Citations de Maryse Condé (340)
- Tituba, ne penses-tu pas que c’est malédiction d’être femme ?
Je me fâchai :
- Maîtresse Parris, vous ne parlez que malédiction ! Quoi de plus beau qu’un corps de femme ! Surtout quand le désir d’un homme l’anoblit…
Vers 1693, Tituba, notre héroïne, fut vendue pour le prix de sa « pension » en prison, de ses chaînes et de ses fers. A qui? Le racisme, conscient ou inconscient, des historiens est tel qu'aucun ne s'en soucie.
Il y avait cependant une chose que j'ignorais : la méchanceté est un don reçu en naissant. Il ne s'acquiert pas. Ceux d'entre nous qui ne sont pas venus au monde, armés d'ergots et de crocs, partent perdants dans tous les combats.
Ont-ils tant besoin de hair qu'ils se haïssent les uns les autres ?
Où était Satan ? Ne se cachait-il pas dans les plis des manteaux des juges ? Ne parlait-il pas par la voix des juristes et des hommes d'Eglise ?
Blancs ou Noirs, la vie sert trop bien les hommes !
Nous sommes des nègres, Tituba ! Le monde entier travaille à notre perte.
C'est peut-être parce qu'ils ont fait tant de mal à tous leurs semblables, à ceux-là parce qu'ils ont la peau noire, à ceux-là parce qu'ils l'ont rouge, qu'ils ont si fort le sentiment d'être damnés ?
Qu'est-ce qu'une sorcière ?
Je m'apercevais que dans sa bouche, le mot était entaché d'opprobre. Comment cela ? Comment ? La faculté de communiquer avec les invisibles, de garder un lien constant avec les disparus, de soigner, de guérir n'est-elle pas une grâce supérieure de nature à inspirer respect, admiration et gratitude ? En conséquence, la sorcière, si on veut nommer ainsi celle qui possède cette grâce, ne devrait-elle pas être choyée et révérée au lieu d'être crainte ?
Je hurlai et plus je hurlais, plus j'éprouvais le désir de hurler. De hurler ma souffrance, ma révolte, mon impuissante colère.
Que deviendra le monde si nos femmes ont peur ? Il s'effondrera le monde ! Sa voûte tombera et les étoiles qui le constellent, se mêleront à la poussière des routes !
Il y avait cependant une chose que j'ignorais : la méchanceté est un don reçu en naissant. Il ne s'acquiert pas. Ceux d'entre nous qui ne sont pas venus au monde, armés d'ergots et de crocs, partent perdants dans tous les combats.
- Man Yaya, je veux que cet homme m’aime.
Elle hocha la tête :
- Les hommes n’aiment pas. Ils possèdent. Ils asservissent.
Les morts ne meurent que s’ils meurent dans nos coeurs.
Puis il abaissa les yeux vers le ventre de ma mère :
- C'est l'enfant du maître, n'est-ce pas ?
Des larmes, encore plus brûlantes, de honte et de douleur, jaillirent des yeux d'Abena :
- Non, non! Mais c'est quand même l'enfant d'un Blanc.
Comme elle se tenait là, devant lui, tête basse, une immense et très douce pitié emplit le cœur de Yao. Il lui sembla que l’humiliation de cette enfant symbolisait celle de tout son peuple, défait, dispersé, vendu à l’encan.
Elles se couchaient ensemble et ma mère, les doigts jouant avec les longues tresses de sa compagne, lui contait les histoires que sa mère lui avait contées à Akwapim, son village natal. Elle rameutait à leur chevet toutes les forces de la nature afin que la nuit leur soit conciliante et que les buveurs de sang ne les saignent pas à blanc avant le lever du jour.
Les morts ne meurent que s’ils meurent dans nos cœurs. Ils vivent si nous les chérissons, si nous honorons leur mémoire, si nous posons sur leurs tombes les mets qui de leur vivant ont eu leurs préférences, si à intervalles réguliers nous nous recueillons pour communier dans leur souvenir.
— Vraiment à quoi songent ceux qui nous gouvernent ? Et est-ce pour cela que nous avons quittés l'Angleterre ? Pour voir proliférer à côté de nous des Juifs et des Nègres ?
— Tu crois donc qu'elle ne m'aimait pas ?
— Nous sommes des nègres, Tituba ! Le monde entier travaille à notre perte !
" Pourquoi enviaient-ils si fort des gens qui de leur propre aveu ne leur arrivaient pas à la cheville ?"