C’est fou à quelle vitesse le temps file. On a tous ressenti cette différence dans notre perception du passage du temps. Tu sais, quand les années ne s’écoulaient pas au même rythme qu’aujourd’hui, quand elles prenaient le temps de traînailler de tout leur long.
Je te connais à peine, pourtant dans ce rêve, tu es mon seul ancrage au réel, l’unique visage qui m’est familier et réconfortant. Je n’hésite pas, je comprends bien où est ma place. Je me dirige vers toi et, toujours en me souriant, tu tires la chaise inoccupée et me laisses m’installer. Dans cet univers anxiogène, je me sens désormais sereine et à mon aise.
Je n’ai jamais été une femme de certitude. L’indécision, l’insécurité, c’est plutôt mon lot quotidien depuis ma tendre enfance. Jeune, je changeais d’idée dans la voiture en chemin vers la maison de mes amis ; je ne voulais soudainement plus y aller, j’avais plutôt envie du calme de mon chez-moi. Adulte, je suis la même Marianne hésitante et désorientée.
L’ocytocine serait-elle en train d’agir sur nous en distillant ses bienfaits ? Peut-on croire pleinement à ce bien-être euphorisant ? Notre amour nouveau résistera-t-il à la brûlure du temps alors que beaucoup d’amis en couple se sont séparés ou cultivent un vague espoir de tout mettre en friche ?
Mes souvenirs sont plutôt de l’ordre de l’intime. Je me rappelle les matins avec maman. On restait juste nous deux, elle et moi, et c’était divin. J’ai l’impression que nos vies s’égrenaient dans un lent engourdissement. C’est fou, tout ce que je donnerais pour qu’elle soit là encore.
On cristallise le passé, on n’en retient rien que les parcelles tolérables, comme une sorte de filtre qui aide à se composer un mythe fondateur heureux. Mais au fond, ces photos de moi sont rien que des ébréchures de ma vie. La mienne, celle de ma mère aussi.
Tu es franc, direct, presque effronté.
Même si on se connaît très peu, tu vises juste. Tu poses les questions qu’il faut, tu comprends vite que j’ai besoin qu’on me brusque pour que je me déploie.
Dans ce confort qui ne s’atteint pleinement qu’aux moments rares de la conscience furtive de l’âme qui succombe au sommeil, je sens que la nuit sera bonne et déjà mon esprit se dilue dans les songes.
Je ressens ton absence comme un manque et ton silence comme un creux.
Tu m’animes, me soulèves et me fouettes.
Je ne sais pas à quoi ça rime. Après tout, c’est toi, le poète !
Tout lui est pénible : se lever, prendre sa douche, s’habiller, laver la vaisselle. Il a visiblement abdiqué, il sait que sa part de bonheur sur cette terre est reléguée au passé.