Rencontre avec Ian McEwan à l'occasion de la parution de son roman Leçons aux éditions Gallimard.
Ian McEwan a passé une grande partie de sa jeunesse en Extrême-Orient, en Afrique du Nord (en Libye), et en Allemagne, où son père, officier dans l'armée britannique, était envoyé. Il a fait ses études à l'université du Sussex et l'université d'East Anglia, où il a été le premier diplômé du cours d'écriture créative créé par Malcolm Bradbury. Insolite et insolente, provocatrice, hautement originale, l'oeuvre de Ian McEwan surprend par ses tours de force de concision et d'humour. L'auteur joue avec les énigmes qui sont l'essence de la narration. Tous ses romans affichent une parenté lointaine, sous forme de simulacre, avec l'énigme policière. Il a publié plusieurs nouvelles et romans pour adultes et, en 1994, le Rêveur, un recueil de nouvelles pour la jeunesse.
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13/03/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
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Peut-être devrions-nous laisser Petworth un moment pour aller aux toilettes pendant qu'il traite ces questions, et d'autres dont, dans les séminaires du monde entier les facultés débattent avec les orateurs invités : le manque de moyens de la bibliothèque, la folie de l'administration universitaire; le ministère lunatique qui instaure une réforme de l'éducation mais s'avère incapable de l'achever pour la rentrée universitaire, de sorte que les étudiants ne sont pas au courant, les livres n'arrivent pas et la pauvre faculté se voit obligée de rester à la maison et de travailler sur ses recherches à elle.
[Perhaps we should leave Petworth for a moment and find the toilet as he deals with these questions, and other such matters that, in seminar rooms throughout the world, faculties discuss with visiting speakers: the poverty of the library; the folly of the university administration; the lunacy of a ministry that institutes an educational reform but fails to have it ready when term starts, so that the students are not told and the books do not come and classes must be cancelled and the students protest and the police come and the poor faculty are compelled to remain at home working on their own research.]
The business of a lecturer is, of course, to lecture. Petworth has not come this far,crossed two time-zones, found other skies and other birds,simply in order to answer toasts, to visit tombs, to worry about domestic disorders, to catch himself in the thorny thickets of sexual confusion, split loyalties, divided attachments,to know desire or despair, to fall in love with lady writers ; he has come to perform utterance.
Et plus haut encore, surplombant tout le défilé, incroyablement énormes face aux minuscules visages des minuscules manifestants du bas (que, ou plutôt dont l'une d'eux, Petworth regarde), se trouvent les plus grands visages, certains barbichés et d'autres lorgnonnés, certains moustahus et d'autres barbus, certains austères et glabres, de Marx, Lénine, Engels et Grigoric, Brejnev et Vulcani, ceux qui ont écrit l'histoire, sans qui l'occasion présente ne se serait pas présentée.
[And higher still, over the whole display, unbelievably big against the tiny faces of the marchers down below (at whom, or rather at one of whom, Petworth is looking), are the greater faces, some goatee-ed and some pince-nez-ed, some moustached and some bearded, some stern and clean-shaven, of Marx and Lenin, Engels and Grigoric, Brezhnev and Vulcani, those writers of history without whom the present occasion would not have been possible.]
[Howard] travaillait sur un livre, un livre argumenté, qui affirmait, comme vous pouviez vous y attendre, qu’il y avait eu une reconfiguration totale des mœurs sexuelles en Grande-Bretagne, que les rôles sexuels avaient été complètement redéfinis, et que l’utilisation des concepts traditionnels d’ “homme" et de "femme", visant à désigner des entités culturelles stables, n’était plus pertinente. “Nous avons besoin de nouveaux noms pour cette espèce de personnes génitalement distinctes”, disait-il.
[...] "Nous avons besoin d'un nouveau nom pour désigner les personnes génitalement distinctes de ton espèce, dit Barbara. Tu es une merde."
Pendant la nuit, les Kirk peuvent se mettre à la fenêtre de leur maison, après une escalope milanaise, et regarder crépiter les petites lumières que crachent les maisons en ruine de l’autre côté de la route : les buveurs de meth et les hippies vagabonds circulent sans cesse et vaquent à leurs occupations, menant un mode de vie indépendant, gémissant dans l’obscurité, mettant de temps à autre feu à leurs habits. Les Kirk agissent en fonction de leurs compétences respectives : Barbara leur apporte des Thermos de café et des couvertures, Howard les compte et, dans le bureau qu’il s’est créé au sous-sol — un objet de honte dans leur désormais assez confortable existence — il met les résultats sur papier dans des articles indignés pour New Society et Socialist Worker.
Howard n’avait pas effectué un gros travail de recherche pour ce livre, et il était pauvre en exemples et en documentation ; mais il compensait ce manque par une grand énergie argumentative et une franche implication auprès du camp de la permissivité. (…) Mais on estimait généralement qu’il s’agissait d’un livre engagé, progressiste qui se situait du bon côté.