstances de la découverte de ces textes.
Entre, une étrange équation qui finalement explicite à la fois l’insuffisance respiratoire et l’insuffisance amoureuse. C’est simple comme de l’Euclide, sauf que cela tient en trois lignes alors que les « Eléments » occupent treize livres. Donc « Si l’air dont tu as besoin pour vivre (Av) est inférieur à l’air que tes poumons peuvent accueillir (Ap), tu t’essouffles »et de la même façon « Si l’amour dont tu as besoin pour vivre (Av) est inférieur à l’amour dont tu as besoin pour te perpétuer (Ap), tu étouffes. » d’où il ressort que la différence E c’est-à-dire « l’épuisement par essoufflement ou étouffement des forces du sujet » ait la même valeur que la différence « de l’insuffisance respiratoire et l’axiome de l’insuffisance amoureuse », soit « tu ». Vous avez suivi ? Appliqué au syndrome respiratoire aigu sévère, il a récemment été démontré, expérimentalement (équipe de Marseille) et de façon plus empirique (équipe de Mar a Lago) que la conjonction des deux syndromes en fait quadruplait la réponse sous forme d’une équation {tu + rlu (tu + tu) + cha + po+ po1( tu)} en tenant compte des facteurs différentiels (rlu, cha, po, po1). On pourra suivre la démonstration dans l’illustration de « Peuplié ».
Commenter  J’apprécie         00
A son ouverture en 1947, la décharge de Fresh Kills, au sud de New-York, ne devait rester en activité que trois ans. En 2001, après avoir accueilli une partie des débris du World Trade Center, Fresh Kills ferme enfin. Entre-temps, le site est devenu la plus grande décharge à ciel ouvert du monde. Aujourd’hui, cette enclave d’un millier d’hectares de Staten Island va être recouverte par un immense parc, construit sur les déchets.
C’est autour de cette mise à l’écart du rebut que débute le projet d’écriture de Lucie Taïeb. Découverte par l’autrice dans les pages d’Outremonde de Don DeLillo, qui évoque sa présence monstrueuse aux portes de la ville, la décharge apparaît comme une figure du réfoulé, un symbole de notre déni de réalité face aux traces que nous laissons sur terre. Enquêtant sur ce lieu hors-normes et sur les mutations du tissu urbain qui l’entoure, Lucie Taïeb compose un texte qui, comme son objet d’étude, procède par strates. A mesure que ses recherches progressent, son travail d’élaboration poétique vient se superposer aux discours historiques et techniques glanés dans les archives et les thèses de spécialistes. Cette passionnante sédimentation de l’écriture devient à son tour l’image de ce que l’humanité construit sur ses ruines et ses déchets, que ce soit pour en sauvegarder la mémoire ou pour les pousser dans l’oubli.
Commenter  J’apprécie         00
Poétique et politique se mêlent dans ce très beau récit sur l'émancipation de deux femmes qui vont fuir une société entièrement vouée au travail, guidées par une voix. Lucie Taïeb a d'abord écrit des recueils de poésie, il faut donc aimer les écritures très travaillées, et se laisser guider par la voix de Lucie comme les héroïnes le font avec celle de Stern. Un petit bijou ciselé, édité par les étonnantes éditions de L'Ogre.
Commenter  J’apprécie         00
Lucie Taïeb, pour sa première création, choisit une forme fragmentée pour mieux faire se croiser les voix de plusieurs personnages qui s’adressent à un être cher absent. La mort, la disparition et l’exil se côtoient dans ces appels où le manque cède parfois la place à la violence de l’incompréhension.
Sidonie Mangin a choisi la gravure pour accompagner ces errances. Les figures qu’elle déploie, narratives et mystérieuses, font ainsi écho à l’atmosphère fuyante du texte.
Commenter  J’apprécie         00