Citations de Marcel Arland (15)
L'amour, c'est de goûter à travers une unique personne le charme du monde entier.
Vincent Muselli (1889-1956) : Les Chiffonniers
Oui, de tous les métiers le vôtre est le plus sage ;
Aucun saurait-il mieux vers le souverain bien
Élever la pensée, en nous montrant combien
De l’or et des honneurs rapide est le passage !
Du monde d’ici bas, le véritable aspect
Vous seuls le connaissez, qui, la main souple et dure,
Bravant également la tempête et l’ordure,
Fouillez nos vanités d’un crochet sans respect.
Votre tâche pourtant, multiple et monotone,
Veut force et patience, ah ! qu’un autre s’étonne
Que de la bien remplir n’aille point sans tourment !
Je comprends quels soucis plissent vos fronts moroses
Lorsqu’au petit matin vous rentrez lentement,
Portant sur votre dos la ruine des choses.
1414 - [p. 766]
En amour, voyez-vous, mon cher, il faut de l'audace.
Une petite femme sèche et grise, au regard aigu, aux lèvres méfiantes, au menton autoritaire, d'une propreté méticuleuse, mais sans autre coquetterie que ses bandeaux bien lissés et ses bottines de dame : à voir Colette Blaison loin de son fils – la veuve Blaison, la mère de Richard –, un étranger l'eût-il rapprochée du grand garçon, affable et dégingandé ? Mais, la première, elle semblait s'étonner d'un tel fils.
"Enfant, je ne vis jamais sans trouble danser les paysants de mon village. Ils allaient à la danse comme à une solennité; raidis, lourds et graves, les yeux fixes, ils semblaient chercher au fond d'eux-même quelque grand rythme oublié."
Nous disions les bois. La forêt, c'était un mot de livre ou de narration ; comment l'appliquer à nos étendues sans ordonnance, tantôt fourrés, tantôt clairières, trouées de ravins, sillonnées de sentiers de charroi que la moindre averse rendait impraticables ?
Parfois ma mère, s'asseyant entre nous, lisait à voix haute. Je n'en étais pas très heureux. Non qu'elle lût mal ; elle apportait au contraire à sa lecture toute la mise en scène, les sous-entendus, les commentaires, le jeu dramatique enfin dont elle ne se séparait jamais. Mais il me semblait que le mot n'a pas besoin de la voix, qu'il trouve son seul accent juste dans la silencieuse musique de l'esprit.
Peu à peu, il cessa de s'intéresser à beaucoup de questions qui l'avaient préoccupé jusqu'alors. Il trouva vain de chercher un but ; il ne s'interrogea plus sur la valeur de ses actions ; il perdit même en grande partie le besoin de s'analyser qu'il éprouvait depuis son enfance. Le monde extérieur, l'instant présent et le sentiment de la fuite de cet instant comptèrent pour lui plus qu'ils n'avaient jamais fait.
Je ferai ce soir ma dernière promenade à travers le village. Je vais vous rejoindre. Saurai-je enfon vous parler comme ici ? J’ai peu d’illusions sur moi et je ne souhaite pas que vous soyez moins lucide. Je ne vous apporte rien que vous ne connaissiez ; mais de ce que je suis et de ce que vous êtes, à cette heure de nos vies, il me semble que nous pouvons tirer un chant qui soit le nôtre et nous accompagne. Le monde pend une nouvelle, une étrange jeunesse, à qui sent que les jours passent, où il lui est encore donné d’en jouir. Je suis plein de sagesse, vous le voyez. Et puis l’été commence. J’entends comme jamais l’oiseau de Cachemire.
Même à midi, la cuisine restait sombre. Tout le jour de la rue s'amassait en vain devant l'étroite fenêtre; je ne la vis jamais ouverte; de vieux rideaux d'alcôve et des pots d'hortensias la réduisaient encore. Et comme la pièce était longue et déclive, tous les degrés de la pénombre s'y succédaient jusqu'aux angles du fond, où quelque reste de la nuit passée semblait attendre la nuit prochaîne.
Elle avait épousé un sous-lieutenant, en garnison à Vendeuvre, et dont son père était féru
Ce gros homme sanguin courait volontiers le jupon ; et l'on citait telle fille, telle femme du village, qu'il avait débauchées. Les paysans en riaient : l'homme est fait pour attaquer, la femme pour se défendre. D'ailleurs, M. Henriot avait toujours gardé un certain soin de sa dignité ; c'est ainsi qu'il s'interdisait toute privauté avec ses bonnes, de peur que la tenue de la maison ne s'en ressentît. Par prudence, il les choisissait laides.
Le mécontentement ! Mais de tous temps on a été mécontent. Le Français est né mécontent. Qu'en pensez-vous, Villard ?
Mécontent, on l'a toujours été. Oui. Mais quand les sujets de mécontentement sont : un pays appauvri d'un million d'hommes jeunes, un traité de paix qui laisse l'avenir assez trouble, un état économique déplorable, alors on doit se dire que ce mécontentement peut être dangereux. (1929)
Il avait trop d'orgueil pour reconnaître un demi-échec : s'il n'avait pas triomphé, il avait subi une défaite lamentable.
Tristes cœurs, se disait-il, ceux qui attendent d'un événement l'occasion de se révéler ! Le soir, quand il rentrait, brisé de fatigue, écœuré de soi, c'était avec un contentement dont il avait honte, qu'il retrouvait le logis habituel, la tendresse de Renée, les plaisirs du corps, et ce sommeil même qu'il haïssait : "Une bête domestique qui rentre à l'étable. Je suis né pour vivre marié, père de famille, et employé dans un bureau de l'Etat".