Citations de Mira Maguen (60)
Quand on riait , on se souvenait qu'une pièce de monnaie avait toujours deux faces et que la vie tombait parfois sur l'une , parfois sur l'autre.
Jacob, qui en général restait muet, dit qu’il avait vu à la télévision qu’on avait peut-être trouvé un médicament contre la maladie d’Alzheimer, que ça marchait formidablement bien sur les rats et qu’avec un peu de patience ça pourrait aussi fonctionner sur l’homme, si, grâce à Dieu, nous parvenions à garder notre tête deux ou trois ans encore, c’était bon...
Éliézer intervint : « Tout ça c’est du business, des rats... De quoi ont-ils besoin de se souvenir ? De leur numéro de téléphone ? De leur carte d’identité ? Leur date de naissance ? C’est pas ça qui va nous sauver... »
Si seulement il avait pu, lui aussi envoyer ses deux sœurs dans une implantation.....Mais où dégoter une implantation ? Ça n’existait pas un Éthiopien qui avait des oncles dans une implantation. Ces structures n’acceptaient que des gens qui avaient du travail , parlaient un hébreu parfait, croyaient en Dieu, avaient des relations au gouvernement et pour unique problème le sort du Grand Israel.
"Regardez comment va la vie! En un e seconde, tu es en bas et, la seconde d'après, la roue tourne en sens inverse.
- C'est la chance ma chérie, la chance dit son père.
- C'est le bon Dieu, mon chéri, le bon Dieu répliqua sa mère en allumant une cigarette.
- Tu sais quoi ? Appelle ça comme tu veux, je m'en fiche.
- Tu sais quoi ? Peut-être qu'il ne s'agit que d'une question de physique et de chimie à laquelle, on ne comprend simplement rien."
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"Il y a les gros problèmes et les tout petits problèmes, lui disait Mamma Ruth lorsqu'il pleurait pour un ballon eclaté. Alors les larmes, garde-les pour les gros problèmes. Les tout petits tu leur fais " fououou" et ils s'envolent.
-Un ballon qui éclate, c'est un gros problème, lui répondait-il en continuant à se lamenter.
-Tu es sûr ? Gros comment ?
-Plus gros que toi.
-Dans ce cas, tu en as pour des heures, à pleurer."
Elle s’était donc assise dans le fauteuil sans pieds que son père avait ramené de la poubelle, où il avait aussi déniché une banquette de camionnette Dodge éventrée. Il avait disposé le tout à un mètre des l’eau, lançant: « Enfin un salon avec quadruple exposition! » .........Des vagues vinrent s'écraser sur la plage et se transformèrent en écume, si bien que le fauteuil cul-de-jatte et la banquette de la Dodge parurent posés sur un tapis de dentelle déchiré .
À l'institution *, ils en étaient à la purée, il n'allait pas déranger mama Ruth, il arriverait une fois qu'on l'aurait changée. Comment imaginer quelqu'un qui fourrait de la purée dans la bouche ou essuyait la salive sur le menton de celle qui avait toujours été son refuge le plus sûr.
*EHPAD
Depuis des années , il classait les gens en deux catégories - ceux qui savaient qu’ils étaient seuls et ceux qui l’ignoraient.
« Tu as de la chance de ne pas t’être marié,lui disait -elle, tu allonges la période des illusions. Non pas que je sois malheureuse, mais tu sais ce que c’est.... »
Partout où il avait été au cours de ses dix premières années, le précédait un cliquètement frénétique de bracelets qui tapaient ou claquaient, tabourinaient ou dansaient. Un grelottement de ferraille, léger, un écho vide sur une cheville étroite. Mama Ruth disait: "Exactement comme une chèvre à qui on a mis une clochette."
Le soleil alla éclairer l'autre côté de la terre. Le globe, en revanche, avait une peau d'éléphant, il ne dévia pas de sa trajectoire, insensible aux deux bicyclettes qui lui roulaient dessus, avec à leur bord quatre nombrils vibrants. Il continua à tourner comme si de rien n'était. S'il avait eu un tant soit peu de considération envers le genre humain, il aurait fait marche arrière, se serait arrêté et aurait rendu hommage à ces deux enfants-là.
Le temps viendra où toi et moi nous retrouverons, nous comblerons le fossé, rattraperons le temps perdu et nous étreindrons sur l’éminence d’une splendide étoile, et les enfants, comme tous les enfants du monde, se prendront la main, courront, émus et à perdre haleine à poursuivre les étoiles, dans des terrains de jeu infinis.
« Les boucles d’oreilles violettes . Leur éclat diffus et tremblotant . Si elle les portait encore, il l’a reconnaîtrait tout de suite .Simples , translucides comme des gouttes de pluie sur un iris. Le souffleur de verre qui les lui avait fabriquées avait juré que jamais pièce plus lisse n’était sortie d’entre ses mains » .
« Qu’est-ce que tu fais ? Regarde où tu marches ! » comme si elle ignorait que les enfants regardent les papillons et les adultes la route.
Écoutez, croyez-en mon expérience, il faut que vous vous trouviez quelque chose qui vous rende fou, que vous développiez une obsession, c’est seulement comme ça que vous parviendrez à survivre.
Le jour où ils en auraient assez des pyjamas avec des ours, ils dormiraient en caleçons et fermeraient la porte de la chambre à clef.
Un jour, il avait acheté au supermarché des petits pains ronds identiques. Il en avait mis un dans un sachet noir, un autre dans un sachet blanc, avait fermé les sachets pour qu’on ne voie pas ce qu’ils contenaient et avait demandé à ses deux frères de choisir. Quatre mains s’étaient tendues vers le sachet blanc. Ils l’avaient ouvert et en avaient sorti un petit pain. Ensuite, ils avaient ouvert le sachet noir, et en avaient sorti un autre petit pain, identique au premier. Les deux garçons avaient lâché : « C’est les deux pareils.
- Vous voyez. Un petit pain, c’est un petit pain, peu importe dans quel sachet on l’a mis, blanc, noir, ça aura toujours le même goût. Eh bien, nous aussi, on est comme les petits pains, la peau de l’être humain, c’est le sachet, un est né dans une enveloppe noire et l’autre dans une blanche. Ce qui est important, c’est le cœur et le cerveau de la personne qui est dedans. »
Tout être humain, même s'il n'est qu'un enfant, a le réflexe, lorsque tombe un peu de bonheur dans son escarcelle, d'en couper un petit bout pour la garder en souvenir, une photo, un coquillage, un bouton, quelque chose dont il pourra se nourrir les jours de disette.
« Un instant avant qu’elle ne disparaisse de sa vie, elle lui avait donné ce petit papillon qui avait une trompe écornée et un œil écrasé .À sa question de savoir s’il guérirait , elle avait répondu : « S’il le veut assez fort , il
guérira » ....
« Partout où il avait été au cours des dix premières années , le précédait un cliquètement frénétique de bracelets qui tapaient ou claquaient , tambourinaient ou dansaient . Un grelottement de ferraille léger, un écho vide sur une cheville étroite . Mama Ruth disait : « Exactement comme une chèvre à qui on a mis une clochette » .