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Citations de Mohamed Mbougar Sarr (1042)


Je te dis qu'il vaut mieux ne pas écrire si tu n'as pas au moins l'ambition de faire trembler l'âme d'une personne.
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L'exil est obsédé par la séparation géographique, l'éloignement dans l'espace. C'est pourtant le temps qui fonde l'essentiel de sa solitude ; et il accuse les kilomètres alors que ce sont les jours qui le tuent.
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Je vais te donner un conseil : n'essaie jamais de dire de quoi parle un grand livre. Ou, si tu le fais, voici la seule réponse possible : rien. Un grand livre ne parle jamais que de rien, et pourtant, tout y est.
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Mais la vie, rajoutais-je, n'est rien d'autre que le trait d'union du mot peut-être.
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Les écrivains, et j'en ai connu beaucoup, ont toujours été parmi les plus médiocres amants qu'il m'ait été donné de rencontrer. Tu sais pourquoi? Quand ils font l'amour, ils pensent déjà à la scène que cette expérience deviendra. Chacune de leurs caresses est gâchée par ce que leur imagination en fait ou en fera, chacun de leurs coups de reins, affaibli par une phrase. Lorsque je leur parle pendant l'amour, j'entends presque leurs « murmura-t-elle ». Ils vivent dans des chapitres.
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Un hasard n'est jamais qu'un destin qu'on ignore.
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Notre préoccupation profonde concerne le passé, et tout en allant vers l'avenir; vers ce qu'on devient, c'est du passé, du mystère de ce qu'on fut, qu'on se soucie. Cela n'a rien à voir avec une nostalgie funèbre. C'est simplement qu'entre ces deux questions qui cachent une angoisse de la même nature : que vais-je faire ? Et qu'ai-je fait ?, c'est cette dernière qui est la plus grave: elle ferme toute possibilité d’une correction, d’une nouvelle chance. Dans qu'ai-je fait ? sonne aussi le glas du c'est fait pour l'éternité. C’est la question de l'honnête homme qui commet un crime dans un accès de fureur, et qui, après l'acte, redevenu lucide, se tient la tête: qu'ai-je fait? Cet homme sait ce qu'il a fait. Mais son angoisse, son horreur viennent surtout de ce qu’il sait aussi qu’il ne peut défaire, réparer ce qu'il a fait. C’est parce qu'il lui donne la conscience tragique de l’indéfectible, de l‘irréparable, que le passé est ce qui inquiète le plus l'homme. La peur de demain porte toujours, même infime, même quand on sait qu'il peut être déçu et le sera probablement, l'espoir des possibles, du faisable, de l’ouvert, du miracle. Celle du passé ne porte rien que le poids de sa propre inquiétude. Et même le remords ou les repentir ne suffisent pas à modifier le caractère irrévocable du passé; bien au contraire: ils le confirment même dans son éternité. On regrette pas seulement ce qui a été; on regrette aussi et surtout ce qui sera à jamais.
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Mohamed Mbougar Sarr
Un hasard n’est jamais qu’un destin qu’on ignore
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Je me fiche de la réalité. Elle est toujours trop pauvre devant la vérité.
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On croit, avec la force de l'évidence, que c'est le passé qui revient habiter et hanter le présent. Il faudrait considérer que la proposition inverse soit aussi vraie sinon davantage, et que ce soit nous qui hantions sans jamais leur laisser de repos ceux qui nous ont précédés. Nous sommes les fantômes de notre histoire, les fantômes de nos fantômes.
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Notre préoccupation profonde concerne le passé ; et tout en allant vers l'avenir, vers ce qu'on devient, c'est du passé, du mystère de ce qu'on fut, qu'on se soucie. Cela n'a rien à voir avec une nostalgie funèbre. C'est simplement qu'entre ces deux questions qui cachent une angoisse de la même nature : "que vais-je faire ?" et "qu'ai-je fait ?", c'est cette dernière qui est la plus grave : elle ferme toute possibilité d'une correction, d'une nouvelle chance. Dans "qu'ai-je fait ?" sonne aussi le glas du "c'est fait pour l'éternité". C'est la question de l'honnête homme qui commet un crime dans un accès de fureur, et qui, après l'acte, redevenu lucide, se tient la tête : "qu'ai-je fait ?" Cet homme sait ce qu'il a fait. Mais son angoisse, son horreur viennent surtout de ce qu'il sait aussi qu'il ne peut défaire, réparer ce qu'il a fait. C'est parce qu'il lui donne la conscience tragique de l'indéfectible, de l'irréparable, que le passé est ce qui inquiète le plus l'homme. La peur de demain porte toujours, même infime, même quand on sait qu'il peut être déçu et le sera probablement, l'espoir des possibles, du faisable, de l'ouvert, du miracle. Celle du passé ne porte rien que le poids de sa propre inquiétude. Et même le remords ou les repentirs ne suffisent pas à modifier le caractère irrévocable du passé ; bien au contraire : ils le confirment même dans son éternité. On ne regrette pas seulement ce qui a été ; on regrette aussi et surtout ce qui sera à jamais.
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C'est ça notre vie : essayer de faire de la littérature, oui, mais aussi en parler, car en parler est aussi la maintenir en vie, et tant qu'elle sera en vie, la nôtre, même inutile, même tragiquement comique et insignifiante, ne sera pas tout à fait perdue.
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Un hasard n'est jamais qu'un destin qu'on ignore.
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[...] j'ignore d'ailleurs pourquoi ça semble si important pour elle, mais bon, ça la regarde, j'ai arrêté de me demander pourquoi les choses sont importantes pour les gens ou les choses, elles le sont, c'est tout, chacun vit avec ce qui le touche au cœur et ça peut sembler incompréhensible aux autres mais ce n'est pas à eux de décider de ce qui est important ou non, personne n'est personne d'autre, chacun est chacun, chacun, tout en semblant semblable aux autres, n'est d'abord et toujours que lui-même, personne n'est dans le coeur des autres ou dans leur tête, et tant mieux d'ailleurs, surtout pour la tête, je crois que c'est là que le pire arrive, ce qui se passe dans la tête est un chaos, dans la mienne en tout cas, et j'imagine que dans les autres têtes les choses ne sont pas mieux ordonnées même si tout le monde fait semblant d'être parfaitement équilibré et sain d'esprit, ça me fait rire car je sais, moi je sais, il suffit que je les regarde et tout le fouillis de leur tête redescend dans leur regard et une fois là rien ne peut demeurer caché, l'oeil est indiscret, il ne faut rien espérer y cacher [...]
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Quelque chose se meurt. Le monde que j'ai quitté a disparu dès que je lui ai tourné le dos. J'ai cru, l'habitant et y ayant enterré comme un trésor, mon enfance, qu'il était devenu indestructible par la seule grâce de ce don. j'ai cru à sa loyauté éternelle pour mon existence passée. Rien n'était plus chimérique : le monde jadis aimé n'a pas signé de pacte de fidélité. Sitôt m'en étais-je absenté qu'il s'éloignait déjà dans le tunnel du temps. Je regarde sa ruine : ce qui m'attriste dans ces moments-là n'est pas le fait que ce monde ait été détruit : ce monde était vivant, c'est à dire mortel ; ce qui me chagrine, c'est qu'il ait été détruit si facilement quand je pensais lui avoir donné les ressources pour tenir.
L'exilé est obsédé par la séparation géographique, l'éloignement dans l'espace. C'est pourtant le temps qui fonde l'essentiel de sa solitude ; et il accuse les kilomètres alors que ce sont les jours qui le tuent. J'aurais pu supporter d'être à des milliards de bornes du visage parental si j'avais eu la certitude que le temps glisserait sur lui sans lui nuire. Mais c'est impossible ; il faut que les rides se creusent, que la vue baisse, que la mémoire flanche, que des maladies menacent.
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Le Labyrinthe de l'inhumain appartenait à l'autre histoire de la littérature (qui est peut-être la vraie histoire de la littérature) : celle des livres perdus dans un couloir du temps, pas même maudits, mais simplement oubliés, et dont les cadavres, les ossements, les solitudes jonchent le sol de prisons sans geôliers, balisent d'infinies et silencieuses pistes gelées.
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De son visage, entre tous les détails qui eussent chacun épuisé mille blasons sans pourtant que leur splendeur fût rendue, ce visage qu'on pouvait se permettre de regarder longtemps sans craindre de l'épuiser, de son visage, donc, je préférais la bouche, la grande bouche généreuse, aux lèvres à jamais inassouvies, desquelles il suffisait que je détache les miennes pour qu'aussitôt un violent sentiment de manque me prît, comme si elles m'avaient transmis leur soif d'être embrassées ou d'embrasser toujours. Elle me laissait l'embrasser avec passion. Cela l'amusait un peu, je crois. Chaque fois que je me jetais sur ses lèvres avec l'ambition, voire, les jours d'orgueil fou, la certitude d'y éteindre le feu, Rama, alors que je tendais mon visage vers le sien, esquissait un sourire tendre et moqueur, comme celui qu'une poseuse de devinettes aurait adressé à un candidat essayant encore, après des heures d'échec, de résoudre une de ses énigmes.

P. 60-61
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Cet homme sait ce qu’il a fait. Mais son angoisse, son horreur viennent surtout de ce qu'il sait aussi qu'il ne peut défaire, réparer ce qu'il a fait. C'est parce qu'il lui donne la conscience tragique de l'indéfectible, de l'irréparable, que le passé est ce qui inquiète le plus l'homme. La peur de demain porte toujours, même infime, même quand on sait qu'il peut être déçu et le sera probablement, l'espoir des possibles, du faisable, de l'ouvert, du miracle. Celle du passé ne porte rien que le poids de sa propre inquiétude. Et même le remords ou les repentirs ne suffisent pas à modifier le caractère irrévocable du passé ; bien au contraire : ils le confirment même dans son éternité.
On ne regrette pas seulement ce qui a été ; on regrette aussi et surtout ce qui sera à jamais.
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[…] chez Haruki Murakami, par exemple. Tu connais l'histoire de l'origine fabuleuse de sa vocation d'écrivain ?
Non ? Il est à un match de base-ball. Une balle fend l'air avec pureté et harmonie, Murakami regarde la trajectoire parfaite de cette balle, et sait en la voyant ce qu'il doit faire, ce qu'il doit devenir : un grand écrivain. Cette balle était son épiphanie littéraire, son signe. Moi, je n'ai pas eu de balle.
Je n'ai pas eu de signe. C'est ce qui me fait dire que mon origine comme écrivain, ce sont mes lectures, je crois. Et toi, tu sais pourquoi tu es devenu écrivain ?
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Au fond, qui était Elimane ? Elimane était ce qu'on ne devait pas devenir et qu'on devient lentement. Il était un avertissement qu'on n'a pas su entendre. Cet avertissement nous disait, à nous écrivains africains: inventez votre propre tradition, fondez votre histoire littéraire, découvrez vos propres formes, éprouvez-les dans vos espaces, fécondez votre imaginaire profond, ayez une terre à vous, car il n'y a que là que vous existerez pour vous, mais aussi pour les autres. Au fond, qui était Elimane ? Le produit le plus abouti et le plus tragique de la colonisation. Elimane voulait devenir blanc, et on lui a rappelé que non seulement il ne l'était pas, mais qu'il ne le deviendrait jamais malgré tout son talent. Il a donné tous les gages culturels de la blanchité ; on ne l'en a que mieux renvoyé à sa négreur... tu le sais: la colonisation sème chez les colonisés la désolation, la mort, le chaos. Mais elle sème aussi en eux - et c'est ça sa réussite la plus diabolique - le désir de devenir ce qui les détruit. Voilà Elimane : toute la tristesse de l'aliénation.
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