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Critiques de Margaret Killjoy (33)
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Un pays de fantômes

Tenter de comprendre une fiction sans s'intéresser aux idées et à la vie de celui ou celle qui la crée relève de la gageure.

Pour la publication d'Un pays de fantômes chez Argyll, il semble indispensable de s'intéresser d'abord à son autrice : Margaret Killjoy.

Autrice transgenre et anarchiste revendiquée, Margaret Killjoy vit dans une communauté « autonome » des Appalaches, région montagneuse de l'Est des États-Unis. À la fois romancière et musicienne (au sein du groupe de Black Metal Feminazgûl), elle tient également un podcast survivaliste répondant au doux nom de Live Like the World Is Dying.

Un curriculum vitae qui en dit long sur les idées politiques et l'implication de Margaret Killjoy lorsqu'elle en vient à prendre la plume.

… Et ça tombe bien puisque c'est avec sa fantasy (forcément) anarchiste que débute sa publication dans l'Hexagone !



Un pays de fantômes ne perd pas de temps.

Il ne peut d'ailleurs pas se le permettre au vu de son nombre congru de pages. Narré par Dimos Horacki, journaliste pour la « Gazette de Borol », le roman nous emmène à la rencontre d'un peuple farouchement indépendant, celui de Hron. Envoyé par son Roi pour servir la propagande d'État de l'empire borolien, Dimos va vite s'apercevoir que l'armée de l'impitoyable général Dolan Wilder n'a rien de glorieuse. Au contraire : elle tue, brûle, torture et mutile quiconque se met en travers de son chemin. Dégoûté par les siens, notre journaliste est finalement fait prisonnier par un groupe de miliciens mené par Sorros et Nola. Au sein de cette Compagnie Libre de l'Andromède bleue, Dimos va parcourir Hron, découvrir ses us et coutumes et nouer des liens d'amour et d'amitié. Malheureusement, la Borolie n'a pas dit son dernier mot et la situation semble désespérée pour cette utopie perdue dans les montagnes…

Le mot est donc lâché : utopie.

À l'heure où la dystopie a le vent en poupe au sein de l'imaginaire, Margaret Killjoy tente de créer un univers fantasy en décalage avec les poncifs pessimistes habituels.

Si le roman commence par une plongée dans un corps d'armée borolien, avec toute la violence et la barbarie que cela suppose, il se tourne vite vers l'exploration de la vie en Hron une fois Dimos passé de l'autre côté du miroir.

On ne sera guère surpris de voir que l'utopie de Margaret Killjoy n'est pas autre qu'une mise en application de l'anarchie à l'échelle d'un pays complet. Enfin, si le mot « pays » a encore un sens dans cette optique.

Mais plutôt que de transformer son récit en un essai barbant et forcément attendu, l'américaine choisit de l'enchâsser dans le récit d'une résistance, celle du pays de Hron, face à une puissance étrangère impérialiste, la Borolie.

Il en résulte une aventure crédible où l'on s'attache aux personnages et où l'on espère avec eux. En somme, Un pays de fantômes parvient à être littéraire avant d'être politique.



Pour bien comprendre ce qu'est Un pays de fantômes, il faut savoir qu'il s'agit d'une fantasy dénuée de tout type de magie, d'évènements fantastiques et autres créatures surnaturelles. Une fantasy qui préfère le pistolet, la mitrailleuse et le gilet d'argile pare-balles aux épées et cottes de mailles.

Sur ce fond hard fantasy dans la droite lignée des Récits du Demi-Loup de Chloé Chevalier, l'autrice américaine déploie son idée de l'utopie en la faisant vivre à travers la camaraderie des uns et des autres, en confrontant le point de vue d'un étranger (Dimos) aux habitants d'Hron, civils ou combattants. Ainsi, il s'agit de comprendre l'anarchie à hauteur d'hommes en tentant d'en expliquer les rouages et les motivations, les failles et les avantages. La force du récit de Margaret Killjoy, c'est qu'il n'est pas là pour imposer une idée mais pour l'exposer… tout en laissant de véritables enjeux derrière, à savoir la liberté du peuple Hron et le combat pour sa survie pure et simple.

En choisissant un journaliste comme narrateur, Margaret Killjoy fait coup double : elle permet à la fois d'avoir l'avis d'un étranger sur une société différente de la sienne et d'insister sur le rôle fondamental du journalisme pour rendre compte du réel envers et contre tout. On pense parfois aux Jardins Statuaires de Jacques Abeille, avec pour point commun de porter un regard extérieur sur une société nouvelle pour son héros-narrateur afin de mieux la comprendre (et de la critiquer).

Malgré sa bienveillance évidente envers l'utopie anarchiste représentée par Hron, Margaret Killjoy en teste aussi les limites notamment avec Karak, société de bannis et d'anti-sociaux qui ont constitué leur propre cité en réaction à leur ostracisation d'Hron.

Ce qui marque cependant dans le récit de l'américaine, c'est la volonté de livrer quelque chose de singulièrement différent, une tentative de société dans laquelle le mot liberté prend tout son sens. Où l'on décide de tout collectivement, où l'on prend ses responsabilités vis-à-vis de soi et des autres, où l'on s'attache à l'indépendance plutôt qu'à la soumission.

Et mine de rien, aussi naïve qu'elle puisse paraître parfois, cette utopie fait du bien au lecteur. Elle incite à repenser nos acquis et à s'interroger sur nos valeurs tout en délivrant un message sur le caractère belliqueux des empires, sur la vision conquérante d'un système fondamentalement oppressant où l'être humain finit seul, abandonné, isolé, négligé. La lutte des miliciens d'Hron rappelle les combats désespérés des peuples à travers l'Histoire pour conserver leur mode de vie face à l'envahisseur. On pense aux amérindiens, aux africains et, plus généralement, à tous les peuples agressés par des empires expansionnistes à travers l'histoire.

Un pays de fantômes est tout autant un roman d'ouverture et de découverte qu'une ode à la résistance et à la révolte. Margaret Killjoy comprend que l'utopie ne veut pas dire pacifisme et que la violence reste parfois nécessaire pour assurer sa propre survie. Pas étonnant de retrouver l'auteur d'Un Enfant de Poussière, un certain Patrick K. Dewdney, à la préface…



On pourrait croire arrivé ici que la lecture d'Un pays de fantômes relève plus du tract politique qu'autre chose. Il n'en est pourtant rien.

Comme nous l'avons mentionné plus haut, Margaret Killjoy a l'intelligence de construire des personnages émouvants, du milicien Sorros à la générale Nola en passant par le jeune Grem et le révolutionnaire Vyn.

Les relations qui se tissent entre eux et le narrateur, Dimos, permettent au récit d'en devenir touchant et tragique, redonnant à la fiction sa place principale pour toucher le lecteur tout en l'interrogeant.

C'est par la lutte désespérée du David hronien face à l'écrasant Goliath borolien que le roman trouve toute sa force. Il parvient ainsi à justifier son propos politique qui, de ce fait, n'apparaît plus comme un prétexte mais comme un moteur de l'intrigue.

Il en résulte une histoire où l'on espère et où l'on croit, même l'espace d'un instant, que cette utopie anarchiste soit possible. C'est forcément, en soi, une sacrée réussite.



Roman hautement politique mais aussi et surtout éminemment humain, Un pays de fantômes s'aventure sur le terrain de l'utopie pour s'interroger sur les limites notre société de lois et d'ordre. Margaret Killjoy écrit la résistance et l'existence, et c'est finalement le lecteur qui est conquis à la fin.
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Un pays de fantômes

Pour faire court : Une société anarchiste plus ou moins solarpunk se fait envahir par son voisin à l'ouest. Le voisin est un empire colonial industriel steampunk. Les anarchistes doivent donc s'allier avec leurs voisins de l'est : les libertariens.



Si ça n'est pas une bonne prémisse de roman, je ne sais pas ce que c'est!



Margaret Killjoy, militante anarchiste trans, se sert de cette histoire comme prétexte pour explorer à quoi ressemblerait une société anarchiste fonctionnelle, ses défauts et ses limites. Elle s'interroge aussi sur les différences idéologiques entre l'anarchisme et le libertarianisme, leurs différentes conceptions de la liberté, et tout ça.



Vraiment bien fait si le sujet vous intéresse.



Ça reste toutefois moins nuancé et poétique que Les Dépossédés de Ursula Le Guin, que je recommanderais d'abord à quiconque se questionnerait sur l'anarchisme.
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Un pays de fantômes

Un journaliste est envoyé réaliser un portrait hagiographique d’un général sur le front. Même s’il sait que c’est de la pure propagande, il n’a pas le choix : il a auparavant écrit un article qui a déplu à certaines personnalités haut placées et son poste est menacé. Ce reportage est l’occasion de montrer sa bonne volonté. Mais il se retrouve en pleine guerre de conquête : la Borolie, son pays d’origine, tente d’envahir sous des prétextes fallacieux, la région des Cerracs, territoire montagneux habité, selon le pouvoir, par des sauvages qu’il faudrait « civiliser ».



Selon le Larousse en ligne, l’anarchisme est une « conception politique et sociale qui se fonde sur le rejet de toute tutelle gouvernementale, administrative, religieuse et qui privilégie la liberté et l'initiative individuelles. » Pourquoi ai-je ressenti le besoin de commencer par cette définition ? Parce que ce roman est, sous couvert d’aventures, un moyen de découvrir le fonctionnement de sociétés respectant cette idéologie. Margaret Killjoy est une autrice américaine « anarchiste, féministe et anti-fasciste » pour reprendre sa page Wikipedia qui vit actuellement dans les Appalaches. Et plus précisément (et c’est là ce qui m’intéresse) dans une zone habitée par des anarchistes, une sorte de communauté en fait. Donc, l’anarchisme, elle connaît. Elle le vit. Et, dans ce roman au beau titre, elle nous le fait connaître.



Nous suivons donc, dans ce roman, les pas de Dimos Horacki, journaliste condamné aux « chiens écrasés » depuis un article gênant. Il habite la Borolie, un état dirigé d’une main de fer par ses dirigeants et dont les institutions permettent la main mise sur la population. Même si Dimos juge certains côtés de sa société injustes ou liberticides, il ne pense pas à se révolter. C’est ainsi que les habitants se laissent diriger sans réagir. Certains pourront penser que cela ressemble en partie à nos sociétés modernes. D’autres trouveront cette comparaison excessive. Margaret Killjoy ne dit rien, se contente de laisser son lecteur faire ses propres choix. Et pour cela, elle lui offre un panorama de ce que propose l’anarchisme. Ou plutôt, les anarchismes. Au pluriel. Car, comme va le découvrir Dimos, les peuples des Cerracs ne pensent pas tous la même chose, ne sont pas tous d’accord entre eux, n’attendent pas la même chose d’une société. Mais ils sont tous plutôt anarchistes.

Revenons rapidement à l’histoire : Dimos est donc envoyé pour faire un portrait de Dolan Wilder, « jeune loup issu de l’armée impériale de Sa Majesté ». Le but ? Justifier la campagne menée dans les Cerracs, habités selon les autorités, par des sauvages ignorants que les enfants de Borolie viendront civiliser. Que les sous-sols de cette région montagneuse soient riches de ressources précieuses n’a bien sûr aucun lien avec cette invasion ! Mais, et je ne divulgâche pas beaucoup puisque cela intervient rapidement, Dimos est fait prisonnier par la Compagnie Libre de l’Andromède bleue. Quel nom ! Cette troupe lutte contre l’envahisseur, malgré son petit nombre. Dans ce groupe, pas de leader, pas de chef. Les prises de décision sont collectives. Avec des règles définies : chacun peut donner son avis, chacun peut prendre la parole, en respectant les autres.



Et c’est là que l’histoire devient fascinante. Car Dimos va voyager à travers cette région et même de groupe en groupe. Je ne raconte pas les péripéties qui vont le mener d’un endroit à un autre, elle font partie du plaisir de découvrir que je ne voudrais pas gâcher. Sachez seulement qu’elles font leur boulot et que les pages se tournent rapidement : l’ouvrage est agréable et rapide à lire. Mais ce qui m’a le plus intéressé dans ce roman, outre les tribulations de Dimos et ses interrogations, ce sont les miennes, justement, d’interrogations. Car le fait de promener Dimos comme un Candide, totalement ignorant du concept d’anarchisme, à travers une telle région est évidemment un moyen très intelligent de permettre au lecteur de découvrir les bases d’une telle pensée. En fait, Un pays de fantômes c’est un peu « L’anarchisme pour les nuls » ou « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’anarchisme sans oser le demander ». Et comme texte d’initiation, c’est une réussite. Car Margaret Killjoy ne se montre pas sectaire, ni prosélyte. Elle propose au contraire un panorama très nuancé de ce qu’offre l’anarchisme. Et n’hésite pas à montrer ce qui ne fonctionne pas, ce qui manque d’efficacité. Et les dissensions : on découvre même une région qui s’est séparée du groupe principal, car ses habitants ne veulent pas respecter les règles principales. C’est pourquoi ce roman est si agréable à lire et si important. De par le parcours de son autrice, il acquiert une certaine légitimité et de par sa forme, très réussie, il attire le lecteur.



Un pays de fantômes a été pour moi une très bonne surprise, car je ne savais pas du tout à quoi m’attendre en l’ouvrant. J’y ai découvert un témoignage romancé attachant et passionnant, qui m’a ouvert des portes et m’a amené à réfléchir à certains éléments de notre société qui mériteraient sans doute d’être repensés. J’ai également pris beaucoup de plaisir à suivre les tribulations de Dimos, le personnage principal, double du lecteur. Un voyage à ne pas rater.
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Un pays de fantômes

Un livre étendard à l'anarchie, pourquoi pas. Vu la décadence de notre système, les sfff servent aussi à se demander à quoi ressemblerait une société d'une autre nature, ses avantages, ses limites. J'aime l'étalage de possibles, mais j'ai du mal à y croire si c'est fait sans nuances.

Hors dans ce livre le parti pris est grossier: l'autrice met en scène une guerre dont les capitalistes sont les colons, tandis que les anarchistes se battent pour résister à la colonisation. Notre petit coeur de lecteur penche déjà forcément pour les opprimés mais elle enfonce le clou: Les colonisateurs sont des brutes épaisses, homophobes, qui se foutent de l'écologie, qui maltraitent leurs animaux, sourds et aveugles à l'art, et viandards (Bouh!) tandis que les colonisés sont respectueux, en couples libres, pratiquent une géothermie de pointe, aiment leurs chevaux et chiens géants, font route pour la guerre en chantant et jouant du pipeau et sont végétariens. C'est bon, tout le monde est convaincu que la liberté rend les gens meilleurs? Moi, même si on me le dit, je ne suis pas une fille facile et je demande à être convaincue.

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le reproche que je fais souvent aux sff est de placer le message (souvent de remise en question sociale et politique, c'est très radicalement le cas ici) avant le contexte du livre, de ne pas soigner les personnages, ni l'univers dans lequel il évoluent.

Hors dans ce livre, comme il était plus difficile, risqué, et demandait une certaine culture, d'imager des propos politiques avec des pays existants, on en a tout simplement inventé d'autres. Ainsi la Borolie se situe sur une péninsule, tandis que Hron, clan ennemi est accolé à la Vorronie, et possède une chaîne de montagne les Cerracs...Vous avez voyagé? Moi, pas suffisemment. le tout se passe dans une sorte de temps moyen-âgeux, comme beaucoup d'autres récits du même type imaginaire (la horde du contrevent, le monde inverti, un long voyage...) avec toutefois beaucoup moins d'imagination déployée.

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J'ai toujours été plus sensible aux messages qu'on ne voit pas venir dès les premières pages d'un livre, aux détours tortueux des auteurs qui savent "cueillir" leur lecteur, l'émouvoir l'étonner au moment où il s'y attend le moins et finalement lui donner -au moins la sensation- d'avoir grandi le temps d'une lecture (voire même laisser un sillage un peu plus profond).

Hors dans ce livre tout est très frontal, et au premier degré. Pas d'humour, rien qui dépasse. On aime pourtant reconnaître que le chemin est plus enrichissant que le but...

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Voilà donc un livre que je ne qualifierais pas de marquant. Néanmoins le début du cheminement du personnage que l'on suit, un journaliste au départ embauché par les colons pour glorifier leur politique expansionniste, m'a tristement fait penser aux pantins que nous serions tous en temps de guerre: balloté d'un camp à l'autre, parce qu'il faut bien choisir un camp, et en quête de repères et du sens de tant de souffrance. Un personnage touchant dont j'ai suivis le parcours sans déplaisir.



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Un pays de fantômes

« Nous ne vous confions pas ce travail parce que vous êtes le meilleur. C’est une tâche importante mais dangereuse, et vous êtes le meilleur reporter que nous puissions nous permettre de perdre. » C’est par ces mots que le journaliste Dimos Horacki apprend par son rédacteur en chef qu’il va être envoyé sur le front pour couvrir la guerre qui agite actuellement l’empire borolien. Officiellement, il s’agit de réaliser un portrait du général chargé de mener les opérations sur place. Officieusement, l’objectif est de réveiller les instincts patriotiques du peuple qui commence à fléchir et à questionner le bien-fondé de la politique expansionniste borolienne. Bref, on l’envoie faire de la bonne vieille propagande. Voilà donc notre héros en route pour les Ceracs, territoire montagneux isolé que les troupes de l’empire s’attendaient à coloniser facilement, comme elle l’avait fait du reste de la région. C’était toutefois sans compter la résistance de Hron et de ses alliés, de nombreuses communautés disparates mais réunies sous la bannière de l’anarchisme. Il ne faudra pas longtemps pour que les convictions du journaliste, déjà vacillantes, ne soient totalement remises en cause par sa rencontre avec celles et ceux qui entendent bien défendre leur indépendance et leur mode de vie face à l’avide adversaire borolien. « Un pays de fantômes » est en quelque sorte une utopie, une utopie anarchiste qui n’a, pour une fois, rien des clichés ordinaires qui veulent que l’absence de pouvoir et de domination se traduise inévitablement par le chaos. L’autrice, Margaret Killjoy, se revendique elle-même de cette idéologie politique, et c’est avec beaucoup d’habilité qu’elle va initier le lecteur néophyte aux principes qui régissent l’anarchisme. Rassurez-vous, le roman n’a toutefois rien d’un pamphlet ou d’un ouvrage de propagande. Le propos est, certes, très politique, mais à aucun moment l’histoire ne paraît servir de simple prétexte à la transmission d’un message purement idéologique.



L’objectif de l’autrice est cependant bel et bien de proposer une vision réaliste de ce que pourrait être une société anarchiste. Inutile de vous dire que le résultat n’a que peu à voir avec les stéréotypes qui fleurissent concernant ce courant et l’assimilent volontiers au chaos ou à l’irréalisme. Nous avons affaire ici à une société cohérente et mouvante que les personnages eux-mêmes se gardent bien d’idéaliser mais dont ils défendent tout simplement le droit à exister. Et il faut bien admettre que, que l’on soit sympathisant de la cause ou non, il est agréable de voir de nouvelles formes d’organisations politiques apparaître en fantasy, au-delà du traditionnel empire qui continue à demeurer le cadre principal de beaucoup de romans du genre. On prend ainsi énormément de plaisir à découvrir les spécificités de ces rebelles anarchistes, le tout par les yeux de Dimos, le fameux journaliste, qui constitue une porte d’entrée parfaite vers cette alternative politique. Notre héros se retrouve dans la posture du voyageur candide à qui il faut tout expliquer, ce qui ne l’empêche toutefois pas de faire preuve d’esprit critique et de questionner sans relâche les spécificités du mode de vie anarchiste qui lui sont exposées. Rassurez-vous une fois encore, le roman n’a rien d’une simple « promenade pédagogique » qui viserait à simplement exposer les particularités de l’utopie de l’autrice (rien à voir par exemple avec « Ecotopia » qui, lui aussi, mettait en scène un journaliste mais qui tombait par contre complètement dans cet écueil). Le récit est au contraire très riche, bourré de péripéties savamment distillées pour donner du rythme à l’ensemble. On ne s’ennuie donc pas une seconde, et on est même souvent surpris par le cours des événements ou par des scènes courtes mais intenses et qui viennent faire totalement basculer l’histoire. La tentation est donc grande de dévorer le roman d’une traite, d’autant que celui-ci ne compte que deux cent pages.



Parmi les nombreux points forts de l’ouvrage, on peut également citer les personnages dont beaucoup laisseront une marque durable dans la mémoire du lecteur. A titre personnel, cela faisait longtemps que des héros et héroïnes de fiction ne m’avait pas autant remuée ! Dimos, évidemment, campe un protagoniste remarquable, à la fois pour la conscience qu’il a de ses propres travers et limites, mais surtout pour sa capacité à remettre en cause le cadre imposé par l’empire et à être touché par des individus totalement différents de lui. Les anarchistes qui vont croiser sa route sont eux aussi bouleversants d’humanité, chacun d’une façon très différente. L’autrice se garde toutefois bien d’un traitement manichéen qui opposerait les bons et gentils anarchistes aux méchants boroliens, même si, bien sûr, la répression subie par Hron et l’invasion de leur territoire rappelle le sort réservé aux populations colonisées et aux opposants politiques partout dans le monde, ce que ne peut que rendre les individus défendant cette cause plus sympathiques. Tout est bien plus complexe, et par conséquent plus intéressant que ça puisque tous n’ont pas la même vision de ce que devrait être Hron et de la façon dont ses habitants devraient s’organiser. Il n’est pas non plus question pour Margaret Killjoy de gommer les difficultés auxquelles peuvent être confrontés les personnages, ni de passer sous silence leurs failles, leurs contradictions, voire leurs manquements. Difficile, enfin, de ne pas se sentir touchés par la joie et l’amour qui animent celles et ceux défendant la cause de Hron et qui, comme l’explique très justement Patrick Dewdney dans sa préface, permet de mieux cerner « comment on peut donner sa vie, très librement, très facilement, pour une idée. » Et celui-ci de poursuivre : « Ça n’a rien à voir avec le nihilisme du « Viva muerte » fasciste. Il ne s’agit pas d’une question de vie ou de mort. Il s’agit seulement d’amour. » Voilà qui résume merveilleusement bien le propos de cet ouvrage.



Avec « Un pays de fantômes » Margaret Killjoy met en scène une utopie fondée sur l’anarchisme, s’extrayant ainsi d’un cadre politique habituellement peu questionné en fantasy et proposant une alternative qui n’a rien ici de déraisonnable ou d’irréaliste. Porté par des personnages touchants et une intrigue bien construite, l’ouvrage se lit à une vitesse folle et s’inscrit indéniablement parmi les romans de fantasy les plus inspirants et les plus émouvants qu’il m’a été donnée de lire ces dernières années.
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Un pays de fantômes

Dimos Horacki, journaliste de Borolie qui a besoin de reprendre du galon dans le métier suite à un reportage qui n'a pas plu il y a quelques années, est envoyé sur le front des Cerracs, territoires montagneux que les Boroliens sont en train de coloniser, pour réaliser un nouveau reportage, cette fois dans le but de porter aux nues le général Dolan Wilder, et d'assurer la propagande de l'empire. Mais ce qu'il découvre sur place lui donne tout sauf envie de glorifier le général et l'empire, et son premier papier, qui raconte l'inhumanité du conflit et des comportements des soldats envers la population, va faire basculer son existence à un point auquel il ne s'attendait pas du tout, et le mènera à la rencontre inattendue des "ennemis", qui ont nommé les Cerracs Hron, et qui se présentent comme anarchistes, bien à l'opposé des Boroliens.



A travers cette chronique d'une guerre entre deux civilisations, entre deux façons de voir et d'envisager le monde et la société, Margaret Killjoy nous propose une histoire passionnante à lire, qui alterne habilement entre scènes qui font avancer l'intrigue, et explications sur ce qu'est, pour elle, un fonctionnement anarchiste, bien loin des caricatures habituellement présentées, au contraire tout en objectivité, permise par les questions que se pose, et pose Dimos à ce sujet, ayant lui-même toujours vécu dans l'autre système. Ainsi, les bons, comme les mauvais côtés, sont décrits, laissant toute latitude au lecteur quant à ses propres réflexions et questions ; le choix de l'autrice est, quant à lui, fait, ce qu'elle nous montre tout aussi habilement par la description d'Hron, sans pour autant moraliser son propos, ce qui est fort agréable.



Je regrette peut-être seulement sa brièveté : en effet, finalement, tout se passe un peu trop vite, de l'arrivée de Dimos sur le front jusqu'au dénouement qui scelle son destin, et celui de la guerre contre Hron. J'aurais aimé rester un peu plus longtemps dans cet univers apprécié et appréciable.
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Un pays de fantômes

Malheureusement, le fantôme d'Ursula Le Guin a hanté tout du long ma lecture, et Margaret n'est pas Ursula...



En me promenant sur les étagères de ma médiathèque numérique, je tombe sur ce roman qui me faisait de l'oeil depuis une critique dans la revue Bifrost. Très heureux de voir que la petite maison d'édition Argyll fait désormais partie de mon offre numérique, je télécharge et lis illico. Un jeune journaliste mis au placard est envoyé sur le front d'un pays imaginaire. Il va découvrir une société étrange où chacun fait ce qu'il veut, tout en respectant l'autre. Des anarchistes ?



Il y a des livres qui ne supportent pas la comparaison, Un pays de fantômes en fait malheureusement les frais. Je venais tout juste de finir Les dépossédés d'Ursula, un Monument sur le mode de société anarchiste, le moment me semblait donc idéal de poursuivre l'aventure. Le désenchantement arrive cependant assez vite : que c'est candide ! Alors qu'Ursula te montre, Margaret dit, d'où de nombreux passages didactiques sur les anars. Heureusement, Margareth nuance son propos mais cela reste assez univoque. Les personnages m'ont semblé bien peu caractérisé, j'ai eu beaucoup de mal à savoir qui était qui au fil du récit.



Ajoutez à cela une trame linéaire et classique, le journaliste qui avait trop bien fait son travail se retrouve au placard, et devient d'une naïveté confondante face à l'altérité. Il retourne donc sa veste bien trop rapidement à mon goût, sans faire le travail d'investigation nécessaire. Ça se lit sans mal, la fin évite le happy end, mais rien n'y fait, cela me semble bien fade. Conclusion : mieux vaux lire cette histoire de fantômes et poursuivre avec Les dépossédés pour ne pas subir de déconvenues.

Et me voilà bien triste de devoir dire du mal d'un roman mettant en avant une société anarchiste...
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Un pays de fantômes

Un récit prétexte à une présentation du mode de fonctionnement d'un ensemble de communautés anarchistes à l'échelle d'un pays, finalement assez bien mené.



Le livre de Margaret Killjoy ne s'embarrasse pas de faux-semblants, le but avoué est clairement d'édifier le lecteur, de l'instruire des méthodes et des modes d'organisations de communautés anarchistes, à la fois au sein de celles-ci et entre elles. Pour autant, le récit n'est pas oublié, les personnages sont solides et nuancés, et les péripéties ne manquent pas. Certains dialogues apparaissent clairement comme nécessaires à la démonstration plus qu'au récit proprement dit, toutefois cet aspect didactique n'est ni lourd, ni exagéré et cela passe sans douleur à la lecture. La présentation n'est pas trop manichéenne et la cité de Karak et ses habitants proposent une lecture différente des idéaux de Hronople.



Pour finir, ce fut une lecture agréable mais il faut reconnaître que l'on n'est pas au niveau de nuance, de richesse et de finesse d'Ursula Le Guin, en particulier dans Les Dépossédés.
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Un pays de fantômes

Un pays de fantômes est un roman imparfait et pourtant excellent qui nous laisse le cœur ému et le cerveau en ébullition. C’est presque un manifeste anarchiste par l’utopie, une porte ouverte pour nous autres, humains désillusionnés par notre monde. J’ai trouvé cette lecture passionnante malgré son manichéisme et son histoire sans doute un peu convenue. Parce que l’émotion et le cœur ont pris le pas sur la raison sans doute… Merci Argyll de nous faire découvrir cette voix!



Critique complète sur yuyine.be!
Lien : https://yuyine.be/review/boo..
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Un pays de fantômes

Nous sommes anarchistes et nous sommes immortels. » Voici l’une des nombreuses phrases tirées de Un Pays de fantômes de Margaret Killjoy qui restent en tête, bien après le livre se soit refermé. Et qui donnent envie, une fois le livre lu, de le prêter encore et encore, pour que les gens comprennent son message, ou simplement pour qu’ils se laissent porter par la balade.

Attention, ce roman assez court est classé en fantasy car il se passe dans une contrée imaginaire, mais il ne comporte aucune magie ni technologie avancée qui pourrait suspendre l’incrédulité (à peine la façon dont sont fabriqués les œufs de feu semble assez… délicate, mais pas foncièrement impossible en l’état des connaissances présupposées – grosso modo, les débuts de la Révolution industrielle et du chemin de fer).

Nous y suivons Dimos Horacki, un journaliste venu de Borolie chargé de suivre un général célébré dans tout l’empire dans son entreprise de « civilisation », et de mise au pas, des peuplades montagnardes. L’affaire tourne vite court et Dimos se retrouve au milieu du fameux « pays de fantômes » à découvrir qu’un autre mode de vie est possible, sans gouvernement, ni règles arbitraires, mais avec de la liberté, de la solidarité et beaucoup de discussions. Et il va aider, à sa façon, les habitants du pays – autochtones comme réfugiés venus d’ailleurs – à se défendre contre l’empire d’où il est originaire, et à trouver un terrain d’entente entre eux tous.

Sous la forme d’une fable, Margaret Killjoy nous présente donc différentes formes de sociétés anarchistes avec leurs mode de fonctionnement (dont une Katar aux tendances libertariennes – l’autrice est américaine – qui sert de repoussoir au pays de fantômes), leurs bénéfices et leurs inconvénients. Mais elle le fait sans oublier de nous raconter une histoire et de nous donner envie de s’attacher à ses personnages, Dimos en tête (mais également Grem, Dory et les chiens pour ma part), ce qui fait que le récit se lit très facilement et très – trop peut-être – rapidement. Un régal !
Lien : https://www.outrelivres.fr/u..
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Un pays de fantômes

Un roman rafraîchissant dans son aspect pro-anarchiste, un thème trop rarement croisé à mes yeux ; mais malheureusement peut-être un peu trop empreint d'une volonté promotionnelle à mes yeux pour parvenir à me séduire.

En dépit d'efforts réussis pour intriquer ses thèmes avec un récit humain et ancré dans une réalité organique, Margaret Killjoy n'est pas parvenu à injecter assez de chair à son roman pour lui donner assez de densité à mon goût.

De fait, une lecture frustrante, montrant de belles choses, mais juste pas assez.
Lien : https://syndromequickson.com..
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Un pays de fantômes

Je vais faire court : ce roman est l'une de mes meilleures lectures de 2022.



J'adore l'angle de départ choisi par Margaret Killjoy pour nous présenter son univers. Suivre ce journaliste en reportage est une idée géniale - si vous avez des suggestions d'autres livres avec ce type de porte d'entrée, je suis preneur. Ce personnage permet également de parler du quatrième pouvoir avec mordant mais sans cynisme.



Ensuite l'histoire est extrêmement plaisante. On oscille avec finesse entre le romanesque et le théorique. Les rebondissements alternent avec les réflexions... À moins que ce soit l'inverse !

Pour couronner le tout la couverture est d'une élégance certaine. Et la préface de Patrick K. Dewdney vise juste.



Un roman qui parle d'anarchie et d'impérialisme de manière remarquable.

Non, franchement je n'ai pas grand chose d'autre à dire que : WAW.
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Un pays de fantômes

L’autrice d’un pays de fantôme est une femme trans anarchiste et musicienne. Dans une ambiance qui a un petit côté guerre de Sécession, nous suivons un journaliste qui n’a plus de journaliste que le nom. Dans sa cité, il faut faire profil bas et aller dans le sens du gouvernement. Suite à des articles limites, il doit redorer son blason et accepter donc de participer à l'effort de guerre.

Pour cela, Il part sur le front pour raconter ce qui s’y passe enfin pour participer à la propagande et pour garder le peuple acquis à la guerre.

C’est la première fois qu'il quitte sa grande cité, et se questionne beaucoup sur le sens ou la perte de sens de son métier de journaliste. Il sait que c’est sa dernière chance, il doit faire attention au sens caché derrière tout ça. Finalement quel est le sens de ce métier s’il est orienté ?

Lors d’une attaque, notre journaliste est kidnapper par l'autre camp. Il découvre un groupe de guerriers où ils sont tous volontaires et crient tous leur indépendance. Ils défendent leur mode de vie qui est une société anarchiste.

Ce qui devait arriver arriva, cet évènement est l'occasion de découvrir ce mode de fonctionnement, de voir comment ça marche et de se questionner. Quel est le sens d’un travail qui n’a pour but que d’avoir de l’argent ? Est-il possible de changer de système, de sortir de cette mécanique ? Une société non dominée par l’argent est-elle viable ? Grace au regard complètement extérieur du journaliste, on découvre une alternative et le besoin d’ouverture d'esprit pour comprendre un système tellement différent de celui dans lequel on est formaté. J’ai vraiment apprécié les étapes par lesquels passent notre personnage principal. Il part d’un besoin de compréhension dans l’idée de faire l’article du siècle mais le fait d’être mis dans le bain le fait évoluer. On découvre donc ce monde au fonctionnement alternatif mais aussi tous les blocages venant de notre éducation. C’est hyper agréable à lire et facile d'accès. Le rythme est bon et on ne tombe jamais dans la facilité. C’est aussi un bon moyen de reprendre un petit peu foi en l'humanité. Le fonctionnement de cette société, semble de l’extérieur basé sur le chacun pour sa pomme. En suivant leur quotidien, on casse les préjugés en laissant apercevoir une forme d’entraide différente de celle conditionnée par l’argent. C’est une lecture marquante que je recommande.

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Danielle Cain, tome 1 : The Lamb Will Slaug..

En Résumé : J’avoue je ressors de ma lecture de cette novella avec un sentiment légèrement mitigé. Dans l’ensemble elle est sympathique à lire, offrant des idées et des développements intéressants, mais par certains points elle m’a laissé en partie de côté. Le côté court offre au récit une côté plutôt incisif, qui va vite, droit au but et pousse le lecteur à tourner les pages pour en apprendre plus. Le gros point fort de ce récit vient clairement de la façon dont nous est présenté le monde anarchiste, punk. Alors je ne le connais pas vraiment, je ne peux pas comparer, mais je l’ai trouvé très intéressant dans ce qu’il soulève comme réflexions. Surtout que Margaret Killjoy nous en présente une version nuancée, avec ses forces, ses attraits, mais aussi ses failles et ses défauts. Certes il a quelques défauts, et aurait mérité d’être encore plus développé, ce que ne permet pas l’aspect novella, mais au final il donne envie d’en apprendre plus. Concernant les personnages, l’héroïne et les personnages ui gravitent autour d’elle ne sont pas mauvais, s’avérant solides et gagnent un peu en complexité, ce qui est dommage c’est que le personnages secondaires sonnent parfois un peu creux et un manichéisme se dégage tant il est facile de repérer les méchants des gentils. Le récit nous propose aussi des réflexions que ce soit sur l’acceptation, les différences, mais aussi sur une notion de moralité et de loi du talion. Mais, comme je l’ai déjà constaté avec cette collection de novella chez Tor, le message prend parfois trop le pas sur le récit qui est simpliste, repose sur l’acceptation de beaucoup de choses de la part du lecteur et des héros et parait précipitée pour tenir dans le format. C’est dommage car dans un autre format avec plus de page je pense que le récit aurait pu être encore meilleur. La plume est simple, plutôt efficace et même si ce récit a des qualités je ne suis pas sûr de lire la suite. Je vais y réfléchir, mais il y a beaucoup à lire.





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Un pays de fantômes

J'ai trouvé dans ce livre un plaisir proche de celui procuré par la lecture d'Un long voyage' de Claire Duvivier. Le narrateur nous fais voyager à ses côtés en nous racontant son histoire, et c'est avec beaucoup de plaisir que je l'ai suivi dans ce parcours avec son lot de joies, de peines et de surprises.

Le livre ne se distingue clairement pas par son histoire, mais plutôt par son message, puisqu'il s'agit de décrire une utopie anarchiste pendant une guerre. Le roman est bien équilibré et le message ne prend jamais le pas sur l'histoire, ce qui évite de le transformer en essai politique.

Bref, une lecture très agréable qui fait du bien, et qui sans apporter de réponse, rappelle qu'il est bon de se remettre en question. Le genre de lecture qui m'apaise et m'invite à réfléchir en même temps.
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Un pays de fantômes

Nous sommes ici sur un roman de fantasy où la magie n'est pas présente, mais où l'intrigue politique, géopolitique et stratégique prennent le dessus dans un monde imaginaire.

D'un côté un empire qui broie et conquère tout sur son passage, de l'autre un peuple libre et sans gouvernance, qui dicte ses propres règles sans les écrire, en laissant chacun décider de ses choix, de ses valeurs et misant sur la responsabilité de chacun. Une utopie Anarchiste ! Et c'est cela le plus intéressant dans le roman.

Nous suivons un jeune journaliste faisant parti d'un camp et qui par la force des choses va basculer dans l'autre, le personnage en lui-même est perdu par ce changement, il ne peut qu'annaliser les différences et surtout se rendre compte qu'il est bien plus proche du "camp ennemi" que du sien dans lequel il n'avait pas vraiment de prise sur sa vie, il va gagner en maturité avec le temps.

J'ai beaucoup aimé ma lecture, surtout concernant les tenants et les aboutissants de la vie en communauté anarchiste, même si tout n'est pas rose ni forcément bon, l'humain se voit bien plus proche du bonheur que dans l'autre société, celle qui réprimande, qui oblige, qui punit mais ne valorise pas son peuple.

Je tiens également à vous dire que les orientations sexuelles des personnages ne son jamais jugées, chacun fait ce qu'il veut et c'est très bien comme cela.

C'est un livre adulte, parfois très violent, il vous met devant le fait accompli et ne prend pas de détour pour dénoncer les injustices.

Les personnages, sans êtres inoubliables m'ont tout de même plus, le décor lui est très secondaire, mais j'insiste sur le fait que ce roman est fait pour réfléchir aux conditions de vie des deux sociétés présentées.

Je vous conseille fortement cette lecture qui est très enrichissante.

C'est le deuxième roman que je lis des éditions Argyll en quelques semaines, et c'est mon deuxième coup de cœur, ce qui veut dire que ce ne seront pas les derniers à passer entre mes mains.
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Un pays de fantômes

Margaret Killjoy, voici un nouveau nom dont vous n’avez probablement jamais entendu parlé. Les amateurs de Black Metal auront peut-être fait le lien avec le groupe féministe et antifasciste Feminazgul, mais dans le milieu littéraire, en France, il s’agit d’une autrice transgenre parfaitement inconnue. Margaret Killjoy écrit depuis 2009 et est l’autrice de cinq romans et de quatre essais sur des thématiques comme l’Anarchie, l’univers Steampunk ou encore sur les post-civilisations. Ce qui petit à petit lui a permit, outre-atlantique, de se faire une réputation et de se faire remarquer par des grands noms tel qu’Alan Moore ou encore Kim Stanley Robinson.



« Un pays de fantômes » est son troisième roman, sortie en 2014 en Amérique du Nord, et est le premier roman que nous découvrons de l’autrice en France grâce aux éditions Argyll, part la superbe traduction de Mathieu Prioux ainsi qu’une préface passionnante, mettant énormément d’empathie et de contexte, de Patrick K Dewdney.



Nous découvrons un morceau de continent, ressemblant un peu à l’Europe, un peu aux États-Unis, bref, un territoire qui nous est familier, ici, deux grandes régions vivent et prospèrent. La Péninsule de Borolie tout à l’ouest, et la Vorronie entre le littoral et les montagnes de Hron à l’est. Ces deux régions nous ressemblent, étant totalement engluées dans le capitalisme libéral, pour survivre, elles doivent prospérer. Toujours faire plus de profit, toujours posséder plus. Mais à l’est, dans les montagnes, Hron, vivent des habitants de villages, inféodés à la cause Borolienne et Vorronienne. Ils sont décrits au mieux comme sauvages, indisciplinés ou dangereux. C’est pourquoi, La Vorronie a lancé une immense campagne d’intégration afin d’étendre son territoire à l’est et surtout pouvoir exploiter les ressources de cette région.



C’est dans ce contexte que nous rencontrons Dimos Horacki, un journaliste en disgrâce de la gazette de Borol, envoyé par son directeur en reportage sur le front, afin de suivre Dolan Wilder, alias le conquérant de la Vorronie. Un reportage sur six mois, entre quarante et cinquante pouces de colonne par semaines, pour rapporter la conquête exemplaire de Dolan Wilder et l’intégration de ses sauvages pour en faire de parfait Vorrolien acquis à la cause de la nation.



Mais une fois sur place, Dimos doit se rendre à l’évidence, il y a un écart entre la narration qu’il doit rapporter et que l’on attend de lui dans la gazette et la réalité. D’une part Dolan Wilder, n’est pas aussi parfait que ce que raconte sa légende, et ensuite passé les barrières des craintes conditionnées par ce que l’on raconte d’eux, les habitants de Hron ne sont pas ce que l’on pourrait attendre d’eux.



Les habitants de Hron sont des Anarchistes. Et un pays de fantômes tourne autour de cette thématique. En fonctionnant par opposition, tout comme a pu le faire Ursula K Le Guin avec les dépossédés. Margaret Killjoy, utilise la fiction et son univers pour développer un exercice de pensés passionnant et érudit, sans jamais nous égarer.



Utilisant la forme du récit de guerre, et par le biais de Dimos, pur produit capitaliste, nous suivons sa découverte, ses questionnements, puis son acceptation d’un mode de vie à l’opposé du sien, favorisant le collectif à l’individualisme, le partage à la possession, le respect de son environnement à l’exploitation, sans jamais tomber dans le cliché ou dans le grotesque. Car tout comme Ursula K Le Guin, Margaret Killjoy maîtrise parfaitement son sujet, a un regard lucide sur ce dernier, et ne tombe jamais dans les travers que la fiction pourrait lui permettre. Ici le propos est ni dévalorisant ni valorisant, il est factuel, sans jamais oublié qu’il s’agit avant tout d’un roman et qu’elle a une histoire à tenir du début à la fin.



Un Pays de fantômes est une réussite, l’autrice signe un roman captivant, prenant et haletant, tout en se permettant de questionner sans cesse notre monde et culture, mais aussi les valeurs que nous souhaitons conserver à celle qui ferait mieux de partir au composte avant qu’il ne soit trop tard.



Un roman palpitant à lire et à relire, une maîtrise stylistique impeccable servi par une écriture alternant entre dialogue fin (et non sans humour) et digression vertigineuse sur notre époque et ce que représente notre civilisation. Une superbe découverte.
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Un pays de fantômes

J'ai choisi ce livre pour découvrir la maison d'édition dont j'avais entendu beaucoup de bien. Et je dois dire que je n'ai pas été déçue. Sous couvert d'un reportage sur un pays en guerre, un pays en pleine campagne de propagande contre un autre pays invisible, dispersé et presque sauvage, on découvre un autre système de société, un autre système économique et politique, un autre système de pensée et de philosophie, un autre système de vie, si différent de nos sociétés que j'appellerai "modernes". On pense lire un roman de fantasy et c'est finalement un roman de vie, une découverte de mode de vie, de ce que pourrait être nos vies vies à nous, si à un moment dans l'histoire, le capitalisme n'avait pas prévalu et gagné sur les autres modes de vie. J'avoue que ce sont le type de romans que j'adore, ceux qui nous sortent de notre quotidien mais qui nous amènent justement à réfléchir sur notre quotidien. C'était très bien pensé et je serai plus que ravie de me lancer dans de nouveaux romans de l'autrice et de la maison d'édition.
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Un pays de fantômes

On se retrouve aujourd’hui avec une lecture commune improvisée sur le serveur Discord du Challenge SFFF, celle du roman de Margaret Killjoy, Un pays de fantômes. Une autrice et éditrice transgenre, qui vit en communauté dans les Appalaches, et un roman décrit par son éditeur comme “une utopie qui interroge les normes sociétales et explore d’autres possibles”.



On suit Dimos Horacki, journaliste mal vu par sa rédaction, alors qu’il est envoyé sur le front pour écrire le portrait d’un général de l’armée impériale. Il réalise vite en arrivant sur place que ce que l’on attend de lui n’est rien d’autre que de la propagande pour le désir d’expansion colonialiste de l’empire borolien. Ce dernier s’intéresse désormais aux Cerracs, territoire montagneux composé d’une poignée de villes et de villages, et doit faire face aux anarchistes de Hron. Lorsque les événements se précipitent, Dimos va avoir l’occasion de faire connaissance avec l’ennemi.



À travers les yeux de Dimos, représentant d’un système capitaliste et impérialiste, on découvre une utopie basée sur la solidarité, la relation à l’autre et la liberté pour chacun de faire ses choix et de les assumer. Le récit questionne le mode de vie de Hron comparé à celui de l’empire borolien, et le parti pris est clair et net. C’est le premier reproche que je ferai à ce roman : son petit côté donneur de leçon, la manière dont il tente de faire passer son message en force, sans aucune nuance, et au détriment de la qualité de l’histoire.



L’autrice a, de toute évidence, fait de gros efforts pour inscrire son récit dans un contexte humaniste et pourtant, c’est un peu raté, comme si elle avait oublié qu’elle était là pour nous raconter une histoire. Je n’ai pas réussi à m’attacher à Dimos, à éprouver pour lui la moindre empathie. Je me suis retrouvée à lire un essai, certes intellectuellement intéressant, que l’on cautionne ou pas les principes anarchistes, mais émotionnellement nul. Le message est grossier, beaucoup trop appuyé et on en ressort un peu frustré.



Une lecture mitigée, donc, au cours de laquelle j’ai appris des tas de choses, mais que j’aurai sans doute tôt fait d’oublier, tant Dimos m’a laissée de glace. Je salue cependant l’originalité, le thème de l’anarchie étant plutôt rare, mais il avait un écueil à éviter et l’autrice a sauté dessus à pieds joints. Elle se retrouve à faire exactement ce que l’empire borolien attendait de Dimos : de la propagande, pro-anarchiste cette fois.
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Un pays de fantômes

« « L’homme sous le haut-de-forme » : voilà comment je comptais intituler cette rubrique, lorsque les directeurs de la Gazette de Borao me l’avaient confiée. Quarante, peut-être même cinquante pouces de colonne par semaine, six mois durant, sur Dolan Wilde, « le conquérant de la Vorronie ». Dolan Wilder, l’énigmatique jeune loup issu de l’armée impériale de Sa Majesté, célèbre pour son audace militaire à la « Après moi, chargez ! » Celui qui avait revendiqué plus de kilomètres carrés au nom du vert et or que quiconque depuis un siècle.

J’étais fin prêt à décrire sa mâchoire couverte d’une barbe rêche, ses boucles noires, son goût pour le brandy et sa clémence pour les ennemis vaincus. On m’avait demandé de réserver au moins deux pouces de colonne à son ton bourru mais amical. Le portrait que je devais dresser était celui d’un homme froid, insensible, dont le cœur ne battait que pour le service, le Roi, et la gloire de l’Empire borolien. Au lieu de cela, hélas, je l’ai vu mourir. Mais c’est sans importance ; de tous les traits qu’on m’avait demandé de lui attribuer, il n’en possédait qu’un petit nombre et ceux qu’il avait réellement ne lui réussissaient pas. Laissez-moi plutôt vous parler de Sorros Ralm, simple milicien, et du pays de Hron. Je doute que vous puissiez lire mon compte-rendu dans la Gazette. »



Il y a des livres dont il suffit de lire les premières lignes pour être d’emblée séduit par la petite musique de leur écriture jointe à la promesse de ce qu’ils nous annoncent, et on se dit qu’ils vont nous plaire. C’est ce que j’ai ressenti en commençant à lire le récit rétrospectif à la première personne de Dimos Horacki, début repris ci-dessus, et cette impression ne s’est pas démentie.



Envoyé comme journaliste de terrain pour couvrir la nouvelle campagne vorronienne, le jeune Dimos Horacki, observateur d’une guerre de conquête dans laquelle il ne reconnaît rien de glorieux, avec ses exactions et ses tueries, va finir par rejoindre le clan adverse, celui de Hron. Mais de Hron, ce pays qui vit selon son absence de lois bien à lui, hors de tout cadre rigide répartissant les rôles entre les uns et les autres, Dimos ne sait rien…



Tout m’a plu, dans ce petit roman et en particulier cette manière de ne pas expliquer mais d’illustrer ce que représente concrètement l’anarchisme en tant que mode de vie d’une collectivité, puisque c’est celui de Hron, le peuple attaqué par la Vorronie. On dit qu’il n’y a pas de meilleure démonstration que celle faite par l’exemple et « Un pays de fantômes » en est la preuve. Qu’importe l’« accord » signé par les habitants de Hron, dont la teneur n’est évoquée que de manière diffuse car les termes en ont été plus ou moins oubliés, ou globalement les théories, quand c’est au jour le jour qu’il faut continuer à apprendre à vivre ensemble. Et lorsque l’inacceptable fait irruption, ici la volonté de conquête d’un peuple voisin supérieur en nombre, il convient de réagir et le temps manque. Mais comment ? Il n’y a pas de mode d’emploi délivré avec ce type de société auquel nous ne sommes pas habitués, où la consultation de tous peut prendre des heures et des heures, mais où l’autorité de l’un ou l’autre, parce qu’il s’avère le plus capable, peut aussi temporairement être reconnue.

J’ai donc eu le plaisir de lire une histoire très prenante, portée par une plume élégante et quelques personnages attachants, en réfléchissant, aux différentes étapes de son développement, aux questions posées par son principal protagoniste, Dimos : soucieux de s’éveiller à un mode de pensée différent, il a pourtant du mal, au moins au départ, à s’affranchir de son point de vue habituel, à le décaler pour penser autrement.

« Un pays de fantômes » conjugue avec bonheur récit d’aventure et réflexion sociale : un court roman tout ce qu’il y a de recommandable !
Lien : https://surmesbrizees.wordpr..
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