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Critiques de Marguerite Yourcenar (821)
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Alexis ou le traité du vain combat - Le coup ..

Dire que l'écriture est magistrale, est-ce utile? OUI, et mille fois OUI, pour que tous ceux qui comme moi n'avaient lu que quelques extraits de son œuvre lisent ces deux nouvelles. Cette lecture fut un régal et un émerveillement, lorsqu'on réalise qu'une si jeune fille pût écrire "Alexis ou le traité du vain combat": la longue lettre-confession d'un époux à sa femme, par laquelle il se confie et explique pourquoi il la quitte. Splendide.

La deuxième m'a également saisie et émue: le destin de deux êtres, faits pour se rencontrer mais sans y parvenir, avec la terrible guerre civile russe de 1919 comme toile de fond.

LA littérature dans ce qu'elle a d'exceptionnel.
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Alexis ou le traité du vain combat - Le coup ..

Deux romans de Marguerite Yourcenar. Le premier constitue une longue lettre en forme de confession d’un homme qui avoue à sa femme son homosexualité, et le second titre raconte l’histoire d’amour impossible entre un homme et une femme, sœur de son meilleur ami.

Dans les deux cas, les récits aboutissent à l’issue inéluctable amorcée dès le départ : dans le premier, Alexis quitte sa femme et dans le second, la mort emporte l’héroïne, comme seule conclusion d’un amour impossible.



Première femme élue à l’Académie Française, mais style pas pour autant académique. Soutenu, c’est sûr, magnifique, sûrement. Dans le premier texte, le style sert la finesse et la délicatesse du propos. Dans le second cas, Yourcenar tisse la toile d’un roman classique comme une tragédie.



Ma préférence au premier texte, plein de justesse et très pudique. Savoir qu’il a été écrit par l’auteur à seulement 24 ans et y trouver tant de maturité… impressionnant ! Le Coup de Grâce m’a moins plu. Le contexte de guerre du texte fait un peu décor de théâtre, on n’y croit pas toujours (malgré la documentation de l’auteur sur le sujet). Yourcenar s’en sert comme huis clos et y décrit un amour impossible. En tout cas, d’une grande justesse psychologique. Yourcenar décrit des mentalités d’un autre temps, dans les deux cas, mais ça demeure intéressant de toute manière.

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Alexis ou le traité du vain combat - Le coup ..

Deux courts romans sont réunis dans ce livre.

Alexis ou le Traité du Vain Combat est une longue lettre de rupture qu’adresse Alexis Gera à son épouse Monique. Malgré toutes les circonvolutions on comprend très vite la cause de cette rupture à laquelle Alexis ne donne jamais de nom. Aujourd’hui on appellerait ça un coming out. Pour essayer de se faire comprendre Alexis raconte sa vie, son enfance, ses années au collège, son éveil à la sexualité, sa carrière de musicien. Une vie personnelle bien sûr, et c’est certainement outrepasser les intentions de Marguerite Yourcenar que de chercher dans cette vie des explications générales à l’homosexualité, de faire d’Alexis un archétype. Pourtant, quand on raconte une vie, on ne raconte que des acquisitions, et il se trouve que cette vie d’Alexis est marquée par une relation privilégiée avec les femmes qui l’entouraient dans son enfance et en particulier avec sa mère. Dans la préface, écrite des années plus tard, Marguerite Yourcenar émet cependant des réserves sur cette explication. Et d’ailleurs, tout le long de cette lettre, Alexis ne prétend pas expliquer mais essaye simplement de se faire comprendre. Aussi, quand il évoque cette homosexualité, il parle d’instinct et même d’une « raison physiologique ». Alexis est également imprégné par la morale catholique et tout le vain combat qui est évoqué dans le titre est celui de l’âme contre le corps. Cette lettre de rupture, l’aveu d’Alexis, celui de n’avoir jamais aimé, est le témoignage que l’esprit et le corps, aux aspirations parfois contraires, sont inséparables et que réprimer ses instincts c’est aussi étouffer son âme. La fin du roman contient aussi des vues assez pénétrantes sur le mariage sans amour. L’écriture est sobre et un peu fanée, comme pourrait l’être celle du dernier rejeton d’une vieille famille aristocratique. Bizarrement, on ne rencontre aucun homme dans cette lettre, toutes les relations homosexuelles sont passées sous silence. Par contre, quelques belles lignes sont consacrées aux femmes.

Le coup de Grâce est un roman aux allures plus traditionnelles, une histoire d’amour qui se passe aussi en Europe l’Est, durant la guerre russo-polonaise de 1920. Eric Von Lhomond, un jeune officier au caractère froid, confinant à la cruauté, raconte, quelques années plus tard, l’amour non partagé que Sophie lui porte, alors que la guerre fait rage. Sophie étant la sœur de son meilleur ami d’enfance, Conrad. Eric ne cesse d’être admiratif de Sophie, toute son attention est portée sur elle, sur les évènements auxquels elle a dû faire face, sur ses sentiments, ses réactions, mais il n’avoue que du bout des lèvres ses propres motivations. Un roman qui mériterait une relecture, en se focalisant non pas sur ce que le narrateur raconte mais sur la manière dont il le raconte et surtout sur ce qu’il ne dit pas. La fin est vraiment terrible.

Les personnages de ces deux romans ont été inspirés par le couple Jeanne et Conrad Von Vietinghoff. Un couple qui a eu beaucoup d’importance dans la vie de Marguerite Yourcenar, Jeanne lui ayant servi un peu de mère de substitution. Il y a donc une unité de lieu (Europe de l’Est) et de temps (années 1920) qui rassemble ces deux romans. Une unité de sujet également. Des sujets qui se répondent et se démodent difficilement, comme le traitement qui en est fait ou l’écriture. Classique, littéraire, une suite de phrases sublimes (surtout dans Alexis), avec assez peu d’innovations. Le genre de romans irréprochables, sans véritable surprise dans la forme, mais toujours agréables à lire.
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Alexis ou le traité du vain combat - Le coup ..

Incapable de vaincre son penchant pour les hommes, Alexis écrit à son épouse Monique, femme d'une bonté exceptionnelle, pour lui expliquer les raisons de son départ : "Je vous demande pardon, le plus humblement possible, non pas de vous quitter, mais d'être resté plus longtemps".

Alexis ou le Traité du vain combat, cette longue lettre porte son nom à merveille. Le jeune homme revient sur ses souvenirs d'enfance, ses premières expériences amoureuses et charnelles, ses études, sa vie à Vienne. Il retrace l'histoire de sa vie, de sa lutte contre son homosexualité. Force lui est de constater qu'on ne peut refouler éternellement ses préférences. Il brise son mariage ; il n'a d'ailleurs jamais été amoureux de Monique et elle jamais heureuse avec lui. La lucidité du regard que le protagoniste porte sur son parcours et son honnêteté fait toute la beauté de la lettre.



Le coup de grâce est d'un tout autre registre. Cette nouvelle relate, dans les pays baltes de 1920, la lutte amoureuse entre Eric et Sophie, la soeur de son meilleur ami. La jeune femme lui a offert sans détour son corps, et lui la fuit. Un seul baiser sera échangé au cours de ce combat sans merci, au terme duquel l'amour se transformera en haine.

Pourquoi Eric ne veut-il pas de Sophie? La raison n'en est pas clairement donnée, il est peu probable que ce soit uniquement par loyauté envers son ami Conrad. Il semblerait aussi qu'il l'ait plus aimée que ce qu'il laisse paraître. On n'imaginerait pas d'autre fin que la fin tragique que Marguerite Yourcenar à cette nouvelle.



Challenge ABC 2015/2016

Challenge Petits plaisirs 2016
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Alexis ou le traité du vain combat - Le coup ..

Alexis ou le traité du vain combat:

Longue confession d'un homme submergé par son homosexualité contre laquelle il lutera en vain et qui avoue à sa femme. Toujours le style époustouflant de Marguerite Yourcenar. C'est précis, riche, puissant.

Le coup de grâce

Ce roman m'a rappelé une nouvelle de Stéphane Zweig "La pitié dangereuse". Dans un cas comme dans l'autre on vit le parcours tragique de deux femmes follement amoureuses et dont l'amour insatisfait a poussé à la perte. Dans un cas comme dans l'autre les hommes n'ont pas le beau rôle. Ils ont alimenté ces passions, les ont nourris en poussant ces femmes dans une impasse.
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Alexis ou le traité du vain combat - Le coup ..

Dans une lettre un jeune homme issu de l'aristocratie se confesse à sa jeune femme dont il est séparé. Il lui laisse entendre que, depuis son adolescence, il a des attirances répréhensibles, et que leur rencontre et leur mariage ont été des tentatives pour s'en affranchir...



Un roman court, qui mériterait le nom de nouvelle, assez agréable à lire, et si construit en aphorismes qu'on aimerait tout noter. Je crois bien que je noterai également la préface quelque part, une très belle réflexion sur la difficulté à exprimer "le vice" en littérature sans se retrouver dans des tonalités inadéquates. L'auteur étend ce constat à la vie matrimoniale où règne, dit-elle, la "superstition verbale". Elle la rendra à la perfection dans ce roman, en restant dans l'euphémisme, l'ellipse, le rébus, "(...) l'emploi de cette langue dépouillée, presque abstraite, à la fois circonspecte et précise, qui en France a servi durant des siècles aux prédicateurs, aux moralistes, et parfois aussi aux romanciers de l'époque classique pour traiter de ce qu'on appelait alors "les égarements des sens". (...) Par sa discrétion même, ce langage décanté m'a semblé particulièrement convenir à la lenteur pensive et scrupuleuse d'Alexis, à son patient effort pour se délivrer maille par maille, d'un geste qui dénoue plutôt qu'il ne rompt, du filet d'incertitudes et de contraintes dans lesquelles il se trouve engagé, à sa pudeur où il entre du respect pour la sensualité elle-même, à son ferme propos de concilier sans bassesse l'esprit et la chair". C'est parfois un plaisir de jeu de pistes que d'essayer de reconstituer une anecdote incomplète.



Malgré ce luxe de précaution et l'intention affichée de ne pas confier à sa femme plus de turpitudes qu'il n'est nécessaire, de ne pas la blesser plus qu'il ne le faut, à mesure que le récit avance il se fait plus cruel, semblant être plus précautionneux avec les souvenirs des périodes où elle n'était pas que celles où ils se sont connus et où tout détail se retrouve forcément "miné".



J'ai juste été un peu piquée de ce qu'un passage entier semble extrait de Givre et Sang de Cowper Powys, publié quatre ans avant Alexis : "et les portraits de famille (...) cessaient d'être une présence pour devenir une apparition. Ainsi, la volonté qu'exprimaient ces figures d'ancêtres s'était réalisée : notre mariage avait abouti à l'enfant. Par lui, cette vieille race se prolongerait dans l'avenir ; il importait peu, maintenant, que mon existence continuât : je n'intéressais plus les morts, et je pouvais disparaître à mon tour, mourir, ou bien recommencer à vivre". Je ne peux croire qu'il s'agisse d'une coïncidence, mais ça n'est qu'un seul passage là où c'est le thème central de Givre et Sang.



Cf. lien sur mon blog pour "Le Coup de grâce".
Lien : http://aufildesimages.canalb..
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Alexis ou le traité du vain combat - Le coup ..

Deux histoires différentes qui se rejoignent dans le thème: le malaise dans les relations amoureuses dans les années vingt. A l'époque, l'éducation de la petite noblesse enseignait des idéaux et ne permettait pas d'être différent.



La première histoire est une longue lettre d'Alexis à Monique, dans laquelle il essaye d'expliquer leur mariage raté.



Dans le coup de grâce, Eric raconte ses relations difficiles et ambiguës avec Sophie durant la guerre civile qui a suivi la révolution russe dans les pays Baltes.



Ce qui fait la beauté du livre, ce sont les mots toujours si justes de Marguerite Yourcenar. Rien n'est dit et tout est dit à la fois. Il suffit juste de déguster le texte pour comprendre ses messages.
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Alexis ou le traité du vain combat - Le coup ..

Alexis, ou le Traité du Vain Combat est un long plaidoyer d'un homme qui explique son mariage voué à l'échec. Le narrateur, Alexis, écrit à sa femme Monique, pour lui témoigner son affection et son admiration pour la femme qu'elle est, tout en lui avouant à demi mot son homosexualité. Il n'est jamais précis, les mots sont détournés vers des périphrases floues, des expressions fleuries qui délivrent presque son secret, jamais explicitement.

Le style est fluide, touchant quoique parfois cruel dans ses propos: Alexis accuse les autres de ne pas accepter ce genre de différence et par ailleurs, de ne pas comprendre ce qu'il est. Sa "nature" fait de lui un être à part, luttant perpétuellement contre ses démons intérieurs, contre les autres.

La musique, le silence prennent tout deux une place majeure dans l'oeuvre puisque cette vocation lui permet de laisser échapper mélodieusement son mal de vivre. La musique exprime ce qui se cache derrière ce silence familial, mais surtout ce silence pesant qui nie ce qu'il est vraiment.

Cette lettre dévoile les mœurs de l'époque, le rejet de cette marginalité qui n'était pas acceptée, contraire à toutes ces normes sociales présentes jusqu'au XXe siècle.



Finalement, on éprouve de la compassion pour le narrateur, de l'admiration aussi, pour lutter contre ses penchants naturels mais "malsains" pour l'époque. C'est un personnage courageux, torturé, intelligent : ceux dont on ne peut se passer, qui nous appellent à la lecture et qui nous font aimer les mots, et à travers eux, la bataille dans laquelle nous plonge la vie.
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Alexis ou le traité du vain combat - Le coup ..

Ce livre débute par un roman intitulé « Alexis ou le traité du vain combat », celui que Marguerite Yourcenar a écrit à vingt-quatre ans, soit le même âge que le personnage éponyme, Alexis. Ne comptabilisant qu'une centaine de pages, il est représentatif de la retenue, de la sobriété mais également de la finesse dont est empreinte l'écriture du narrateur.



Car lorsqu'il entreprend d'écrire une lettre explicative après son départ, c'est bien Alexis le narrateur ; quant au destinataire, Monique, il s'agit de la femme avec laquelle il est uni par ce qui n'est pas un mariage d'amour ; Alexis étant homosexuel. Dans cette lettre, Alexis reconstitue son histoire personnelle en commençant naturellement par le passé ; il raconte alors qu'il est entouré de la présence rassurante des femmes, celles-ci occupant une place privilégiée dans son éducation. On apprend ensuite qu'il combat ses désirs qu'il juge criminels et que, « contaminés par eux », il choisit de quitter le domicile familial afin de ne pas les révéler à sa mère, pieuse de surcroît. L'action de fuir le domicile va donc de pair avec l'action de fuir ses « désirs malsains ».



Dans ce contexte où il est en proie à un sentiment de culpabilité toujours plus fort, Alexis trouve néanmoins une échappatoire dans son activité de musicien ; en effet, la musique lui permet d'exprimer les sentiments complexes sur lesquels il ne saurait mettre de mots ou, plus exactement dans son cas, les sentiments qu'il réprime au quotidien.



Au final, par le biais D Alexis, nous apprenons les conséquences multiples qu'entraînaient le fait d'être homosexuel au début du XXème ; en l'occurrence, Alexis se voit contraint d'abandonner une femme admirable pour laquelle il a beaucoup d'affection, mais qu'il perçoit davantage comme sa mère que comme une vraie épouse. En découle à nouveau un sentiment de culpabilité, même si Alexis se justifie par une phrase pertinente vers la fin : « j'aime encore mieux la faute (si c'en est une) qu'un déni de soi si proche de la démence ».



Quant au deuxième roman, le sujet n'est pas aussi original (pour l'époque) et même assez éculé (une tragédie amoureuse) : dans le cadre de la guerre civile russe, une jeune femme s'appelant Sophie va être prise d'une passion Racinienne pour Eric, un officier qui, en comparaison du feu que symbolise la passion de Sophie, semble avoir un coeur de glace. Par rapport à Alexis, on a bien un fil rouge avec la thématique de l'homosexualité, puisqu'Eric incarne un militaire proche de son compagnon de guerre, Conrad qui est aussi le frère de Sophie. Aussitôt, la frontière entre la camaraderie entre guerriers et l'amour est ténue, comme le veut la tradition de l'antiquité grecque avec Achille et Patrocle par exemple. Par ailleurs, chez Yourcenar, cela rappelle un peu la relation d'Hadrien et d'Antinoüs dans les mémoires d'Hadrien.



Enfin, voilà, ce livre ne témoigne pas autant de l'érudition de Yourcenar que « les mémoires d'Hadrien », mais il s'avère néanmoins intelligent dans la façon dont il traite de la condition de l'homosexuel au XXème.
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Alexis ou le traité du vain combat - Le coup ..

Etonnante cette facilité de Marguerite Yourcenar à se glisser dans la peau de ses personnages, surtout masculins : Hadrien, Zénon, Alexis dans cet ouvrage ou Eric von Lhomond encore dans Le coup de grâce.



Etonnant aussi chez elle cette faculté d'autopsier le processus de pensée de l'homme, au sens de mâle de l'espèce humaine, dans sa relation au monde, dans sa relation à l'autre. L'autre étant souvent féminin naturellement, mais pas seulement, tel Antinous pour Hadrien.



Son approche des sentiments est très intellectualisée, un peu trop même. Elle lui confère une froideur presque scientifique. Cette maîtrise imposée ôte à mon sens à l'expression du sentiment sa spontanéité, sa sensualité qui donne de la chaleur à l'épanchement amoureux. Comme elle le dit elle-même : "Au lieu de parler d'amour, nous parlions sur l'amour".



Il est beaucoup question d'états d'âme de la part de ses héros dans l'évocation de ce combat qu'est la vie, en quête de plénitude plus que du bonheur, estampillé trop convenu. Ces personnages évoluent dans un univers écartelé entre les aspirations du corps, certes bien gouvernées, les convenances imposées par le milieu social et l'élévation intellectuelle, seule à pouvoir supprimer les barrières qui cloisonnent nos sociétés. On verse toutefois peu dans les croyances. Le spirituel est trop hasardeux.



Mais la maîtrise de la langue vient au secours de cette analyse quelque peu déprimante. Pas un mot superflu, chacun est lourd de signification. Pas une phrase creuse. Pas un paragraphe qui ne soit construit. La syntaxe de Marguerite Yourcenar, qu'elle façonne en orfèvre, est l'escabeau qu'elle place sous nos pieds pour accéder à la puissance de son univers sémantique.

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Alexis ou le traité du vain combat - Le coup ..

Un lent crescendo. Ou plutôt, pour la lectrice de cette longue lettre, une lente descente aux enfers. Lente mais inexorable... jusqu'à ce moment, où, brutalement, est annoncée comme évidence, sans plus de précaution: "le bonheur n'est pas venu, Monique".

Un nouveau clou est planté une page plus loin: "je cherche à revivre, le plus exactement possible, les semaines qui menèrent aux fiançailles, Monique, ce n'est pas facile. Je dois éviter les mots de bonheur ou d'amour, car enfin, je ne vous ai pas aimée."

Au delà même de l'amour du bonheur, les instants de prière en semble sont saccagés par un brutal: nous nous forcions aux pratique d'une dévotion exaltée". Et Dieu ne sera pas un recours: "ceux auxquels tout manques'appuient sur Dieu, et c'est à ce moment que Dieu leur manque aussi"



Descente au enfers: c'est confirmé! Elle est rendue plus poignante par le style souple, fluide, "l’acoustique du livre" qui est mentionnée en préface.
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Alexis ou le traité du vain combat - Le coup ..

Habituellement un court roman ne fait pas long feu entre mes mains. Là, j’ai mis une semaine pour lire ces 2 récits totalisant 248 pages. Vous avez compris, je n’ai pas pris plaisir à le lire. Marguerite Yourcenar n’est pas pour moi et je suis passée totalement à côté.

Que vous dire ! Alexis est une longue lettre qu’il adresse à sa femme car il lui fait l’aveu de son homosexualité. C’est long. Mon esprit ne s’attachait pas au récit. Combien de fois ai-je du relire tel et tel passage car je n’étais pas concentrée…. A la fin tellement énervée, je ne relisais plus. Pour le Coup de Grâce, ma lecture s’est mieux déroulée mais j’ai trouvé cette histoire d’amour en tant de guerre, qui n’a pas pris jour, inintéressant. Il n’y a que la fin qui est brutale.
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Alexis ou le traité du vain combat - Le coup ..

Ses mots sont des flèches qui jamais ne manquent leur cible. Sous sa plume, d'une grande précision, se dessine un véritable atlas des sentiments. Sans jamais verser dans le sentimentalisme.



Le coup de grâce, pris en étau entre le front bolchevik et celui de la baltique, renoue avec les thèmes chers à Yourcenar. de même que dans le vain combat que perd le jeune Alexis au coeur de la capitale austro-hongroise corsetée de la belle époque, Il y est question d'amour non partagé, d'amitiés particulières et de tragique.



Le personnage principal et narrateur instruit le lecteur d'une période révolue et les efforts d'objectivation du lecteur doivent être constants. Dans sa Préface, Yourcenar prévient qu'il appartient au lecteur de reconstituer, de mettre en doute, de traquer les indices au-delà de l'intermédiation du narrateur, de ses omissions qui sont des vérités et de ses aveux qui sont des mensonges.



Le style, classique, est économe, janséniste même, selon le mot de Bernard Pivot. Pas la moindre surabondance dans la syntaxe de celle qui écrit Alexis, son premier roman paru en 1928, à moins de trente ans. Les penchants, les pulsions et les pudeurs, leurs imbrications inexprimables, leurs ombres et lumières, leurs versants et leurs élans sont disséqués à coeur ouvert par cette chirurgienne des âmes avec froideur et justesse.



« Au lieu de parler d'amour, nous parlions sur l'amour ». C'est ce qui fait à la fois son magnétisme, son alchimie ou à l'inverse, le manque de chaleur, le propos définitif et le sérieux vertigineux de sa plume que peuvent ressentir certains lecteurs. Cependant, une lecture attentive révèlera, tissées dans la dentelle du style, quelques pointes d'ironie.



En outre, il faut bien reconnaître que les personnages de ces deux romans ne sont pas des plus lumineux. Eric, officier allemand et balte, prisonnier de sa roideur, ne se veut pas capable d'émoi pour Sophie et tous deux finissent par s'infliger des souffrances aux accents kunderiennes ; quant au frêle Alexis, je me le figure livide, les yeux gris et les lèvres à peine rosées, ses veines bleues coulant en filigrane sous sa peau si fine (la première de couverture folio poche, une peinture d'Egon Schiele, lui offre un visage).



Si pour Eric l'histoire s'écrit désormais au passé, pour Alexis le jeu reste ouvert, et l'auteur de souligner, en songeant à une suite pour la longue lettre du vaincu, que la vie est beaucoup plus souple qu'on ne le pense lorsqu'on a vingt-quatre ans.



Mais il y a toujours chez ces personnages la volonté, dans une certaine mesure et jusqu'à un certain point, de faire preuve d'honnêteté dans leur introspection ; c'est cette petite musique de Yourcenar qui fait vibrer une à une les cordes de nos émotions.

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Alexis ou le traité du vain combat - Le coup ..

Après avoir été ébloui par Mémoires d’Hadrien, j’avais hâte de lire un nouveau texte de cette académicienne et je n’ai pas été déçu par le travail que l’auteure a effectué pour se mettre non seulement dans la peau de ses personnages, mais également pour s’imprégner d’une pensée au sein d’une époque. Alexis se présente sous la forme d’une confession qu’un mari écrit à son épouse. Même si le mot n’est jamais évoqué, c’est bien d’homosexualité dont il s’agit dans les propos de cet homme qui ne peut plus mentir ni à lui-même, ni à son entourage. Ecrit en 1929, Alexis nous fait entrevoir une vie faite de renoncements au nom de la norme sociale, et cela est d’autant plus déchirant à lire que l’auteure respecte tout à fait la pensée feutrée de l’époque. Avec Le coup de grâce, écrit en 1938, Marguerites Yourcenar place cette fois son récit (tiré d’une histoire vraie) juste après la première guerre mondiale. Des soldats allemands se sont réfugiés dans un château, cernés par l’armée russe. Dans ce décor sinistre et délétère sont réunis trois personnages, l’officier Erich von Lhomond, son ami Conrad de Reval et la sœur de ce dernier, Sophie. Là encore, le récit dramatique est écrit à la première personne, ce qui va mettre le lecteur dans la peau et la tête d’un soldat allemand dur et autoritaire, dont la personnalité latente exprime bien l’abîme dans lequel allait plonger l’Allemagne plus tard. Ainsi, un certain malaise parcourt le lecteur qui sent poindre une tension palpable qui ne pourra finir qu’en drame glaçant. Là encore, on ressent bien que cet homme viril et affirmé est passé à côté de sa nature profonde et a laissé développer en lui le pire sans même s’en rendre compte le moins du monde. Terrible miroir sans teint, Le coup de grâce nous invite avec sagesse à réfléchir à la nature cachée du mal.
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“Cette lettre, mon amie, sera très longue”, écrit Alexis à sa femme. En une centaine de pages, il ambitionne de révéler tout ce qui le tient éloigné de celle qu’il a épousé par dépit, à commencer par ses désirs homosexuels. Marquées par l’influence d’André Gide, les révélations d'Alexis sont aussi une libération : sil ne fait que “se résigner” à ses penchants, son courage permet à deux êtres - lui et sa femme Monique - de s’affranchir de la culpabilité et de sortir du déni.

Marguerite Yourcenar fait preuve d’une justesse redoutable dans l’analyse psychologique, annonçant déjà les profondeurs des Mémoires d’Hadrien, mais reste très prudente dans sa façon d’évoquer le désir d’Alexis. Signe d’une époque : elle n’a que 24 ans lorsqu’elle écrit Alexis, publié en 1929. Dans une passionnante préface écrite trente ans plus tard, elle revient sur cette langue “circonspecte” qu’elle prête à son héros tourmenté, mais aussi sur ses regrets d’avoir donné une cause psychanalytique trop forcée à son homosexualité. Quelques repentirs qui n’entament en rien la grande originalité de ce premier roman incontestablement attendrissant.
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Alexis ou le traité du vain combat - Le coup ..

Ces deux nouvelles ne font pas partie de mes préférées, malgré mon admiration sans borne pour Marguerite Yourcenar, dont on retrouve la plume exquise et précise, tant dans la description documentée d'une époque révolue que dans la minutieuse analyse des sentiments que s'imposent ses personnages : le premier révèle à sa femme dans une longue lettre ses travers, en la priant de le pardonner, révélant entre ses lignes une vision bien masculine de la femme et de sa place dans la société austro-hongroise, tandis que le second, officier allemand et balte, joue des sentiments qu'éprouve pour lui la jeune Sophie, même si cela doit les détruire tous les deux.
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Alexis ou le traité du vain combat - Le coup ..

"(...) il est plus difficile de ne céder qu'une fois que de ne céder jamais (...)"



Alexis, dans une longue missive à son épouse Monique, révèle sa véritable nature et ose enfin devenir qui il est. Chacune de ses phrases est une flèche décochée à son aveuglement longtemps forcené, aiguilles qui dardent et son âme et sa chair. Avec ce douloureux mais libérateur coming-out épistolaire, Marguerite Yourcenar effleure les sommets : son fragile héros enchâsse ses précieux propos dans le chaton raffiné d'un style épuré, d'un classicisme admirable.



Les aveux chastes et voilés d'Alexis paraîtront surannés à qui préfère la brutalité d'une exposition franche ou la décomplexion d'une sexualité assumée mais que les circonvolutions de ce tourmenté restent émouvantes ! Tutoyant le dolorisme sans s'y abandonner, l'auteure, par les lèvres trop longtemps closes de son Nathanaël (le Gide des Nourritures ou le Proust de Sodome et Gomorrhe sont encore tout proches), essaime les phrases sublimes et transforme son Alexis en bréviaire du désir enfin accueilli. Les confessions d'un masque apaisé.



D'une terrassante nécessité.



"Ce ne fut pas ma faute si, ce matin-là, je rencontrai la beauté..."
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Alexis ou le traité du vain combat - Le coup ..



C'est un livre étonnant - parce qu'il a été écrit en seulement 18 jours; aussi que par le fait que son auteur était une auteure débutante de vingt-quatre ans, et le roman étonne par sa profondeur et la connaissance de la vie ...



L'intrigue du roman est la confession d'un cœur souffrant, et peu importe qu'il s'agisse des penchants vicieux d'une personne qui a renoncé à une alliance prolongée avec sa femme pour se livrer aux plaisirs auxquels les instincts mènent ce malheureux Alexis, le protagoniste de la narration. Il expose sa propre âme au lecteur, évalue sans pitié ses actions et n'essaie pas de se justifier, admettant sa dépravation et expliquant pourquoi il a fait ce choix - arrêter de se battre avec sa propre nature et s'éloigner d'une existence mesurée dans le mariage.



Le roman represente une lettre du héros à sa femme qu'il quitte. Mais il me semble que l'intrigue est secondaire ici. L'important est que les émotions d'Alexis soient en phase avec ce que les gens vivent face à des déceptions dans la vie, et la forme littéraire de l'histoire d'Alexis est impeccable.



Il est très difficile d'atteindre ce niveau de passion et de franchise, d'écrire pour ceux qui lisent avec leur cœur. L'un des meilleurs livres jamais lus.
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Alexis ou le traité du vain combat - Le coup ..

Une PLUIE d'étoiles pour cette œuvre de haute volée.



Yourcenar, unique, offre ici son premier roman. Elle a une vingtaine d'années lorsque lui vient ce récit, Alexis en est le narrateur. Il rédige une lettre d'une centaine de feuillets où il livre ses secrets sans jamais les nommer.



L'attachement à cette pudeur trouve probablement son explication dans la préface de Yourcenar quand elle affirme :"l'obscénité s'use vite, forçant l'auteur qui l'utilise à des surenchères plus dangereuses encore pour la vérité que les sous entendus d'autrefois. La brutalité du langage trompe sur la banalité de la pensée, et reste facilement compatible avec un certain conformisme ". A méditer !



Alexis, jeune époux et jeune père, livre une lettre d'adieux à sa tendre épouse Monique, qu'il considère d'ailleurs plutôt comme une sœur. Il reprend le fil de son enfance, de sa jeunesse, puis de sa vie de jeune homme pour expliquer à sa femme la raison de son départ (son homosexualité) sans jamais la nommer, et annoncer la forme de son départ (sans jamais l'expliciter).



Ce roman est merveilleusement écrit: tout en douceur, sans colère, avec une humanité à l'opposé de la mièvrerie. Le personnage d'Alexis, est une pierre précieuse défait de sa gangue de violence.



Il demande pardon, non pas pour son départ mais d'être resté trop longtemps !!!



De la littérature comme on en lit TRES rarement. Yourcenar honore l'humanité, répare, même si la tragédie se dessine parfois sous sa plume.



Yourcenar, en reine de la littérature, dans mon panthéon. ASSURÉMENT ! .



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Alexis ou le traité du vain combat - Le coup ..

Le vain combat n’est pas un combat sans grâce, sans beauté, sans courage. Le combat d’Alexis auquel donne mots Yourcenar, s’il est vain contre la nature « qui seule est responsable si » (dirait le chanteur), n’est pas vain contre les hommes de son temps, dont l’esprit et les valeurs peuvent être criminels. Il n’est pas encore tout à fait vain lorsqu’il offre à la générosité d’autres âmes de s’y associer et de le porter peut-être plus haut et plus loin qu’on eut cru pu le mener. Et de vain à vainqueur… quelques lettres seulement, que l’immense talent de Marguerite Yourcenar peut offrir à cette lutte : celle de la dignité due à chacun.
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