Citations de Martti Linna (43)
Les souvenirs sont un peu comme l'eau qui goutte d'un robinet fatigué. On peut essayer de leur barrer le passage, on peut ajouter un joint d'étanchéité à l'endroit qui fuit, mais d'une manière ou d'une autre, ils parviennent à contourner l'obstacle.
Les seuls bruits environnants provenaient de l'eau s'égouttant dans les bouches d'évacuation, de sa canne lorsqu'il lançait le leurre, de la cuiller pénétrant dans l'eau et de la stridulation du moulinet quand il rembobinait la ligne. Hilkka ne faisait aucun commentaire. Elle fumait, toussait, et observait.
Une telle femme valait son pesant de perches.
Il n'apercevait nulle part le moindre élément qui eût pu l'éclairer sur la personnalité de Hilkka Kauppinen et ses goûts. Cette femme avait pourtant ravi son mari à sa sœur. Un mari qui tenait d'avantage d'Athi l'ondin que d'Adonis et chez qui, à en juger par l'odeur, le côté hareng primait sur le côté divin.
Ilpo le gratifia de nouveau du regard que l'on a face à ceux qui n'étaient pas assez grands pour pouvoir attraper quelque chose sur l'étagère du haut le jour de la distribution de l'intelligence.
Les forces de l'ordre avaient semé la pagaille dans ses esches.
Il n'arrivait pas à comprendre pourquoi. Le policier costaud ignorait donc qu'il ne fallait en aucun cas déranger les larves ? Elles allaient grandir dans le tas de poissons, au sein de toute cette nourriture, devenir savoureuses, plaire aux perches. Mais si on les remuait, si on ne les laissait pas tranquilles, elles stressaient. Et se gâtaient .
Il réarrangea le tas de son mieux, le tapota pour lui redonner la forme d'une fourmilière et replaça dessus les gardons desséchés éparpillés tout autour. Il espéra que les fourmis reviendraient. Elles sécrétaient de bons acides. Les Indiens du lac Huron imprégnaient leurs pièges à saumons d'acide formique. Ils brassaient les fourmilières pour inciter leurs millions d'occupants à se défendre en produisant une senteur âcre et promenaient leurs nasses dans ce nuage.
De nos jours, la montagne ne venait plus à Mahomet. Tout au plus s'en approchait elle, et encore, à condition de pouvoir le faire en voiture.
Il songea qu'il y avait une différence de longueur entre les pensées d'un homme et celles d'une femme. On avait coutume de dire d'une femme qu'elle ne voyait pas plus loin que le bout de son nez, alors que la nature avait pourvu les hommes virils de quelques centimètres de plus–mais pas au niveau de l'appendice nasal.
Dans une béatitude lénifiante, il sentait son estomac transformer en nutriments pour la circulation sanguine et en déchets pour les intestins l'offrande céleste qui s'était présentée quelques instants plus tôt sous la forme d'une pizza.
Un arbre pousse verticalement. Pas étendu de tout son long. La nature a eu des millions d’années pour élaborer de nouveaux produits. Nous ne sommes pas plus futés qu’elle. Prenez à gauche, au fond.
Sa fille ne buvait pas de café, elle s'était entichée d'une espèce de tisane diététique d'une couleur verte peu engageante qui coûtait scandaleusement cher, sentait mauvais et avait un goût encore plus mauvais.
Une autre hypothèse, toujours à supposer que Hilkka fût vivante, était qu’elle avait embobiné son mari. Il n’y avait eu aucun homme aux abords du bungalow. Elle avait voulu quitter Ilpo, lassée de sa petite quéquette couverte d’écailles et de son insistance à vouloir toujours faire la Chose de la même manière en lui lâchant sa laitance par-derrière. Ellle avait tout simplement décidé de disparaître.
Ne vous arrive-t-il jamais de les échanger ? Quand vous en attrapez de plus gros ?
– Non. Je ne pêche plus que la perche.
– Et pourquoi donc ?
– La perche est le seul poisson noble en Finlande. Un poisson sacré, depuis les temps anciens? Ahti, saint Odin, donne-nous des perches… Cette prière vous dit quelque chose ?
– Je ne suis pas pêcheur, rétorqua Sudenmaa.
– Vous devriez.
Le capitaine se redressait au fur et à mesure. Il lisait les informations concernant les poissons, leur poids, le lieu de leur capture. Les espèces changeaient, la taille des gueules grimaçantes diminuait. Aucune trace de poussière sur les crânes, ni à l’intérieur. Il avait conscience de contempler le trésor d’Ilpo Kauppinen. Il se demanda si un tel reliquaire aurait dû emplir son âme de dévotion…. Des sandres, des brèmes, une anguille, un omble chevalier. Tête après tête, espèce après espèce, d’un bout du mur à l’autre.
En réalité, les lits d'hôpitaux avaient été conçu pour rétrécir les gens.
On les casait dans de petites chambres aux murs pastel, ou on les abandonnait le long des couloirs quand toutes les chambres étaient occupées. Chacun était équipé de roulettes, pour rappeler à ceux qui avait échoué dans l'un deux quel était le meilleur moyen de locomotion pour achever sa vie ici-bas. On entourait parfois le lit d'appareils qui clignotaient et lâchaient des bip bip dont la signification n'était jamais expliquée au patient.
Mauri avait dit que Timo avait fait une école d'ingénieur. Ce qui sous-entendait qu'il devait y avoir une large bande passante sous la raie qui partageait ses cheveux. (p. 58)
Ceux qui rêvaient d’une nouvelle habitation voulaient descendre d’un car climatisé pour passer tranquillement en revue le choix qui leur était proposé. Ils souhaitaient contempler les maisons en rondins dans leur écrin de verdure. Et en cas de coup de cœur, il ne leur viendrait pas à l’idée que le terrain viabilisé sur lequel on implanterait l’objet de leurs rêves serait bordé de trois côtés par d’autres terrains similaires et que le quatrième donnerait sur la rue.
On ne pouvait jamais se fier à l'eau d'une rivière. Elle était semblable à une vieille fille rétive. Au moment précis où vous croyez l'avoir amadouée, elle décide de vous repousser.
Un général avait dit un jour que la victoire avait plusieurs mères, mais que la défaite manquait cruellement de père.
« Notre personnel est très compétent. Haliwood ne se résume pas à Mauri et à moi-même. Pour nous tous, cette entreprise est comme une mère. »
Bien d’autres entreprises l’étaient. Sauf que, pour certaines, il ne fallait pas oublier d’ajouter la lettre d au milieu du dernier mot. (p. 175.)
cent mille Finlandais mettent le cap sur un lac gelé, poursuivit Nuutinen. Ils se sont levés de bonne heure, ont rempli de café une bouteille thermos et parcourent des dizaines de kilomètres en voiture. Pourquoi ? Pour forer un trou dans la glace. Pour attraper trois perches et deux gardons. Il s’agit de recueillement. De questions existentielles. Et dire que l’Eglise luthérienne se prive d’un tel atout en n’incluant pas la pêche sur le lac gelé dans ses retraites monastiques