Dans ce monde de non-dits de la fonction publique chinoise, aspirer ouvertement à l'excellence était perçu comme un acte répréhensible d'individualisation et l'auto-proclamation avait toujours valeur de crime.
Tout au long de sa carrière, monsieur Ho avait couvé sa réserve et veillé soigneusement à être remarquable sans jamais se faire remarquer.
La question n'est pas de savoir si on peut oublier les choses, mais comment bien s'en souvenir.
Orgo savait que la patience était un coussin de laine et l'impatience une aiguille.
Le vieux connaissait les vertus de la patience, sans doute l'arme la moins aiguisée et la plus implacable à la fois.
La différence entre un naufragé et un insulaire, songea Ho, est que le premier cherche désespérément des gens à qui parler et le second des semblables à qui ne rien dire.
Tous les systèmes répressifs du monde savent que l'on ne fabrique pas des coupables dans le bois tendre. Les aveux trop faciles au bout des larmes, la voix rauque implorant la pitié, c'est du brin de paille. Le vrai butin est celui dont la conscience s'obstine à se croire innocente. Se croire innocent équivalait à s'individualiser. Le coupable, lui, s'abandonnait, de coeur et de raison, à la masse colérique. Si l'on se fiait au livre de chevet des Gardes rouges, un coupable ne se trouve pas, il se travaille. Il faut de l'effort, beaucoup d'efforts.
(...) le silence : cet espace hermétique à la rengaine des autres.
En Chine, on ne coupe la parole aux autres qu'avec un silence très aiguisé.
La jeune fille était transformée, méconnaissable, une apparition !
Elle portait la robe traditionnelle des promises mongoles, faite de velours rouge, couverte d'une fine écriture en broderie dorée. On ne regardait pas sa robe, on la lisait. Une couture surmontait une légende, une anecdote croisait un revers de collerette.
On n'avait pas l'habitude des crayons par ici, ni de ceux qui les portaient. Quand il y en avait, c'était généralement des crayons sanctionneurs, aiguisés pour soustraire et traduire, jamais des crayons qui écoutent et notent sans vous juger, calligraphiant avec respect votre histoire, votre petite histoire à propos d'un si vaste rien.
belle comme un matin, triste comme un soir
(contretemps dans métro, suicide d'une jeune femme)
p.12 Il cherchait un tremplin, on lui avait offert une ornière. (carrière)
p.59 La différence entre un naufragé et un insulaire est que le premier cherche désespérement des gens à qui parler et le second, des semblables à qui ne rien dire.