Citations de Michel David (127)
- Vous avez pas peur qu'il mouille, m'man ? s'inquiéta Corinne. Il me semble que le temps commence à devenir pas mal gris.
- S'il mouille, on rentrera en dedans, fit sa mère, philosophe.
- Torrieu, en v'là un aria pour rien ! se plaignit Napoléon.
- Une vraie face de bois, comme son mari, reconnut sa mère. Je pense que ces gens-là doivent avoir peur que le visage leur craque s'ils sourient .
Sa fille se leva et se précipita vers la fenêtre pour examiner le ciel. Il était gris.
- Maudite affaire ! dit-elle entre ses dents. Dis-moi pas qu’il va mouiller le jour de mes noces.
C’est un vrai suppositoire d’autobus, ta bébelle japonaise.
En plus, c’est surtout fait pour gagner du temps. Mais qu’est-ce qu’ils font avec tout ce temps-là, les américains ? Ils arrivent à Noël en même temps que nous autres.
Tu deviens aussi fouine que tes sœurs qui passent leur temps à manger les fenêtres quand quelqu’un passe sur le chemin.
La neige qui tombait depuis le milieu de la nuit donnait un aspect feutré aux funérailles d’Annette Brûlé, comme si elle avait décidé de quitter son monde sur la pointe des pieds, sans vouloir déranger.
-- Aimeriez-vous mieux que je fume la pipe ou que je chique, m’man ?
-- Non, j’aimerais mieux que tu fumes pas pantoute, avait rétorqué sa mère du tac au tac. C’est mal vu une femme qui fume, et tu le sais.
-- Je fais ça juste dans la maison et il y a personne qui me voit, m’man, s’était défendue la jeune femme. Ça me calme les nerfs, maudit verrat ! Quand le petit sera au monde, je vais arrêter.
Il n’en restait pas moins qu’Annette avait sévèrement blâmé son genre pour sa mollesse, et pas seulement en ce qui concernait cette nouvelle mauvaise habitude de sa fille. À ses yeux, il n’était pas normal que cette dernière parvienne à toujours imposer ses quatre volontés dans son jeune ménage.
L’été 1940 ne fut pas uniquement marqué par de grandes chaleurs. La conscription des célibataires, décidée par le gouvernement de Mackenzie King, poussa des centaines de jeunes à se marier pour y échapper.
Malgré son désir de devenir madame Morin, Laurette vivait pleinement les derniers jours de sa vie de jeune fille. Avec un pincement au cœur, elle voyait s’écouler ses derniers moments sous le toit paternel. Elle avait beau savoir qu’elle allait s’installer tout près, elle sentait que rien ne serait plus jamais pareil.
Quand les premiers signes du printemps 1931 arrivèrent, beaucoup de gens poussèrent un soupir de soulagement en espérant que le retour des jours chauds rendrait leur misère moins pénible.
Non seulement je peux annuler ton vote, mon Clément, mais Françoise et moi on peut annuler deux votes. Qu'est que t'en dis?
- J'en dis que Godbout a été un maudit bel innocent en vous donnant le droit de vote en 1940. Il aurait dû savoir que les femmes comprendraient rien à la politique. Tu sauras qu'on vote pas pour annuler un vote!
- Si tu ajoutes un mot de plus, je te jure que je vote bleu, Clément Tremblay.
Laurette n'avait pas encore ouvert la bouche. Appuyée contre le comptoir, elle regardait sa mère, dont le visage pâle et les cernes disaient assez l'épuisement. Elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une immense admiration pour cette femme énergique qui savait déjà surmonter sa douleur pour réapprendre à vivre sans son vieux compagnon.
Lorsqu'ils se présentèrent devant la porte de la chambre où reposait Honoré, tous les trois s'arrêtèrent un bref moment, comme pour puiser en eux l'énergie nécessaire pour faire face à l'incontournable. Armand poussa la porte. Il ne retrouva que Marie-Ange aux côtés de la dépouille de son père.
Bonyeu, on prend des remèdes quand on est malade, pas quand on est en santé ! s'emporta Laurette, en répétant sans s'en rendre compte ce qu'avaient dit ses aînés. En tout cas, je t'avertis, Gérard Morin, si c'est pour faire un drame chaque fois que je dois leur faire prendre ça, c'est toi qui vas leur faire avaler leur cuillerée. C'est pas écrit sur la bouteille que ça doit être pris le matin, cette affaire-là. Ça peut être le soir. Je suis tannée d'être la seule à m'obstiner avec eux pour leur faire faire des choses qu'ils aiment pas.
Lorsque la voiture s'éloigna en direction de la rue Fullum, Laurette poussa un soupir d'exaspération. Il n'y avait pas à dire, elle ne s'entendrait jamais avec sa belle-mère. Les deux femmes étaient comme chien et chat chaque fois qu'elles étaient en présence l'une de l'autre. Elle avait beau se raisonner avant chacune de ses visites, Laurette finissait toujours par exploser, incapable de tolérer les remarques désobligeantes de Lucille qui, chaque fois clamait qu'elle n'avait aucune intention de blesser sa bru.
Immédiatement, la mère de famille éprouva un intense sentiment de fierté. A trente et un ans, elle avait mis au monde cinq enfants en parfaite santé dont deux fréquentaient maintenant l'école. Bien sûr, elle avait souvent du mal à boucler son budget et l'argent était rare, mais tous mangeaient à leur faim. Elle se rendit compte que sa vie était enviée par d'autres et cela la réconforta.
Durant la belle saison, on ressentit un peu plus durement le rationnement imposé par le gouvernement, particulièrement celui du sucre et des tissus, mais l'ensemble de la population n'osait pas trop se plaindre, surtout après avoir appris la boucherie de soldats canadiens qui avait eu lieu au mois d'août, sur les plages de Dieppe.
Brusquement, poussée par une sorte de pressentiment, elle tourna la tête vers la rue Fullum, juste au moment où Gérard tournait le coin en compagnie d'une jeune femme. Épaule contre épaule, ils semblaient plongés dans une discussion si intéressante que rien autour ne paraissait en mesure de les déranger. Ils avançaient lentement, sans se presser. A la vue de son mari tout souriant et charmeur, le sang de Laurette ne fit qu'un tour. Le couple se dirigeait vers elle, mais pas une seule fois Gérard ne lui adressa un regard.
Lorsque l'enfant revint à la maison ce midi-là, il n'eut qu'un seul commentaire :
— J'aime pas ça, l'école. C'est plate.
— Eh ben, mon petit gars, t'es mieux de t'habituer parce que je te garantis que t'en as pour un bon bout de temps à y aller, lui dit sa mère. Tu viens juste de commencer ajouta-t-elle pour le rassurer, tu vas finir par aimer ça.