Les deux architectes qui ont dessiné les plans du Kremlin ont eu les yeux crevés par Ivan le Terrible qui voulait s’assurer qu’un bâtiment d’une telle beauté ne serait jamais reproduit ailleurs. Cette anecdote, Alexandre Canuel l’a racontée plus de cent fois, à des gens qui n'avaient pas vraiment envie de l’écouter. Grand connaisseur d’architecture slave et amateur invétéré de vodka de patates, Alexandre Canuel était seul, avec pour seule amie sa bouteille en verre givré sur laquelle on trouvait une image miniature du Kremlin.
Le bonheur est un choix, un état qui se construit avec le temps. Parfois, le hasard demande qu'on s'y consacre avec plus d'ardeur, parce qu'il faut lutter avec rigueur contre des instincts qui portent vers la destruction. Il est plus facile de devenir toxicomane que de courir un marathon.
Dans la langue inuit, le mot perlerorneq signifie "le poids de la vie". Il désigne une dépression profonde engendrée par la noirceur de l'hiver. [...] Les anthropologues qui avaient étudié la question disaient qu'il n'y avait pas un été assez long pour effacer les effets de l'hiver et le manque d'activités extérieures. L'absence d'ensoleillement, les grands froids des mois précédents, et tous ces bouleversements commençaient à me gruger de l'intérieur.
Je croyais pouvoir décoller vers Iqaluit le matin même, mais une giboulée, accompagnée d'une tornade de neige, s'est abattue sur le camp, retardant mon départ. Il me fallait attendre. La patience est une arme indispensable sur l'île de Baffin. Aucun déplacement n'est simple. Les conditions météorologiques, non les hommes, gouvernent ce pays.
Des cargos, des avions et des civilisations entières disparaissent régulièrement dans l'Arctique, ne laissant que des murmures et des questions irrésolues dans la blancheur laiteuse du paysage. Au moins, on savait que Rosaire n'avait pas été avalé par une baleine à bosse et qu'il n'était pas passé au travers de la glace, hypothèses souvent évoquées pour expliquer la disparition des explorateurs polaires. Résoudre un meutre dans cette communauté qui vivait en vase clos allait se révéler plus difficile que prévu, même s'il était presque impossible de s'échapper de l'île de Baffin. La route la plus longue ne fait que soixante-dix kilomètres et s'arrête en face d'un énorme glacier de soixante-cinq mètres de hauteur.
Pour survivre dans l'Arctique, il faut savoir conter des histoires épatantes. Notre seul capital, ce sont les légendes habilement échafaudées.
"Une POLYNIE est un trou éternel dans la glace. Une source de vie et de nourriture inespérée dans l'hiver polaire. L'ouverture est entretenue par les vents et les courants, mais aussi par les baleines, qui doivent reminter à la surface toutes les vingt minutes pour respirer.Elles empêchent la glace de se refermer".
Ils avancaient vers moi, revêtus de manteaux blancs Canada Goose.[...]Dans leurs manteaux gonflés de plumes d'oie, ils n'arrivaient pas à garder leurs bras le long de leurs corps et ressemblaient à deux Câlinours qui venaient m'apporter leurs condoléances inutiles.
C'est très connu, ceux qui n'avouent pas avoir de petits secrets honteux sont ceux qui portent en eux les histoires les plus sordides. Les tragédies les plus avilissantes arrivent dans les plus belles demeures.
[...] pour un Européen, l'élément le plus important est l'origine. Si un saint-émilion est bon c'est parce qu'il provient d'une région riche. Le terroir crée une réaction presque limbique. En Europe, il faut savoir d'où l'on vient et où l'on se situe dans la hiérarchie. Dans notre Nouveau Monde égalitaire, nos origines sont moins importantes. C'est ce que tu es aujourd'hui qui te donne de la valeur. On vit dans une méritocratie.