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Citations de Milena Jesenska (27)


Celui qui s’en va quelque part avec une valise risque d’en revenir avec deux. Etrange faculté d’accumulation de l’être humain, étrange aussi sa façon de distinguer entre ce qui est ou non important. Un beau jour, ces jarretelles vertes toutes déchirées m’ont semblé importantes et je les ai rangées. Et, à côté d’elles, une rose artificielle, abîmée par la pluie, un vieux poudrier, une lettre au contenu éculé, un flacon de parfum – cadeau dont je ne voulais pas – et un tas d’autres babioles et colifichets. J’ai honte de ma futilité de naguère et je ne sais s’il convient de la respecter ou de trancher une fois pour toutes et de n’emporter que l’essentiel. En fin de compte, je pars avec l’essentiel, mais, au bout de quinze jours, j’ai déjà accumulé tout un nouveau bric-à-brac.
(p.160) – « Déménager »
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Un livre que vous avez adoré, en votre jeune âge, une musique qui vous a fait pleurer, une rue que vous aimiez, un sentier dans la montagne, une clairière au-dessus d’un pré, tout cela fait partie de vous-même, c’est un fragment que personne ne pourra vous voler et dont le souvenir conserve toute la magie.
(p.99) – « Jeunesse »
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Dans les petits cafés de Prague, on voit passer un marchand de journaux que j’adore : c’est un ancien laquais de grande maison qui porte encore son pantalon de livrée, une veste à boutons dorés et des favoris gris. Il vend les journaux du soir. Avec des manières de laquais, pleines de mélancolie, un personnage de Tchekhov. Son visage dit : est-ce vraiment la peine de vivre ? Un pauvre reliquat, une pauvre victime de l’ancienne culture. D’un pas traînant, il traverse la salle, va d’une table à l’autre. Ce n’est pas seulement pour lui qu’on éprouve de la pitié, mais pour le portail abandonné de quelques vieux palais. L’ancien temps hante le nouveau, ombre éclairée d’une impitoyable lumière ;
(p.57) – « La misère fait sa réclame »
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Pour le malade cloué au lit, les rues, les villes, les prés deviennent objets d’un douloureux désir qu’il a honte d’avouer aux bien-portants. Cette boulangerie devant laquelle le malade passait tous les jours lui apparaît comme un paradis perdu. Ce ne sont pas seulement les bien-portants qui abandonnent le malade, mais le malade qui abandonne et le monde et les bien-portants. Son seul bien, c’est sa fenêtre qui ouvre une brèche sur l’horizon rétréci. Les nuages qui défilent devant cette découpe rectangulaire changent, se dissipent, s’assombrissent, se colorent. Et peut-être, à travers la fenêtre, un de ces nuages rapportera-t-il à son cœur l’envie de vivre.
(p.76-77) – « Les fenêtres »
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La compassion est une belle chose, mais rares sont les êtres capables de trouver la manière de les exprimer. Les paroles, bonnes ou mauvaises, soulignent le fait qu’il s’est passé quelque chose. La seule compassion acceptable est de faire sentir à l’homme qui a péché que rien n’a changé dans notre attitude à son égard. Si, deux jours après son délit ou après qu’il eut purgé sa peine, il constate un changement dans la façon dont ses amis le saluent, une froideur marquée lui est aussi pénible qu’un excès de cordialité. Mais si notre homme rencontre quelqu’un qui le salue exactement comme avant sa condamnation, il se sentira immédiatement en confiance.
(p.51) – L’affaire Georg Kaiser
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Il me semble que la vraie valeur de la vie n’existe que là où on trouve de la terre et du ciel et Dieu entre les deux, là où la vie instinctive n’est pas contrariée, n’est pas persécutée. Nous, les habitants des grandes villes, nous sommes des maudits, condamnés à je ne sais quels errements nécessaires, contraints à mal vivre en connaissance de cause, les yeux grands ouverts, parce que nous sommes privés de la condition la plus fondamentale de la vie : le naturel.
(p.34) – « Les faubourgs »
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Viendra-t-il vraiment ce jour où nous pourrons vivre côte à côte, Allemands, Tchèques, Français, Russes, Anglais - sans nous faire de mal, sans être obligés de nous haïr, sans nous faire de tort les uns aux autres? Un jour les États se comprendront-ils comme se comprennent les individus? Verra-t-on un jour tomber les frontières entre pays, comme elles tombent lorsque se rencontrent les gens?
Comme il serait beau de voir ce jour!

(15 mars 1939, jour de l'invasion allemande en Tchécoslovaquie)
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Le rôle du reporter ressemble parfois à celui d'une hyène. Il se promène avec son bloc-notes et enregistre les souffrances d'autrui à l'intention des journaux. S'il travaillait sans la moindre étincelle d'espoir qu'une fois imprimés ses mots seront utiles, il ne mériterait même pas une poignée de main.
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Avez-vous jamais vu le visage d'un prisonnier derrière les barreaux? Un visage découpé par la croix des barreaux. C'est là qu'on comprend que ce sont les fenêtres et non les portes qui s'ouvrent sur la liberté. Le monde s'étend devant la fenêtre. Un visage derrière une fenêtre à barreaux est plus terrible qu'un être derrière une porte verrouillée. Car c'est dans la fenêtre que réside toute espérance de lumière, de lever de soleil, d'horizon; c'est dans la fenêtre que se logent les désirs et les aspirations. Derrière la porte, il n'y a que la réalité.
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Il est au monde des choses infiniment émouvantes - et je ne songe ici ni à ce qui fait gémir notre humanité humiliée, ni à la maladie ni à la misère - mais à ce pincement au coeur, à cette brusque nostalgie de champs et de villages, de montagnes et de ruisseaux bordés de saules, d'une rangée de corps en mouvement moissonnant le blé et transpirant au soleil, de troupeaux de vaches que l'on croise sur la route après le coucher du soleil.
Si, comme moi, vous avez grandi dans ces rues qui crucifient nos métropoles, vous saurez de quoi je parle.
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Toutes les joyeuses farces de la vie nous laissent des souvenirs aimables.
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Les plus légers sont en même temps les plus lourds. Et parce qu'ils demeurent sur les cimes, ils sont seuls.
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Si vous prenez le kitsch au sérieux, vous manquez de goût. Ce n'est pas le kitsch qui manque de goût, c'est vous. Le kitsch ne veut pas être pris au sérieux. Il vous adresse un clin d'oeil.
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Que vivent les joyeux compagnons capables d'aller avec légèreté au fond des choses, aussi lourds que des cailloux dans le ruisseau.
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Absence de péché n'est pas vertu.
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J'ai des yeux - il a des yeux. Je respire - il respire. Lui et moi, nous participons au même miracle de la vie. Mais combien de mondes nous faudrait-il franchir pour pouvoir nous regarder en face ? Et, pourtant, l'un comme l'autre, nous mourrons.
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Parfois je suis brusquement envahie par une sensation infiniment agréable, voluptueuse. Je suis en un lieu où personne ne peut me trouver.
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Dans les petits cafés de Prague, on voit passer un marchand de journaux que j'adore : c'est un ancien laquais de grande maison qui porte encore son pantalon de livrée, une veste à boutons dorés et des favoris gris. (...) Son visage dit : "est-ce vraiment la peine de vivre ? " (...) Ce n'est pas seulement pour lui qu'on éprouve de la pitié, mais pour le portail abandonné de quelque vieux palais.
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Je ne suis pas de celles qui se laissent prendre à la beauté grandiloquente de mots comme : droit, justice, morale. Pourtant je défends avec passion leur juste et véritable sens, et à mes oreilles leur son a toujours tinté comme celui de la seule monnaie qui ne soit pas fausse. Mais ceux qui avaient des oreilles pour entende et des yeux pour voir ont toujours entendu ces mots dans la bouche des puissants au moment où ils imposaient leurs fardeaux aux plus faibles. Trop d'injustices se sont accomplies au son de fanfares jouant le refrain du droit et de l'humanité. Trop d'hommes sont tombés victimes dans les filets de cette paix saluée de par le monde avec tant de jubilation. Les coups portés au droit des gens ont toujours été drapés sous un voile de propos nobles et moralisateurs.
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Tu continues à voir le monde avec des yeux de jeune homme. Tu continues à croire, ou tu t'efforces de croire, que la vie mène quelque part, qu'on obtient toujours un résultat, qu'on parvient à quelque chose de définitif. Le jour où tu verras la vie comme elle mérite d'être vue, tu sauras alors qu'il n'y a que la naissance et la mort et, entre les deux, le temps. Ainsi, en un tournemain, connaîtras-tu la valeur des choses auxquelles, aujourd'hui, tu n'attaches guère d'importance : l'harmonie des sentiments et l'équilibre intérieur; cela ressemble à une honnête boutique du coin de la rue, avec son enseigne, une de ces boutiques que l'on tient de quelque arrière-grand-père. Roulant comme sur des rails invisibles, ce commerce confère une sorte de solidité à la vie. Qui dit solidité dit aussi immobilité, et c'est donc de ces entreprises sans espoir. Mais ces dernières sont pleines de sagesse si l'on admet que l'espoir est un sentiment fait pour les gens qui ne supportent pas le présent.
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