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Critiques de Max Frisch (33)
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Andorra

Cette pièce est une allégorie : Andorre, c’est évidemment la Suisse, patrie de Frich, pendant la seconde guerre mondiale et les Noirs les nazis allemands. En ce qui concerne le judaïsme, ce qui importe c’est la différence, celle d’Andri ; d’où la tragédie, celle d’Andri est de dire non, de s’opposer, refuser le compromis et de mourir (recherche de l’absolu). Seul le curé et l’instituteur reconnaissent un peu leur responsabilité, les autres se disent tous innocents (alors qu’ils sont tous coupables).

Lecture ancienne, dont je ne saurais plus en dire davantage.
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Stiller

«Je ne suis pas Stiller !» C’est la première phrase du roman (et c’était le titre d’une traduction antérieure), et son caractère de dénégation saute aux yeux du lecteur, ne serait-ce que parce que le livre s’intitule Stiller et la première partie, qui couvre 450 pages, «Notes de Stiller en prison». D’autant que, toujours dès la première page, le narrateur fait le vœu de réclamer sans cesse du whisky. «Car sans whisky, j’en sais quelque chose, je ne suis pas moi-même.» Qui est-il ? Il est celui qui ne veut pas être Stiller. Pour trouver une identité, il faut commencer par quitter son identité. Stiller est «un rôle», celui que le narrateur endosse depuis la naissance. Ne pas être Stiller signifie d’abord ne pas être «leur Stiller», ne pas jouer ce «rôle qui arrangerait ces gens-là mais qui n’a rien à voir avec moi». La libération passe par le vide, la page blanche. «Que me veulent-ils ? Je suis un homme malheureux, nul, insignifiant, qui n’a pas de passé, pas le moindre passé. Pourquoi toutes mes fanfaronnades ? Uniquement pour qu’ils me laissent à mon vide, mon insignifiance, ma réalité car il n’y a pas de fuite possible, et ce qu’ils m’offrent c’est la fuite, pas la liberté, la fuite dans un rôle. Pourquoi n’y renoncent-ils pas ?» Stiller est un ancien sculpteur soudainement disparu soupçonné d’être impliqué dans une affaire de meurtre et qui, sous un faux nom, a tenté de passer la frontière suisse avec un passeport américain. La Suisse ne joue pas un beau rôle dans le roman, mais n’importe quel pays, avec sa fierté d’être précisément celui-ci, aurait eu la même efficacité.







Né en 1911 et mort en 1999, Max Frisch fut d’abord architecte, carrière qu’il abandonna pour la littérature avant de la reprendre, ne parvenant pas à faire de la littérature l’affaire de sa vie. Ce n’est que quadragénaire, à sa seconde tentative, qu’il rompt définitivement avec l’architecture comme profession pour devenir écrivain, suivant un itinéraire rappelant celui de Jean Dubuffet se consacrant à la peinture avant, devant son échec, de pratiquer le commerce du vin jusqu’à ce que l’art l’emporte une bonne fois pour toutes. Max Frisch est avec Friedrich Dürrenmatt, né en 1921 et mort en 1990, l’un des deux grands auteurs suisses allemands de la deuxième moitié du XXe siècle. Tous deux furent, entre autres, romanciers et dramaturges. Ils connaissent le succès mondial à peu près en même temps : Stiller date de 1954 et la Visite de la vieille dame de 1956. Max Frisch a dit en 1961 à propos de leur lien (voir la Correspondance entre les deux auteurs traduite chez Zoé en 1999) : «Nous sommes amis. […] Nous le disons en plaisantant, il ne nous reste pas d’autre possibilité que d’être amis. Car, si nous nous attaquions l’un l’autre, ce serait une si grande affaire pour ses proches et les miens, ses adversaires et les miens, qui n’attendent que cela ! Ainsi, nous sommes bel et bien amis, mais par-dessus le marché, nous y sommes condamnés.» C’est contre une condamnation d’un ordre semblable que se rebelle Stiller, il ne cesse de faire appel du jugement qui l’institue Stiller.



«Répétition ! Je sais pourtant : l’essentiel n’est pas d’espérer une vie sans redite, mais de faire de cette inévitable répétition, de son plein gré (malgré la contrainte), sa vie même, en reconnaissant : Voilà qui je suis ! Mais chaque fois (la répétition, c’est aussi cela) il suffit d’un mot, d’une expression qui m’effraie, un paysage qui réveille des choses en moi, et je ne suis plus que fuite, fuite sans espoir, uniquement parce que je crains la répétition.» Stiller veut que son vrai monde soit l’imaginaire, il ne veut rien avoir à faire avec «ce Stiller parti sans laisser d’adresse», suivant les mots indéfiniment répétés en un procédé qui annonce Thomas Bernhard. Une grande partie du livre est consacrée aux récits, qu’il invente à partir de petits riens, de ses prétendues aventures extraordinaires au Mexique et aux Etats-Unis avec assassinats afférents. A l’opposé, il nie reconnaître sa femme et ne se retrouve pas dans les propos de son ami le procureur, dont la femme fut pourtant son amante. Son malheur est de n’être à la hauteur ni du réel ni de la fiction. Et, pourtant, tous les personnages de sa vie viennent l’identifier, reconnaître en lui quelque chose d’eux. Comme l’écrit Olivier Mannoni dans sa préface (l’édition contient aussi une postface de Michel Tournier) : «Tous s’abreuvent en Stiller, tous viennent y chercher la substance de leurs rêves […]. Stiller est un meurtrier entouré de vampires, son imaginaire est le sang dont elles se repaissent, ces figures invisibles au miroir du héros.» Tous veulent que Stiller admette être Stiller, mais qu’est-ce que Stiller ?



LINDON Mathieu



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Homo faber

Semi-réflexion sur le hasard et la fatalité, Homo Faber est le récit presque fantastique d’une rencontre qui n’avait qu’une chance sur des milliards de se produire, qui aurait mieux fait de ne pas se produire, mais qui s’est produite quand même, impliquant des personnages qui n’avaient absolument pas conscience du caractère maudit de ce coup de dés.





Max Frisch, avec son détachement habituel qui peut être signe de dérision comme il peut être l’annonce d’une lassitude dépressive, nous raconte le tout comme s’il s’agissait de rien : un accident d’avion, une longue attente dans la solitude sauvage de l’Amérique du sud, un voyage en paquebot, un amour incestueux, une mort envenimée, les retrouvailles d’un amour ancien… Comique sans le vouloir, tragique malgré lui, cet homonyme de Max Frisch qui, dans le livre, se nomme Faber, décrit tout ce qui lui arrive du point de vue de la technique –ne croyant en rien qui puisse le déterminer avant l’heure, il croit toutefois fermement à son identité de technicien :





« Je ne crois pas à la fatalité ni au destin, en tant que technicien j’ai l’habitude de m’en tenir au calcul des probabilités. Pourquoi fatalité ? […] Je ne vois point la nécessité d’une mystique pour admettre l’improbable en tant que phénomène ; les mathématiques me suffisent. »





Et de se justifier, tout au long du roman, du hasard qui a conduit Faber à réaliser ce qui pourrait passer pour une effroyable fatalité. Même s’il ne s’agit que de décrire certaines coïncidences, le ton de Faber est parfois tel que lui-même semble frappé par l’extraordinaire des circonstances. En choisissant un horaire de décollage différent, il n’aurait pas vécu cet accident d’avion, il n’aurait pas connu son voisin de siège, il n’aurait pas eu envie de bifurquer un temps aux Etats-Unis pour retrouver une maîtresse ennuyeuse, il ne l’aurait pas fuie en prenant le paquebot… Sur le paquebot, il aurait très bien pu passer à côté de Sabeth sans lui parler ; après lui avoir parlé, ils auraient très bien pu ne plus se revoir ; si elle n’avait pas été aussi tenace, ils n’auraient pas fait de voyage ensemble, ils auraient pu visiter des contrées différentes, ils auraient pu ne jamais croiser la route du serpent ; enfin, Faber aurait pu ne jamais apprendre la vérité de la relation qu’il noua avec Sabeth.





Faber semble vouloir avant tout convaincre son lecteur de l’inexistence du destin ; quant à lui, on l’image commencer à en douter lorsque les allusions aux mythes anciens se font de plus en plus fréquentes. On retrouve de l’Œdipe inversé, la vengeance des Erinyes et le serpent, révélateur de la vérité qui provoque le mal –piégés dans une boucle à la façon de l’éternel retour appliqué à l’échelle humaine. La démonstration aurait pu être tonitruante, implacable : même cette ressemblance de la fatalité avec d’autres mythes tragiques n’est qu’un hasard –Faber n’en démord pas : tout est hasard, la mort aussi, et elle ne vaut pas la peine qu’on s’y attarde. Mais cette démonstration échoue justement de nous avoir convertis à la thèse : puisque tout est hasard, cette histoire malheureuse ne mérite pas plus d’extase qu’une autre. Le ton du technicien nous en détache, parvenant seulement à nous provoquer lorsque la discordance entre l’environnement et l’état intérieur de Faber transforment ce personnage en Houellebecq-avant-l’heure :





« Ma hantise : cancer de l’estomac.

Sinon, heureux. »





Max Frisch avait destiné son Homo Faber à être le roman qui abolit la fatalité prédéterminée d’une existence –son Homo Faber échappera lui aussi à cette destinée et s’il réussit à nous captiver, c’est davantage par le ton cynique de celui qui en raconte l’histoire que pour l’implacabilité de sa démonstration du hasard.
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Don Juan ou L'Amour de la géométrie

Le mythe de Don Juan intrigue. Comment un homme séduisant, attirant à lui toutes les femelles des alentours et répondant visiblement avec plaisir à leurs avances, peut-il ne sembler jamais satisfait de sa situation, et continuer à volager avec une inconstance presque tenace ? A toutes les réponses audacieuses, psychologisantes ou mythologiques possibles, Max Frisch ajoute son hypothèse techniciste : Don Juan aime la géométrie. Pour peu que l’on se souvienne des paroles son homologue dans Homo Faber (« Je ne crois pas à la fatalité ni au destin, en tant que technicien j’ai l’habitude de m’en tenir au calcul des probabilités. […] les mathématiques me suffisent »), on pourrait à nouveau imaginer que le Don Juan de cette pièce de théâtre a largement été inspiré par la personnalité de Max Frisch lui-même.





Sous la forme d’un vaudeville plus comique que tragique –puisque Don Juan souffre peu, au contraire des femelles de sa cour-, qui utilise les masques et les déguisements comme autant de ruses mathématiques permettant d’échapper aux unions définitives pour mieux se rapprocher de la solution de l’indépendance, Don Juan mettra en scène ce que les autres considèreront comme son mariage afin de se retirer loin de Séville et de pouvoir se livrer à sa seule et plus puissante passion : celle de la géométrie.





Au-delà du rapport pathologique qui lie Don Juan aux femmes, on trouvera une confession joliment déguisée de Max Frisch… N’était-ce pas lui qui se plaignait souvent dans ses romans des contraintes que lui imposaient ses relations ? Qu’il s’agisse d’art ou de technique, l’homme passionné est le même (et c’est peut-être cette évidence qui l’irrite et qui lui fait écrire, dans Homo Faber : « […] il m’agaçait comme tous les artistes qui se croient supérieurs ou inférieurs, simplement parce qu’ils ne savent pas ce qu’est l’électricité »), trop éthéré et détaché des nécessités de la vie réelle pour se préoccuper d’autre chose que de lui-même. Les relations sont une contrainte, lorsqu’il l’idéal de l’esprit est une source de plaisir indéniable qu’il faut malheureusement trop souvent sacrifier au caprice des autres. Mais alors que dans Homo Faber, le personnage se complaisait dans cette situation, Don Juan devra se remettre en question lorsqu’il rencontrera la femme qui, en l’attachant à elle, lui rendra sa liberté et lui permettra de consacrer sa vie à la géométrie, sans n’être plus jamais entravé par les broutilles de ses amourettes.





« Pourquoi ne crois-tu pas en une femme, Juan, une fois seulement ? C’est la seule voie qui mène à ta géométrie. »





Cela semble peu romantique ? En réalité, cela l’est terriblement… pour la science. L’amour relève ici du platonisme mathématique. L’autre amour, plus conventionnel, celui qui se fait reconnaître par le mariage, apparaît seulement comme un moyen permettant à chaque membre du nouveau couple ainsi établi d’atteindre sa propre fin. Max Frisch signe ici la fin d’une liaison réussie, et si elle paraît si troublante, c’est peut-être seulement parce qu’elle abolit toute passion amoureuse. Entre mélancolie et soulagement, cette nouvelle version du mythe de Don Juan laisse songeur…


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Homo faber

Ce roman m'a longtemps questionné. Histoire, dans les années 50 , d'un ingénieur qui parcours le monde pour son travail. Il ne perçoit que l'aspect technique des choses. Comme il le dit lui même, à un moment, chaque chose doit pouvoir se démonter et se remonter. Pas de mystère ! C'est ainsi qu'il voit la vie. Tout doit pouvoir s'expliquer. Même dans ses relations avec les femmes, le sentiment est quelque chose qui doit pouvoir se décortiquer et s'expliquer. La vie doit être rationnelle.

Pourtant, au fil du roman, les choses, sa vie, ses relations, vont peu à peu lui échapper. Jusqu'à l'acte final qu'il ne comprendra qu'après l'avoir commis.

L'auteur, dont c'est le premier et le seul livre que j'ai lu jusqu'à présent, se fait un plaisir d'engluer son personnage dans ses certitudes et ses convictions matérialistes pour mieux le dérouter, le perdre et le confronter à l'inconnu, qu'il ne maîtrise pas. C'est un roman des années 50, où la foi dans le matérialisme était sans limite, et qu'il faut replacer dans ce contexte.

Ça me fait penser à des toiles de Fernand Léger !

Je relirai certainement ce livre dans quelque temps.

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Homo faber

"Homo Faber", de l'écrivain Suisse Max FRISCH (1957 et 1961, chez Gallimard, pour la traduction française) est un curieux livre. A découvrir tant il détonne. En effet, Max FRISCH nous entraîne dans une curieuse réflexion sur l'Homme, l'Homo Faber, qui par définition est un homme capable de construire des outils et, ici dans ce roman, est un homme, ingénieur qui ne croit qu'à la réalité technique, à l'analyse de ce qui est fabriqué, quantifiable, reproductible et basé sur des certitudes scientifiques qui s'expliquent et ne peuvent se contredire, même dans le monde du statistiquement prévisible. A l'opposé, trois personnages féminins, vivant la vie, croyant à l'influence des mythes et au bien-fondé des réactions dites naturelles, non calculées et d'une telle évidence qu'il n'est même plus utile de les commenter ou les prouver. Trois femmes différentes, trois femmes avec lesquelles Walter Faber entretiendra des relations centrées sur lui-même, même dans ses amours. Je ne dévoile rien, ici, de qui sont ces femmes, ne voulant, en aucun cas tuer l'intrigue et le déroulement du récit. Sachez seulement que, pas plus que ses amis qui, pour lui, sont aussi d'une autre planète, l'Homo Faber ne comprendra ces femmes avec lesquelles pourtant il tissera des liens incongrus mais bien réels. Cependant, enfermé en lui-même, il ne comprendra jamais ce qui fonde la vie des femmes et les bases sur lesquelles elles s'appuient pour prendre des décisions qu'il dira comprendre sans jamais vraiment se les expliquer. C'est là un des thèmes principaux de ce roman, l'incompatibilité et l'incompréhension dans la relation homme/femme vécue par l'Homo Faber, incompréhension imprégnée de questions le plus souvent sans réponse et d'attitudes de façade en décalage avec le Moi profond qui est le sien.



On retrouvera aussi, dans ce roman, une mise en évidence de la propension humaine à rater sa vie plutôt qu'à la réussir! Tous les choix sont posés sans réel partage d'idées, de sentiments, tous les choix sont arbitraires, impulsifs et ne poussent qu'à regretter la vie alors vécue et non assumée. Bref, une réflexion sur l'impossibilité d'être, de se sentir heureux!



Le roman échappe cependant à la chape de plomb qu'un tel pessimisme vital pourrait engendrer. Pourquoi? Essentiellement, je crois, par son écriture très particulière, très segmentée, très austère qui pousse le lecteur à ne pas s'identifier au héros du roman. Inconsciemment, le héros lui apparaît comme anti-héros, celui qu'il n'est pas et donc le lecteur peut se sentir celui qui, lui, se montre libre de jouir davantage de la vie et de la réaliser en meilleure harmonie homme/femme que ce 'fabricant' de problèmes existentiels quelque peu désabusé. Ressenti profond ou illusion? C'est la question que nous pose Max FRISCH!



Malgré donc la difficulté de rentrer dans ce récit, tant à cause de l'écriture inhabituelle qu'à cause de l'antipathie que suscite le personnage, ce livre se lit avec intérêt, plus que plaisir. Il nous invite à la réflexion et ne laisse, je pense, personne indifférent! A découvrir, donc!
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L'Homme apparaît au Quaternaire

« (Les romans ne conviennent pas du tout, ces jours-ci, on y parle de gens dans leur rapport à eux-mêmes et aux autres, de pères et de mères et de filles ou de fils et de leurs amours, etc., d’âmes, principalement malheureuses, et de la société, etc., comme si, pour tout cela, le terrain était assuré, la terre une fois pour toutes la terre, la hauteur du niveau de la mer réglée une fois pour toutes.) »





Après une telle observation, Monsieur Max Frisch, il n’est pas question que vous nous écriviez un roman du même acabit. Certes, les romans d’analyse sentimentale peuvent résoudre un problème ou permettre de passer un bon moment, mais lorsqu’il n’y a plus que du sentiment et de l’émotion pâle, la courbe s’inverse, on en vient à détester les sentiments, surtout lorsqu’ils sont bons. M. Geiser n’a pas ce type de problème : il est vieux et il vit seul depuis longtemps, avec le souvenir de sa défunte épouse dont il ne conserve plus qu’un portrait mal réalisé dans le salon. Du salon, le portrait finira bientôt à la cave : M. Geiser a besoin de place sur ses murs pour accrocher ses notes. Puisqu’il n’a plus rien à faire de ses journées, et puisque sa mémoire commence à s’étioler, M. Geiser passe son temps à lire des dictionnaires, des documents scientifiques et la Bible. Tout ce qui lui semble important, il le recopie sur de petites feuilles volantes qu’il épingle à son mur.





« Pour le moment, M. Geiser n’a aucun besoin du nombre d’or, mais savoir tranquillise. »





M. Geiser pourrait aussi bien s’amuser à se promener dans la nature. Après tout, il habite dans la belle campagne suisse, là où il ne se passe rien. Mais la nature elle-même n’est plus coopérante comme avant. Elle est figée, dégradée, aussi vile que l’homme, elle aurait bien besoin de lire les vieux bouquins pour se souvenir de ce qu’elle était dans le passé. Mais peut-être est-ce à cause de ces vieux bouquins qu’on imagine que la nature se montrait plus vaillante dans l’ancien temps ?





« Les figues ne mûrissent pas, mais bien les raisins. Beaucoup de châtaigniers ont le cancer. En automne, les bûcherons sont à l’ouvrage, pendant des jours on entend le crépitement de leur scie électrique, sans voir les hommes dans le bois. »





Et puis, il ne se passe rien non plus quand on se promène et qu’on marche tout seul, « la plupart du temps, on ne pense à rien du tout en marchant ». Et pourtant, complètement inconscient, alors qu’il ne cesse de pleuvoir depuis des semaines, M. Geiser décide un jour d’escalader une montagne, comme dans le bon vieux temps, alors qu’il était encore jeune et vaillant. Il découvre ceci : « La maison que M. Geiser a quittée à l’aube, sa maison, qui se trouve à présent dans une autre vallée, n’appartient presque plus au présent lorsque M. Geiser songe qu’il a habité là pendant quatorze ans ».





Voilà, ni plus ni moins. Fallait-il se donner tout ce mal de vivre pour si peu ? Pour rien ? S’il y a quelque chose à apprendre dans toute cette histoire, c’est que le phénomène scientifique et la connaissance n’ont rien de glorieux. Passé l’âge de force où on peut encore parader de ses quelques petites réussites devant un public compatissant, l’accumulation du savoir permet juste de repousser à plus tard l’extinction définitive des feux.





Ne pleurons pas, Max Frisch n’a pas voulu écrire un roman sentimental. Et c’est génial.
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Questionnaires

Pas la peine de chercher une quatrième de couverture au livre de Max Frisch intitulé « Questionnaires », il n'en a pas. Les infos sur l'auteur, idem, vous n'en trouverez pas. Je me décide donc à rédiger cette contribution afin que vous ne passiez à côté d'un petit livre cocasse, dérangeant, drôle, intelligent, subtil, ironique etc., à côté duquel j'ai bien failli passer ; sauf que le stand de sa maison d'édition française (Cent Pages) a su titiller ma curiosité lors d'une visite au Salon du Livre. Bref, Questionnaires est un livre écrit intégralement sous la forme interrogative, un livre qui questionne ses lecteurs et puis les laisse se dépatouiller avec leurs réponses. Il se divise en 10 chapitres qui abordent chacun un sujet différent (le couple, l'argent, l'humour etc) et qui fait l'objet de 25 questions. Un exemple ? Sur le couple, question n° 7 : « Comment expliquez-vous que vous cherchiez la faute chez vous-même ou chez votre partenaire quand vous songez à la séparation ? » ou encore (n° 5) « Quels problèmes résout un bon mariage ? ». Sur l'argent, question n° 15 « Avez-vous peur des pauvres ? » puis question n° 16 « Pourquoi pas ? ». Le dixième et dernier chapitre est consacré à la mort et on y retrouve le ton doux-amer qui caractérise l'ensemble de l'ouvrage, comme au travers de cette question n° 20 « Quand la respiration s'arrête et que le médecin le confirme : êtes-vous certain qu'à cet instant on n'a plus de rêves ? ». De façon détournée, je dirais que Max Frisch est un moraliste, non pas de ceux qui vous donnent des conseils ou vous enjoignent à suivre leurs préceptes mais de ceux qui vous poussent à les chercher en vous-mêmes et si possible en « conscience ». La nature et la condition humaines sous forme de questions et uniquement de questions et un miroir tendu au lecteur en forme de point d'interrogation, voilà le sujet de cet étonnant petit livre. J'ajoute en guise de conclusion que les soins apportés à la présentation de cet ouvrage, en font un objet de collection. Une raison supplémentaire de le découvrir !
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Homo faber

Semi-réflexion sur le hasard et la fatalité, Homo Faber est le récit presque fantastique d’une rencontre qui n’avait qu’une chance sur des milliards de se produire, qui aurait mieux fait de ne pas se produire, mais qui s’est produite quand même, impliquant des personnages qui n’avaient absolument pas conscience du caractère maudit de ce coup de dés.

Max Frisch, avec son détachement habituel qui peut être signe de dérision comme il peut être l’annonce d’une lassitude dépressive, nous raconte le tout comme s’il s’agissait de rien : un accident d’avion, une longue attente dans la solitude sauvage de l’Amérique du sud, un voyage en paquebot, un amour incestueux, une mort envenimée, les retrouvailles d’un amour ancien… Comique sans le vouloir, tragique malgré lui, cet homonyme de Max Frisch qui, dans le livre, se nomme Faber, décrit tout ce qui lui arrive du point de vue de la technique –ne croyant en rien qui puisse le déterminer avant l’heure, il croit toutefois fermement à son identité de technicien :



« Je ne crois pas à la fatalité ni au destin, en tant que technicien j’ai l’habitude de m’en tenir au calcul des probabilités. Pourquoi fatalité ? […] Je ne vois point la nécessité d’une mystique pour admettre l’improbable en tant que phénomène ; les mathématiques me suffisent. »

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Biographie : un jeu

Quand la vie ne se déroule pas comme on le souhaite on a envie de revenir en arrière pour changer son déroulement. C'est ce qui arrive au professeur Kürmann qui tente d'éviter son mariage en rejouant la scène de sa rencontre avec sa femme Antoinette, et cela par le truchement d'un meneur de jeu. On se rend vite compte qu'il n'y arrive pas étant trop amoureux.

Le parti pris de Max Frisch est de considérer la vie comme non définitive avec une possibilité de la réécrire. "Biographie : un jeu" est une pièce de théâtre qui porte bien son nom et a d'ailleurs un double sens. C'est une mise en abyme d'un passé qui est rejoué par le professeur, spécialiste du comportement, qui espère un autre avenir. Parce que ce qui est au cœur de cette comédie, c'est l'histoire d'un couple avec ses joies et aussi ses tromperies.

Ce texte écrit de 1984 dont la première version date de 1967 n'a pas beaucoup vieilli et j'ai eu la chance de le voir jouer au Théâtre du Rond-Point à Paris avec dans les rôles principaux José Garcia et Isabelle Carré, dans une mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia.

Et "si c'était à refaire", est-ce que l'on ferait les mêmes choix ? Peut-on croire au destin ? Voilà les questions que nous posent le dramaturge suisse que je découvre et dont j'aime bien l'esprit et l'imaginaire.





Challenge Cœur d'artichaut 2022

Challenge Riquiqui 2022

Challenge XXème siècle 2022

Challenge Multi-défis 2022

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Le désert des miroirs

La vie est tapissée de miroirs. Au centre se tiennent les humains. Ils ne remarquent rien, ou font semblant. Telle est la vie que l’on se raconte et qu’on se laisse raconter par ceux qui nous observent mais qui n’en savent pas plus. La preuve ? un homme peut se faire passer pour un aveugle pendant des années sans que ni sa femme, ni ses enfants, ni ses amis ne remarquent la supercherie, malgré toute la mauvaise volonté du comédien à jouer ce rôle.





Et d’ailleurs, pourquoi cet homme en particulier a-t-il voulu se faire passer pour un aveugle ? Il se dirigeait à son rendez-vous galant lorsque cette idée lui traversa l’esprit. Par la force des choses, le flirt s’intensifia, et l’erreur s’approfondit. Il fallut continuer de jouer à l’aveugle.





D’ailleurs, pourquoi n’être qu’un personnage et pas tous les autres ? Lila la femme s’adapte très bien, elle-même figure adaptable qui se plie aux besoins mouvants de l’écrivain. Choisir est une mutilation. Le roman devient laboratoire d’expérimentation à visée existentielle.





Si les premières dizaines de pages sont hermétiques et peu agréables à lire, on finit par se plier aux règles du jeu et par apprécier l’acuité aigue de Max Frisch dans sa vision des relations sociales, et de l’enfermement mutuel de chacun dans la coquille désertée de son être.

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L'Homme apparaît au Quaternaire

Difficile de trouver Max Frisch dans une librairie en France. Il faut donc de si peu pour tomber dans l'oubli. Je l'avais certes lu en allemand, mais c'est le livre qui de toute ma vie m'a le plus marqué de par le procédé. Le fait de faire avancer le lecteur en même temps que le personnage, le lecteur devient cet homme dans la montagne. Il extrait des articles de sujet qu'il recherche dans un dictionnaire: comme nous le faisons aujourd'hui avec Google. C'est un chef d'oeuvre qu'on a tort de mettre aux oubliettes. Ou la traduction française serait-elle mauvaise ?
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Biographie : un jeu

Je viens de sortir de la pièce Théâtre du Rond Point et c'est donc plus une critique de théâtre que d'une pièce écrite que je fais là.

J'ai adoré la mise en scène avec ses décors en mouvements. J'ai adoré le jeu des comédiens et j'ai été touché par le texte.

Ce couple qui se tire vers le moins bien d'eux même malgré l'amour qu'ils partagent. Cette idée du temps qui passe très vite tandis que notre rythme de croissance est beaucoup plus lent.

Je n'ai pas de regrets et le choix de faire les choses différemment ne m'attire pas. Et pourtant les questions existentielles posés par les personnages m'ont émue et ont trouvé un écho en moi.
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Livret de service

Le désert des Tartares chez les Helvètes.



Pendant 650 jours, Max Frisch, alors étudiant en architecture à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich, est mobilisé dans l'armée suisse comme canonnier. Pendant 5 ans, les soldats suisses, pris en tenailles entre l'armée de Hitler et celle de Mussolini, vivront dans l'attente d'une possible attaque de la Wehrmacht. Alors qu'un vif débat oppose, en Suisse dans les années 70, les défenseurs du service militaire et les adeptes d'un service civil, l'auteur reprend son journal de guerre et livre un portrait sans concession de la société suisse, du rôle de l'armée durant cette période, tout en remettant à leur place ceux qui considèrent avec un brin de condescendance la neutralité suisse et voient dans cette armée un élément de folklore.

Certes, l'armée suisse était équipée d'un matériel vétuste et n'avait pas les moyens de stopper la Wehrmacht, sauf en se repliant sur l'arc alpin et en utilisant les avantages du terrain. Les soldats ont multiplié les exercices sans jamais vivre l'épreuve du feu. Mais derrière la figure paternelle de leur général Gruisan, ils ont néanmoins fait face, sans céder à la panique lorsque l'armée allemande se lança à l'assaut de la France.

Ce livre est un portrait critique de la Suisse, où l'on découvre une société hostile aux extrêmes, le nazisme comme le communisme, qui ne se mobilise pas contre un dictateur mais contre un voisin dangereux ; un pays qui ne fut pas, contrairement à la doxa, une terre d'asile pendant la guerre (Frisch ne dénombre que 9600 réfugiés après trois ans de guerre, p.89) ; une armée qui partage les mêmes travers que les autres ; dans une page admirable, Frisch distingue l'obéissance de la discipline : la première est servile, la seconde n'exclut pas une fidélité à sa conscience.

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Stiller

Un homme pourvu d'un passeport américain au nom de White est appréhendé dans un train suisse. Un autre voyageur aurait reconnu en lui Stiller, un sculpteur disparu sans laisser d'adresse plusieurs années auparavant, laissant famille et amis sans aucune nouvelle. L'homme est incarcéré et se défend énergiquement d'être ce Stiller. Mais personne, pas même son avocat n'accorde foi à ses dénis, on lui fait rencontrer toutes les personnes qui ont comptées dans la vie de Stiller pour le confondre, tous reconnaissent en lui le disparu.



Etrange roman sur l'identité, sur les contraintes qu'une société exerce sur les individus, la façon dont elle les façonne. Max Frisch n'est guère tendre pour ses compatriotes dans ce roman, la Suisse y apparaît comme un endroit étouffant, qui se glorifie de sa liberté alors que ce n'est qu'une façade. Le personnage principal est rendu de manière poignante, et même si on arrive pas à comprendre toutes ses motivations, le livre tient en haleine, et devient de plus en plus touchant au fur et à mesure que l'étau se resserre auprès du narrateur. L'ironie et le second degré sont présents en permanence et l'émotion toujours contenue même si très présente.



Un livre vraiment original, avec un ton et une écriture hors du commun.

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Esquisses pour un troisième journal

Drôle d’idée de découvrir l’œuvre d’un auteur par le texte qui l’acheva. Commencées dans les années 1980 et achevées de force en 1991 par la mort de Max Frisch, les Esquisses pour un troisième journal n’étaient pas prêtes à être publiées car leur auteur n’en avait pas encore terminé la correction.





Première nouvelle : depuis quand apporte-t-on des corrections à un journal ? Depuis que celui-ci est devenu exercice littéraire à part entière, égalisant en précision et en intentionnalité le roman, la nouvelle, le poème ou la pièce de théâtre. D’autres l’avaient déjà fait avant Max Frisch –je pense à Cesare Pavese et à son Métier de vivre- et la pratique suit le mouvement d’une tradition que Peter von Matt explique dans sa postface :





« Par le terme de « Journal », Max Frisch désigne depuis les années 1940 une forme littéraire qui se distingue fondamentalement de ce que l’on entend généralement par là. Il s’agit d’une composition rigoureusement structurée, de textes de réflexion et de narration, dont les liens tissent un réseau de thèmes et de motifs récurrents. Un « Journal », au sens où l’entend cet auteur, n’est donc pas la somme des notes quotidiennes que l’on prend en plus de son travail d’écrivain, mais un résultat de la volonté artistique au sens le plus strict. »





Ce n’est donc pas pour la spontanéité que l’on lira ces Esquisses pour un troisième journal. Relues et partiellement corrigées, les idées que Max Frisch annota tout au long de ses dernières années sont condensées et prennent la forme d’aphorismes au ton cinglant. Chaque nouvelle entrée est digne d’un micro-thriller mobilisant le strict minimum de personnages : Max Frisch lui-même, son ami Peter Noll condamné à mourir du cancer, son avant-dernière compagne Alice, sa cadette d’un demi-siècle, et la civilisation américaine. Max Frisch pourrait presque louvoyer de pair avec les aphorismes d’Emil Cioran pour la similitude de leur ironie ; tous deux portent sur le monde un même regard chargé d’absurdité. Pour mieux nous faire prendre conscience des ablations subies par les pages de ce journal, le dossier situé à la fin de cette édition nous en livre les originaux, plume en main. Le travail de concision de Max Frisch traduit la volonté d’en écrire le moins possible pour en suggérer le plus :





« Un buisson jaune comme un feu d’artifice. Un magnolia en fleur. Mais sur les montagnes, de l’autre côté, la neige est toujours là. Le bleu, par-dessus, comme le bleu au-dessus de la Méditerranée. Les forêts ne sont pas encore vertes, mais gris-brun, comme le pelage d’un lièvre, on aimerait caresser un jour tout le coteau.

(Hier de nouveau picolé.) »





Certaines pages finissent par n’être composées plus que de quelques phrases aussi tranchantes qu’un slogan publicitaire –Max Frisch n’hésite pas à interpeller le subliminal de son lecteur.





« THANATOS ET EROS

En Amérique cela se dit :

CASUAL SEX. »





Par ailleurs, et on aura l’occasion de le remarquer très rapidement, Max Frisch est engagé ouvertement dans une bataille politique qu’il livre contre les Etats-Unis, et notamment contre l’hégémonie qu’elle tient à assurer face à un monde encore disloqué en deux blocs distincts. A travers le regard de Max Frisch, les Etats-Unis deviennent la figure symbolique de l’assurance stupide, de la confiance en soi prétentieuse et de la ruine de tout esprit d’ouverture aux autres et de réflexion.





Ces passages d’une grande virulence et de portée internationale alternent et contrastent avec des brèves de vie anodines. C’est à ce moment-là qu’on se rappelle qu’elles ont pourtant été délibérément placées par Max Frisch et que, contrairement aux apparences, elles ne sont pas si dérisoires qu’elles n’y paraissent. L’écrivain y parle de ses appartements, de son projet de maison idéale, de ses sacs poubelles et de son ennui. La dualité d’un homme s’exprime à travers cette juxtaposition de considérations. Une face : l’acharnement à se battre contre un monde bâti de guingois ; l’autre face : la fatigue de se détruire pour sauver les dernières ruine d’un monde qui ne mérite en fait aucun sacrifice personnel. Il faut beaucoup d’autodérision pour reconnaître cette contradiction fondamentale et Max Frisch n’en manque pas. A cet égard, il nous rappelle encore une fois l’ironie d’Emil Cioran (cruelle et joyeuse) ou celle de Cesare Pavese (rageuse et désespérée). Tout combat semble perdu d’avance –et peut-être plus encore parce que ces b]Esquisses[/b] marquent l’entrée de l’écrivain dans la période de la vieillesse. L’absurdité vient se mêler à la révélation de la mascarade sociale ainsi que de l’ennui pour asséner une douche froide à la réalité.





« Comment passer toute une soirée (THANKSGIVING) sans une discussion, sans même une tentative allant dans ce sens ? L’hôte, professeur de droit commercial, s’assoit au piano et joue, une fois la dinde consommée et le dessert savouré : des airs de comédies musicales que chacun connaît ici, et ceux qui ne sont pas trop vieux passent deux heures debout autour du piano à chanter à tue-tête. Il y a du vin, du whisky aussi, du feu dans la cheminée. A quoi bon une quelconque conservation ? Ce qu’il y a à dire entre humains a déjà été dit, le premier drink à la main. »





Drôle d’idée donc, de découvrir l’œuvre d’un auteur par son dernier texte. Et pourtant, idée judicieuse, tombant à point nommé pour tous ceux désirant découvrir l’esprit véritable d’un homme –la fulgurance de la vision qui l’étreint lorsqu’il commence à sentir que son tour est bientôt venu de passer l’arme à gauche. Esquisses pour un troisième journal me semble être une excellente introduction à l’œuvre de Max Frisch dans le sens où, représentant l’évolution ultime du parcours d’un homme, elle donne l’impression de pouvoir mieux comprendre les étapes antérieures de son existence –que l’on ramènera symboliquement à chacun de ses autres textes.
Lien : http://colimasson.over-blog...
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Montauk

Écrit sous forme de journal, ce récit autobiographique se déroule au fil de la pensée et des souvenirs. Les femmes, les aventures heureuses et malheureuses, les années d’études et de guerre, l’écriture et la reconnaissance. Une évocation distanciée, peu émotive et qui, malgré l’élégance de la langue, conduit à un certain ennui.
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Montauk

Entre journal et œuvre de fiction, difficile de dire de quoi il s’agit au juste. Le personnage de ce récit à la première personne s’appelle Max, est écrivain, et vient passer un certain temps aux USA pour des conférences, la promotion de ses écrits. Et passe quelques jours à la fin de son séjour avec une jeune femme, qu’il a rencontré dans le cadre professionnel. Et ce (ou ces ) voyage sont une façon de se souvenir, de creuser autour de choses vécues, finies. Max va avoir 63 ans, et sa vie est plus proche de sa fin que de ses débuts. On ne peux pas vraiment parler d’un bilan, plutôt de souvenirs obsédants, de choses qu’il découvre finie, révolues, alors qu’elle vivent d’une certaine façon en lui. Donc c’est un des thèmes, cette façon d’avoir vivant en soi quelque chose de mort, qui est peut être aussi réel que le monde tangible du jour même, ou peut être que ce dernier n’a pas plus de réalité que ce qui fut un jour.



C’est très narcissique, parce que toutes ces personnes qui ont fait ou qui font partie du voyage, n’existent qu’en fonction du narrateur, on ne les saisit pas vraiment autrement que dans le regard de Max. Mais c’est quelque part la règle du jeu. Et la difficulté d’avoir une vraie intimité avec l’autre fait aussi partie des thèmes du livre.



C’est une œuvre très personnelle, entre intimité et distance. Max Frisch a une façon de mettre à distance ce qu’il évoque, qui fait que cela ne donne pas la sensation d’être en train de lire un journal, un compte rendu d’événements vécus, l’évocation de personnes réelles. Il y a dans l’écriture comme une mise en perspective, qui décale, donne un autre sens.

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Homo faber

Même après une seconde lecture, je maintiens mon avis plutôt négatif : c'est vraiment un revers, contrairement au phénoménal 'Stiller'. Le thème que Frisch présente est assez fascinant : Walter Faber, un technicien-ingénieur hyper-rationaliste se heurte à la vie réelle, en est secoué et commence à regarder le monde complètement différemment. Mais la façon dont cette histoire est présentée par Frisch est si improbable et artificielle : un homme de 50 ans tombe amoureux d'une jeune fille rousse de 23 ans, qui s'avère plus tard être sa fille, puis meurt peu après d'une morsure de vipère. De plus, le style est très rudimentaire, en phrases courtes, pétulantes et sans émotion (délibérément peut-être, en tant que représentation du personnage principal), donnant à la prose une nuance ennuyeuse. Frisch propose également des pièces aux allures d'essai avec, entre autres, un tollé très violent contre l'américanisation du monde, qui relève pour lui d'un matérialisme aveugle et superficiel. Ce roman m'a semblé rappeler Graham Greene, à cause du dilemme moral et de l'intrigue quelque peu artificielle. Je suppose que Greene et Frisch étaient très pertinents dans les années 1950, mais le style et le contenu sont devenus obsolètes maintenant.
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Homo faber

Le narrateur, Walter Faber, est un ingénieur de 50 ans qui parcourt le globe au service de l’Unesco. De nature solitaire, il pose un regard pragmatique et assez cynique sur le monde en général et sur les relations de couple en particulier. En quelques mois, une suite de péripéties, du Mexique à la Grèce en passant par une traversée de l’Atlantique en bateau, et de rencontres fortuites aux conséquences déterminantes va chambouler sa vie bien rangée.



J’ai trouvé ce roman réjouissant par l’histoire et par le ton et le protagoniste a fini par m’émouvoir. J'adore en fiction les tons détachés et ironiques, que d'autres peuvent percevoir comme de la froideur.

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