Les enfants, c’était merveilleux, le plus beau miracle qui fût. Mais ils chambardaient aussi le couple, le mettaient à l’épreuve, lui rappelaient que l’amour avait beau être fort, il n’était pas à l’abri des intempéries du quotidien. D’avoir des enfants ne gardait pas un couple amoureux, et ne l’aidait pas à l’être davantage. Il fallait, au contraire, mettre à l’horaire des moments à deux pour préserver les amoureux qui avaient précédé les parents
Gabriel était concepteur de jeux vidéo. Depuis qu’il était tout jeune, ces jeux l’avaient toujours impressionné. Pas seulement les graphiques extraordinaires, mais le scénario qui menait à l’aboutissement, au but du jeu en soi. C’était comme vivre une histoire et on avait le choix de tant de possibilités! Il avait donc fait des études, puis travaillé pour une grosse boîte avant d’ouvrir son propre commerce, à trente ans. Il avait toujours la tête pleine d’idées, il avait une imagination novatrice et avant-gardiste.
Elle dansait et son corps ondulait au rythme de la musique. On ne pouvait détacher les yeux d’une telle beauté. On avait envie de la serrer dans ses bras et de la couvrir de baisers. En même temps, on désirait la laisser danser et danser encore, tant elle avait l’air heureuse. C’était comme si son bonheur et sa vie dépendaient entièrement de la mélodie. Elle était plongée dans une bulle imaginaire, et elle semblait inconsciente de ce qui se passait autour d’elle. Elle ne regardait personne.
Quarante ans, elle! Anabelle en grinçait des dents. Il n’y avait pas si longtemps, elle trouvait que c’était tellement vieux! Était-elle déjà presque rendue là? Mais où étaient passées les années? Les siennes? Même si on lui donnait souvent moins de trente ans, cela ne la consolait pas vraiment. De paraître dix ans de moins ne soustrait rien à son âge.
Il avait parlé de beauté, de santé et d’ange, mais pas d’amour. Une seconde il te fait une caresse, l’instant d’après il te poignarde! pensa Alice, insultée. Le reste de la soirée se déroula dans un brouillard. Elle venait de comprendre que rien n’allait jamais changer. Mieux valait tard que jamais. Ils étaient ensemble depuis un an et tout se répétait inlassablement. Il y avait tout de même des limites à ne pas franchir!
Comment faire pour tout laisser tomber, quand on est avant tout la mère de deux anges souriants, dont le bonheur dépend de ses choix? Comment remettre son destin en question lorsqu’on a dit oui pour la vie à un homme qui éclipse tous les autres et avec qui on a vécu tant de beaux moments, partagé tant de rêves? Comment se séparer d’un être qui a compté plus que tout?
Anabelle avait réalisé à quel point une femme ignorait l’indescriptible sentiment d’être maman avant qu’on dépose son enfant sur son sein, qu’on le glisse sur sa peau. On avait beau avoir des neveux et nièces, cela ne pouvait se comparer. On pouvait avoir lu tous les livres sur la maternité, la force de cet amour ne pouvait pas s’exprimer par des mots.
Il doit bien y avoir une explication à ce qui arrive. Il s’en est passé, des trucs bizarres, en peu de jours. On dirait que j’ai manqué un acte au théâtre et que je n’arrive plus à suivre l’intrigue de la pièce. Je voudrais bien me lever et partir de cette salle, mais je suis prisonnière de mon siège…
Les deux sœurs évoquent les mêmes princes charmants; l’une rêve de danse, l’autre de livres. Elles sont si différentes et si semblables tout à la fois! Depuis toujours, elles sont proches. Même l’adolescence n’a pas d’emprise sur leur complicité.
Elle avait la détestable impression d’avoir demandé ce qui aurait dû aller de soi, des paroles qui auraient eu plus de poids si elles étaient venues spontanément. De mendier la tendresse ne l’entretient pas, ne cultive pas la passion.