Les chinois, les japonais et les coréens ont coutume de fuir le chiffre 4 en raison de sa ressemblance avec l'idéogramme du mot "mort". Au point que dans les ascenseurs la lettre F (pour "four" en anglais) le remplace parfois.
D'habitude un laissez-passer permet d'accéder à une attraction. Ici il sert à en sortir.
Je ne comprends pas ce que je fais ici. J’entends toujours au loin cette petite voix qui me murmure : « Tu ne verras rien. » Comme elle a raison ! De tous mes reportages c’est le plus insensé. J’appartiens à un lieu peuplé de fantômes, d’absences et je ne cesse de me cogner contre moi-même. (p. 78).
Sergueï ne voyait pas le temps passer. Il y avait toujours quelque chose à faire. La longueur de la piste, il est vrai, exigeait beaucoup d'un seul homme. D'ailleurs, il ne remarquait pas tout. Combien de fois avait-il oublié d'évacuer les excréments des loups ? Il les distinguait mal avec leur couleur changeante. Et puis, il lui était impossible de couvrir chaque mètre carré en une inspection. Il achevait donc sa journée avec une idée précise des tâches qui l'occuperaient le lendemain. Et lorsque le temps lui manquait, il rentrait chez lui, chagriné. Chaque moi comptait, chaque saison imposait son labeur. L'été surtout réclamait beaucoup d'attention. Il fallait veiller à ce que la piste soit propre avant qu'elle revête sa tunique blanche. Sergueï n'attendait l'aide de personne. Qu'il baisse les bras, qu'il tombe malade, qu'il parte, et la piste, à coup sûr, s'abîmerait avant de se dissoudre dans la végétation. C'était une lutte pour la vie, un travail honorable.
Enfin je réalise. La raison de mon malaise, c’est ce silence. Un silence de laboratoire. Pas comme le nôtre, toujours remué par le bourdonnement des avions, le piaillement des oiseaux, le lointain vacarme d’un chantier. Ici le cliquetis d’un vélo, le sarcloir d’une femme ou le ressort de mes baskets sonnent comme du verre.
Voici ma question... - Sergueï Alexandrovitch... l'interrompit le Premier ministre. D'abord, laissez-moi vous exprimer toute mon admiration, mais je voulais vous demander quelque chose : pourquoi avez-vous continué à vous occuper d'un aéroport qui ne servait plus ? " Sergueï se mit à sourire à nouveau. C'était un sourire qu'il s'adressait à lui-même comme à un ami auquel il chuchoterait : "Tu pensais y échapper ?"
Il hésita, bredouilla. "C'est comme ça..." dit-il. Puis, après un court silence, il récupéra trois mots au fond de la gorge. "L'espoir meurt en dernier", lâcha-t-il.