Citations de Marjorie Tixier (82)
Elle rit, émue d’entrer dans l’intimité des garçons, ces matelots dont elle ignore à peu près tout. Fascinée, elle se colle à la vitre de l’autocar pour le contempler jusqu’à l’ultime soupçon de son blouson qui se perd dans le flot des silhouettes.
Sa musique coule dans ses veines, son odeur est devenue la sienne, ses paroles sont des conquêtes à venir. Il joue à défaut de parler et, comme elle le fait pour deux, ce charme silencieux attise sa curiosité.
Blondes, auréolées d’espoir. Elle est belle. Trop belle pour se laisser approcher. Ses lèvres sont rouges, ses paupières bleues. Ses yeux, on ne sait pas. Personne ne les a encore compris. Ils ont la couleur changeante des destins qui se cherchent.
Jolène aurait voulu répondre, corriger, nuancer. Dire que l’histoire de sa mère n’était pas la sienne, mais aucun son ne pouvait plus sortir de sa bouche. Face à sa mère déchaînée, elle était comme une plage de galets submergée, un grondement invisible qui tremble et s’étrangle sans la moindre échappatoire.
Elle se souvient et regrette, toute jeune qu’elle soit, d’avoir le sentiment d’être passée à côté.
comme sur un coup de tête, ils avaient décidé de retourner à Luchon par la route littorale, à son rythme, au gré de ses envies, et c’est à Dinard, sur la plage de Saint-Énogat, qu’il avait remarqué une femme de dos, vêtu d’une longue chemise blanche qui se laissait aller tout habillée dans l’océan. La nuit était claire. Une nuit de juin où la lune explose de lumière ronde et pleine telle une parturiente. En regardant la silhouette s’avancer dans l’eau, il s’était sentie comblé par cette balade nocturne le long de la mer qui, à cette latitude, se confondait avec l’océan.
On appelle « noyade blanche » ce qui aurait pu lui coûter la vie si Antonin n’avais pas nagé jusqu’à elle. Son corp s’était brusquement refroidi et elle avait perdu connaissance, comme si la mort avait voulu l’approcher sans qu’elle s’en rende compte. Elle ne s’était pas débattue, avait pas impulsé le mouvement du bouchon qui crie à l’aide. Elle s’était laissée aller. Ses artères avait dû se rétracter et elle avait dérivé dans l’inconscience tranquille de l’esprit en sommeil. Antonin avait lutté contre la mariée pour la ramener sur la plage. Elle serait partie vite, très vite s’il avait attendu, il le savait. De l’eau était sortie de sa bouche, il avait fait ce qu’il fallait. Du nez aussi. Grande douleur à cet endroit là. Elle avait toussé, s’était étranglée, son corps s’était recroquevillé, animé par un réflexe sans doute. Elle avait toussé encore à s’en arracher les côtes et les poumons, puis elle avait ouvert les yeux.
Qu’avait-elle à fuir en plein cœur de la nuit pour avoir chercher la mort dans l’océan ?
Tu m’as montré qu’on devait se battre pour vivre. Grâce à toi, j’ai compris qu’il était inutile d’attendre en se lamentant dans son coin.
L’écrit était impeccable depuis le départ, même si des coquilles n’avaient pas manqué de s’y glisser. Elle se dit que son rôle tient à cela. Apporter la touche finale afin que tout soit parfait.
Il est de ces étreintes absolues qui rattrapent le temps perdu.
Elle vit avec ceux auxquels elle pense à longueur de journée. Le reste est mécanique, accessoire.
C’était comme un bleu à l’âme qui avait fini par se répandre sur le corps entier. Un bleu assez triste pour confondre toutes les douleurs.
Elle sait qu’un regard suffit parfois à s’attacher pour la vie.
Je n’étais pas encore prête à supporter la torture qu’inflige parfois le souvenir d’une absence irréparable.
L’art est capable, sinon de guérir, du moins de donner d’autres couleurs à l’existence.
Nos silences cachent une ombre, se dit-il, une ombre trois fois plus grande que nous. Glaciale et mordante comme la nuit, abyssale comme la mort, mais à ce point vitale qu’il nous incombe de la traverser pour cesser de nous chercher dans les miroirs.
Il est de ces hommes qui jamais ne forcent l’intimité d’une femme.
Il est de ces mirages à ce point réels qu’ils se meuvent en vérités.
Elle n’a pas cette tendance à se laisser absorber dans un monde où l’imagination semble compenser ce que le présent n’offre pas.
Leur duo résume la consolation que prodigue l’oubli, si éphémère soit-il.