Magdalena Platzova et
Hemley Boum vous présente leurs ouvrages "
Le saut d'Aaron" paru aux éditions Agullo éditions et "
Les jours viennent et passent" paru aux éditions Gallimard. Entretien avec Jacqueline Madrelle.
Évènement en partenariat avec France-Libertés Gironde.
Retrouvez les livres:
https://www.mollat.com/livres/2543335/magdalena-platzova-le-saut-d-aaron
https://www.mollat.com/livres/2355144/hemley-boum-
les-jours-viennent-et-passent
Note de musique : © mollat
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Elle, qui s'était jadis enflammée pour Kirsch, Marc, Nolde, Chagall qui avait été comme une révélation. Pour Le Corbusier et Brancusi. Élève du peintre K., dans l'atelier de qui elle avait rencontré Berta et à travers elle son autre grand amour, Paul Klee.
(p. 11)
-Vous êtes-vous déjà confessée?
-Jamais.
-Vous voulez dire que pas une fois de votre vie, pas même enfant, vous n'avez avoué vos péchés et reçu l'absolution?
-Non. Alors par où dois-je commencer?
-Commencer par le Seigneur.
-Je ne lui ai rien fait, à celui-là.
Le prêtre pousse un profond soupir..
-Commencer par où vous voulez.
L’aplomb masculin a des centaines d’années d’avance sur les femmes, se dit Kristyna. Même pour le plus idiot et le plus laid des hommes, il se trouve quelque part une femme qui le conforte dans sa certitude d’être un dieu. Et la meilleure des femmes peut se faire détruire par quelques mots d’un homme.
J'ai lu à Terezin qu'au moment de la sélection ceux qui portaient des lunettes partaient directement à la chambre à gaz. Parfois quelqu'un arrivait à les enlever à temps et devait ensuite faire semblant de voir, tu imagines? Tu avances à tâtons et le moindre de tes pas peut signifier ta mort!
Ça, c'est de l'art. Ressusciter ce qui est mort, nous faire remarquer ce devant quoi nous sommes jusqu'ici passés sans le voir. Un pan de rideau la ravissait comme un tableau. Moi, les rideaux m'ont toujours été plutôt indifférents.
J'ai été obligée de déposer tout ce qui comptait dans ma vie aux pieds de mon premier mari. J'ai lutte mais il a eu le dessus . Comme artiste, il savait ce que l'œuvre exige de l'être humain et il ne voulait pas me partager. Il était persuadé que pour créer, il avait besoin de moi entière. Son œuvre était prioritaire sur la mienne, il n'en doutait pas un seul instant.
Berta, ma grande amie, mon inspiratrice pour la vie. C’est ainsi qu’elle le dira aux cinéastes venus d’Israël, imaginez, pour tourner un film sur Berta. Berta, leur dira-t-elle, savait insuffler la vie aux objets. Ça, c’est de l’art. Ressusciter ce qui est mort, nous faire remarquer ce devant quoi nous sommes jusqu’ici passés sans le voir. Un autre côté, cette passion pour tout ce qui l’entourait la détournait du vrai travail ou de ce qui est généralement considéré comme tel. Elle n’a pas laissé beaucoup de tableaux. Elle agissait avec son entourage comme avec les intérieurs, elle voulait vivre dans la vérité, hors de tout cliché, des mensonges confortables et de l’auto-illusion. La pureté, la vérité, la liberté, c’était sans doute le slogan de toute sa génération.
D’ailleurs, même moi je ne laisserai derrière moi qu’une petite empreinte personnelle. Vous n’avez pas un grand talent, mais il est beau m’avait dit mon maître, le peintre K. C’était évidemment plus compliqué avec Berta : elle, elle avait un grand talent. Chaque fois que Kristýna parle de Berta, elle est obligée de parler d’elle-même et vice versa. Pourtant, selon les paramètres habituels, Kristýna a réussi mieux que Berta. Après le changement de régime en 1989, elle avait connu plusieurs années d’intérêt public : des rétrospectives, des prix, des voyages à l’étranger. Des journalistes lui rendaient visite et posaient des questions sur le passé récent, ils s’étonnaient des brimades qu’elle avait dues subir, n’en croyaient pas leurs oreilles, et Kristýna se sentait comme dédoublée : ou donc avait-elle passé ces quarante années ? Ne vivait-elle pas toujours dans le même appartement ? Et si elle se trouvait ici et non sur une planète absurde, ou avaient donc vécu ces gens qui venaient maintenant l’interroger ?
Vous savez, c'est bizarre. Pendant une année vous risquez votre vie tous les jours et vous ne cessez de penser qu'à survivre. Vous avez en vous une telle envie de vivre, vous rêvez à tout ce que vous pourriez entreprendre si la vie vous était accordée, puis, lorsque tout est fini, vous découvrez qu'en fait vous n'en avez nulle envie. Vous êtes partout étranger. Derrière tout, c'est le vide qui vous fait face. Tout vous semble insensé et vous avez un terrible sentiment de culpabilité pour quelque chose sur quoi vous n'aviez absolument aucun pouvoir.
Vous êtes partout étranger. Derrière tout, c’est le vide qui vous fait face. Tout vous semble insensé et vous avez un terrible sentiment de culpabilité pour quelque chose sur quoi vous n’aviez absolument aucun pouvoir. Vous ne comprenez pas ce que les autres disent, pourquoi ils font les choses.
On ne peut pas peindre la mort. Seulement lui survivre.
(p. 242)