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Citations de Mohammad Ali Amir Moezzi (11)


La violence fratricide entre les fidèles de Muḥammad semblait prévisible
tant l’équilibre précaire soutenant l’assemblage hétéroclite de groupes
et d’intérêts que formaient les nouveaux convertis reposait, semble-
t-il, sur la personne de Muḥammad. Celui-ci disparu, les Émigrés
mecquois qui l’avaient accompagné lors de son hégire s’opposèrent
aux Auxiliaires médinois qui l’avaient accueilli.

Ses anciens ennemis Qurayshites très fraîchement et opportunément convertis, et parmi ceux-ci l’influente famille des Omeyyades, ainsi que ses Compagnons AbūBakr et ʽUmar, visaient à s’imposer en neutralisant par
tous les moyens l’ardeur des autres concurrents, notamment les partisans de ʽAlī.

Après une réunion tendue chez le clan des BanūSāʽida
des Auxiliaires, les conflits se seraient limités à une opposition entre
AbūBakr et ʽAlī où le premier eut rapidement le dessus et devint le
premier calife.
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Le personnage de ‘Alīest sans doute aussi problématique, voire davantage, que celui de Muḥammad.

Il constitue en effet le centre de gravité de trois événements historiques indissociables, dans leur genèse comme dans leurs développements ultérieurs, événements majeurs qui ont façonné les débuts de l’islam et conditionné son destin jusqu’à nos jours : le problème de la succession de Muḥammad, les conflits et guerres civiles entre les Musulmans qui ont duré plusieurs siècles et enfin l ’élaboration des sources scripturaires de l’islam à savoir le Coran et le Hadith.
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Pour ce qui est du problème du Coran, les toutes premières compilations de traditions imâmites rapportent un assez grand nombre de données selon lesquelles après la mort du Prophète, la seule version intégrale du Coran, contenant tous les mystères des cieux et de la terre, du passé, du présent et du futur, était en la possession de ‘Alî. La Vulgate constituée sous le califat de ‘Uthmân n’est, d’après les imâms, qu’une version altérée, falsifiée et censurée, ne contenant que le tiers du Coran intégral ; celui-ci aurait été transmis secrètement d’un imâm à l’autre jusqu’à l’imâm caché qui l’aurait emmené avec lui dans son Occultation. Les hommes ne connaîtront le Coran intégrale qu’après le Retour du mahdî.

Mais à partir d’Ibn Bâbûye, non seulement on passe sous silence ces traditions, mais on commence à soutenir que la Vulgate ‘uthmânienne contient l’intégralité du Message divin révélé au Prophète et que les propos des imâms visent seulement la suppression des commentaires (tafsîr) et des gloses herméneutiques (ta’wîl) de ‘Alî par les autorités sunnites. Ces dernières thèses seront défendues, à quelques exceptions près parmi les akhbârîs, par tous les grands penseurs imâmites jusqu’à nos jours. (pp. 43-44)
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Très tôt, Ali, iman par excellence, devient une figure théophanique au même titre que Jésus, c'est à dire une figure qui manifeste ce qui peut être manifesté de Dieu, selon la théologie chiite dans ses sources les plus anciennes dans le corpus de hadiths. (...) Dès ce corpus, l'imam est présenté comme une figure qui manifeste sur Terre les noms et les attributs de Dieu.
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Mohammad Ali Amir Moezzi
Panacée face aux défis du monde moderne et au vide existentiel engendré par l’échec relatif des idéologies séculières, l’identité revêt un caractère particulièrement prégnant en situation diasporique.
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L'ascension céleste peut être considérée comme une plongée en spirale opposée dans les profondeurs de l'âme. Dans un cosmos régi par les correspondances harmonieuses, la montée dans les étages célestes trouve son reflet dans une descente dans les couches secrètes du soi.
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La croyance fondamentale des imâmites selon laquelle tout pouvoir, avant le Retour de l’imâm caché, est par nature usurpateur, ou encore sur certaines traditions des imâms où ceux-ci attaquent violemment la notion même du gouvernement.

Les choses changèrent radicalement avec la prise de pouvoir par les Safawides (907/1501). Le fondateur de la dynastie, shâh Ismâ’îl, se disait publiquement le précurseur et « le représentant » de l’imâm caché, et ses fidèles le considéraient comme une réincarnation des imâms. Afin de créer un autre pôle politico-religieux face aux sultans-califes ottomans, il imposa férocement ses conceptions et finit par déclarer l’imâmisme comme religion d’Etat en Iran. Tirant sa légitimité de son appartenance doctrinale, le pouvoir safawide avait besoin d’un « système » religieux (…) une véritable armature « idéologique » afin d’appuyer la conception safawide de l’imâmisme. Tout un appareil religieux – pour ne pas dire une « Église officielle » – contrôlé par l’État, fut mis en place (…) donna naissance à un corps de Docteurs de la Loi indépendants vis-à-vis du pouvoir.
(…)
La recherche d’une religion intériorisée individuelle, l’effort spirituel soutenu par la force de la walâya, la « Connaissance » et la « Certitude », afin d’établir le « contact » avec l’imâm caché furent pratiqués par des groupements marginalisés, souvent persécutés. L’ambition et le pouvoir politiques, définis par les imâms comme des destructeurs de la « Vraie Religion », étaient désormais présentés comme des garanties de sa juste application. Le « système » religieux élaboré sous les Safawides réussit à mettre en place un « processus de substitution » : le juriste-théologien prit la place de l’imâm, le droit se substitua aux enseignements des imâms, la walâya, amour/soumission/fidélité – que tout initié doit à son Maître initiateur se métamorphose en taqlîd – imitation servile du juriste tout puissant, l’Amour envers les imâms se transforme en un culte morbide et doloriste dont les manifestations collectives violentes étaient approuvées sinon encouragées par l’autorité cléricale. (pp. 331-334)
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Pour étudier de façon aussi objective que possible les circonstances historiques qui ont abouti à la tragédie de Karbalâ’, il faut faire preuve d’une grave vigilance méthodologique ; étant donné la gravité et le caractère délicat du sujet – moins de 50 ans après la mort du Prophète, son petit-fils et toute sa famille étaient massacrés par sa propre Communauté – il faut pouvoir trier entre les informations anciennes et tardives, confronter systématiquement les sources shî’ites et sunnites, discerner les récits émotionnels et les partis pris idéologiques des auteurs (…) l’imâm et la quasi-totalité de sa famille et de ses compagnons y furent tués sans distinction d’âge. Par ailleurs, du point de vue phénoménologique c’est-à-dire en se fondant sur le corpus ancien imâmite, on peut se rende compte que le cas du troisième imâm se présente, sur un plan doctrinal, plus complexe que celui d’un insurgé contre le pouvoir omeyyade. En effet, on le sait, selon l’enseignement des imâms (…) aucun de ses successeurs n’a interprété son attitude à Karbalâ’ comme étant un acte « politique », visant à renverser le pouvoir en place. L’acte de l’imâm était, selon ses propres successeurs, celui d’un Ami de Dieu (walî), accomplissant sa destinée selon la Volonté de l’Aimé (mawlä).

L’imâm Muhammad al-Bâqir, le petit-fils d’al-Husayn, dit : « [Lors de la bataille de Karbalâ] Dieu le Très-Haut fit descendre sur al-Husayn la Victoire (il s’agirait là d’une entité céleste) au point qu’elle envahit [l’espace] entre le ciel et la terre ; puis [l’imâm] fut placé devant un choix : la victoire ou la Rencontre de Dieu ; il choisit la Rencontre de Dieu le Très-Haut. » Le huitième imâm, ‘Alî al-Ridâ, en se référant au Coran XXXVIII, al-Sâffât/107 et à l’acte d’Abraham voulant sacrifier son fils pour accomplir la Volonté divine, définit l’acte d’al-Husayn comme étant « le Grandiose Sacrifice » (al-dhibh al-‘azîm) aux dimensions messianiques. La bataille et le massacre de Karbalâ’ étaient prédestinés à la fois pour que l’imâm accomplisse jusqu’au bout son destin de martyr et pour que ses ennemis soient démasqués, haïs et maudits à jamais (…) ces propos donnent une vision de la chose qui est loin de celle d’une révolte aux revendications politiques ou sociales. Le shî’isme militant n’a cessé, et ce jusqu’à nos jours, de justifier religieusement ses activités par le cas de l’imâm al-Husayn et par la bataille de Karbalâ’, en utilisant hors de leurs contextes, comme l’impliquent les nécessités idéologiques, certains propos et comportements de cet imâm (...) ce qui est peut-être plus grave c’est que, faute de dépouiller suffisamment les textes de base, la plupart des spécialistes n’ont pas su faire la part entre « la doctrine » et « l’idéologie », ils ont défini l’imâmisme comme un mouvement essentiellement politique et contestataire et ont vu partout, même là où il n’y en a pas, des raisons et fondements politiques à chaque point de la doctrine. (pp. 166-169)
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L'histoire, surtout moderne, du clergé rationnaliste a été marquée par le fanatisme et l'exclusivisme, la réduction de la foi à un juridisme rigide, la violence contre des adversaires réels ou résumés, l'instrumentalisation de la religion, la manipulation des masses populaires. La mise en perspective historique semble montrer que ce processus a toujours eu, consciemment ou non, un sens précis pour les religieux Usûlî : entraîner le shî'isme dans la sphère politique, l'appliquer en tant que religion collective, le consolider en tant qu'idéologie de pouvoir.
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Le Livre du Coran est un recueil de versets, qui rassemblent des « paroles » ou mots composés, et enfin les éléments atomiques du Livre sont ses lettres. Il en va bien ainsi de l'univers, dont les éléments premiers, les unités insécables sont les lettres, dont les composés sont les mots (ou «verbes») du Monde. Les « verbes » du Monde, comme les « verbes » composés des «lettres» de l'Homme – ses éléments psychiques premiers et insécables –, sont les essences éternelles, procédant de l'acte créateur divin, exprimant le monde divin des Noms par lesquels Dieu Se révèle. Nous avons vu que ces Noms divins étaient les racines des noms du Prophète et des imâms. On ne sera pas surpris d'apprendre que le livre de l'univers, le livre de l'homme et le livre du Coran, en leurs mutuelles correspondances, expriment, à leurs niveaux respectifs, la réalité muhammadienne éternelle, la réalité métaphysique des Quatorze Impeccables.

Relevons, au passage, une affirmation très importante. Elle concerne l'infinité de l'univers et celle de l'homme. Les combinaisons d'atomes (de « lettres ») formant l'univers comme elles forment aussi le microcosme, l'homme, sont en nombre infini, les combinatoires en sont inépuisables. Si la cosmologie exotérique détermine un nombre fini de sphères célestes, si, depuis le temps d'Avicenne, le neuvième ciel est le seuil des réalités physiques, s'étageant jusqu'au ciel de la Lune et, enfin, jusqu'au monde sublunaire, le ta'wîl de l'univers révèle un univers infini. L'ésotérique de l'univers fini est un univers infini. Il en va de même pour l'homme parfait, l'homme en son accomplissement total, récapitulant en lui les divers mondes constitutifs de l'univers, selon un jeu de correspondances précises. De même que le monde sensible de la nature reconduit au monde des âmes célestes, que celui-ci reconduit au monde des esprits, et enfin celui-ci au monde des Intelligences, de même, en l'Homme parfait, les trois grands stades de son développement, naturel, psychique, intellectif constituent trois « écritures » divines, et configurent trois mondes intérieurs. Le monde psychique se dédoublant en monde des âmes et monde des esprits, nous retrouvons la structure même de l'univers. Cette structure, cela va sans dire, se retrouve dans le Coran, dont les lettres, les « verbes » et les versets totalisent les significations des deux mondes précités.

Voici un exemple significatif de cette exégèse intégrale, tel que nous le trouvons dans le commentaire mystique que Mullâ Sadrâ consacre au « verset de la lumière » (Coran 24:35) :

« Sache que chaque réalité existante, d'entre les existants pris en détail, qui sont les parties de cet univers, est le lieu de manifestation d'un nom divin particulier, d'entre les noms divins. De même que les parties de cet univers contiennent des genres, des espèces et des individus, des substances et des accidents – les accidents sont la quantité, la qualité, le "quand", le "ou", le lieu, la relation, l'action, la passion et la possession – de même, dans les noms divins, il y a des noms de genre, des noms d'espèce, des noms de substance, des noms d'accident, de quantité, de qualité, etc. Il en va ainsi exactement comme un modèle de l'homme parfait, qui est le lieu de manifestation rassemblant tout ce qui existe dans le monde des noms divins et dans les lieux de manifestation des horizons [de ce monde-ci]. De même que les noms divins, en raison de leurs significations distinctes, sont absorbés dans la signification du nom Allâh, de façon synthétique, de même les réalités essentielles de leurs lieux de manifestation, qui sont les parties du macrocosme, du monde des horizons, sont rassemblées dans le lieu de manifestation du nom Allâh, qui est l'homme parfait. Il est, selon une certaine perspective, le microcosme, et il est, selon une autre perspective, le grand monde, ou plutôt le plus grand monde! Cette dernière perspective est celle selon laquelle il est perçu dans son pouvoir l'envelopper par sa science, pouvoir qui surgit de la mine de la science de Dieu, de la science que Dieu a de tous les existants, de leurs principes et de leurs causes, de leurs formes et de leurs finalités, comme l'a indiqué le Prince des croyants, l'Imâm des savants mystiques, le Chef de file des vrais tenants de l'unité divine ['Alî b. Abî Tâlib] : Tu es le Livre clair qui, par ses versets, élucide le secret et voici que tu déclares que toi, tu serais un petit corps, alors qu'en toi est enveloppé l'univers le plus grand ! »

Pensée structurale, le ta'wîl est une herméneutique généralisée de l'existant. (chapitre IV)
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Le ‘aql que l’on traduit selon les contextes par « raison », « intellect », « intelligence », voire par « science » ou « discernement », est une notion complexe et délicate qui recouvre un large champ sémantique (…) l’imâmisme primitif (que je tenterai de définir plus loin) exploite à l’extrême ce champ religieux du ‘aql au point d’en faire une notion doctrinale capitale de sa dogmatique en général et de son imâmologie en particulier. Selon les imâms, le ‘aql est le meilleur sinon le seul moyen d’approche et d’intelligence appropriées de leurs enseignements.
(…)
Dans une tradition célèbre remontant au sixième imâm, Ja’far al-Sâdiq, connue sous le nom de « la tradition des armées du ‘aql » (hadîth junûd al-‘aql), se trouvent exposés quelques aspects fondamentaux de la dimension cosmologique du ‘aql. Celui-ci est le premier créé de Dieu, procédant de la Lumière de Dieu, et ce sont sa soumission et sa volonté de proximité à l’égard de Dieu qui le caractérisent : « Dieu – qu’Il soit glorifié et exalté ! – créa en premier lieu parmi les entités spirituelles, le ‘aql, le tirant du côté droit de Son Trône (‘arsh) et le faisant procéder de Sa propre Lumière. Puis, Il lui ordonna de reculer et il recula, d’avancer et il avança ; Dieu proclama alors : ’’Je t’ai créé glorieux et ‘ai donné la précellence sur toutes Mes créatures’’. »
(...)
Le ‘aql imâmite n’est pas une qualité acquise, mais un don de Dieu, une faculté innée, pourrait-on dire, de la connaissance transcendante, plus ou moins développée selon les individus (…) le septième imâm, Mûsä al-Kazîm expose les différents aspects spirituels du ‘aql. Il y reprend la quasi-totalité des références coraniques où figure la racine ‘aqala/ya’qilu et présente le ‘aql comme une faculté d’appréhension du divin, d’aperception métaphysique (il est identifié au basar, la vision intérieure), une « lumière » (nûr) localisée dans le cœur et grâce à laquelle on distingue les Signes de Dieu (...) sans le ‘aql, l’homme est sans religion, c’est-à-dire sans ce qui peut le « relier » à Dieu, il oublie alors sa condition créaturelle et tombe dans un égoïsme impie ; c’est sans doute dans ce sens qu’il faut comprendre le propos de ‘Alî, rapporté par Ja’far al-Sâdiq : « L’infatuation de soi-même est une preuve de faiblesse du ‘aql. » (...) en l’absence du ‘aql, cet « organe » de la religion, il ne peut y avoir que fausse religiosité, apparence de piété, hypocrisie. Quelqu’un évoqua le ‘aql d’un homme obsédé par les ablutions et les prières, Ja’far répondit qu’un tel homme ne pouvait posséder de ‘aql puisqu’il obéissait à Satan. Répondant encore à la question : qu’est-ce que le ‘aql ? il dit : « Ce par quoi est adoré le Miséricordieux et par quoi est gagné le Paradis. » (...) la qualité de la religion de chacun dépend donc de la qualité de son 'aql, c'est pourquoi celui-ci constitue le critère selon lequel les hommes seront jugés lors du Jugement Dernier." (pp. 15-26)
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L'enfer ne concernera que les êtres qui se seront voués d'eux-mêmes au néant, parce qu'ils auront mené des vies de néant, tyrans, spéculateurs, oppresseurs de toute sorte, libertins, vaniteux et gens de même farine. S'étant nourris de néant, ils seront devenus choses de néant et connaîtront l'enfer véritable, qui ne sera que leur propre être de néant. Inversement, quiconque aura intensifié son acte d'exister passant outre sa nature matérielle sensible, tendant vers le beau, le juste et le vrai, connaître, près de Dieu, le destin des anges rapprochés dont parle le Coran. Faisant retour à leur lumière originelle, ils seront semblables aux feuilles de l'arbre du paradis, arbre dont la signification ésotérique est d'être la communauté de l'imâm attendu.
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C'est que la philosophie shî'ite aura eu l'immense mérite de révéler la tension originaire de l'islam tout entier, et du monothéisme, divisé entre l'attente messianique et le respect de la Loi, entre l'accomplissement spirituel et l'obédience collective.
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L'ascension céleste, que la tradition islamique attribuera très tôt au prophète Muhammad (ainsi qu'aux imams dans le shi'isme et aux sages initiés dans la mystique), en se fondant sur quelques bribes coraniques fort énigmatiques, est une des plus belles illustrations de cet héritage remarquablement adapté à la nouvelle religion. Le Voyage Nocturne et les pérégrinations du Prophète dans les sept étages des cieux et les sept degrès des enfers réactualisent quelques-uns parmi les plus importants éléments des spiritualités antiques. Dans les développements ultérieurs des différents récits d'ascension se reflètent les traces aussi bien du Livre zoroastrien d'Ardâvirâz (ou Ardâvirâf) que le récit de Zostrien, la littérature juive des Hekhalot et la gnose de la Merkava ou encore le Chant de la Perle de l'évangile apocryphe de Thomas. Le creuset par excellence où, par une éblouissante alchimie, eut lieu une harmonieuse synthèse de ces multiples héritages, ainsi qu'un prodigieux effort de leur intériorisation, a été sans aucun doute la mystique musulmane.
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Les expériences spirituelles puissantes, la plongée dans les abysses de la conscience ou la traversée des mystères de l'être sont presque toujours déclarées, par ceux qui les ont goûtées, comme étant inexprimables, ineffables. Les récits d' "ascensions célestes", dans leurs innombrables formes et manifestations au sein de nombreuses traditions, semblent avoir été un des meilleurs moyens pour dire ce vécu difficilement descriptible. Et cela à double titre : d'abord le contenu de ces récits refléteraient l'expérience initiatique la plus intense ; ensuite la forme de ceux-ci, dans ses diverses illustrations et à travers de nombreux symboles, offrirait un des meilleurs moules narratifs pour restituer la complexité de ce genre d'expériences. De plus, depuis la nuit des temps, de nombreuses traditions spirituelles ont souligné la correspondance métaphysique et en même temps organique entre le monde intérieur de l'homme et l'univers. " Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut ", dit l'antique adage hermétiste. L'ascension céleste peut être considérée comme une plongée en spirale opposée dans les profondeurs de l'âme. dans un cosmos régi par les correspondances harmonieuses, la montée dans les étages célestes trouve son reflet dans une descente dans les couches secrètes du soi.

Préface à la nouvelle édition
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Plusieurs mythes fondent les récits shî'ites de la création de l'univers et de l'homme. Sur ce point aussi les traditions sont foisonnantes, désordonnées, issues d'horizons divers, parfois contradictoires (…) ces données se retrouvent, sous une forme ou une autre, dans les ouvrages cosmographiques musulmans dont les plus anciens parvenus jusqu'à nous sont contemporains de nos compilations de hadîth shî'ites (III e -IV e /IX e -X e siècle).

Comportant beaucoup d'éléments tirés des littératures biblique et midrashique, elles proviennent, de façon plus générale, d'un antique fonds moyen-oriental, plus particulièrement mésopotamien.
La cosmogonie et l'anthropogonie ésotériques sont exposées dans des récits spécifiquement shî'ites, dont on chercherait en vain des parallèles chez les sunnites.
(…)
Il y a d'abord le récit de la création des Mondes et de leurs habitants. À l'origine, seul existe Dieu-Lumière. Des milliers d'années avant la création du monde sensible, Dieu fait procéder de Sa Lumière, d'une part le Premier Monde, appelé la Mère du Livre, et d'autre part l'« habitant de celui-ci, la Lumière unique et duelle de Muhammad (symbole de la dimension manifeste de l'Être) et de 'Alî (symbole de sa dimension cachée, secrète). Il s'agit de l'entité lumineuse préexistentielle du prophète et de l'imâm par excellence réunis en une unité : l'Homme ou l'Imâm cosmiques. Cet Être primordial est souvent identifié soit aux Cinq du Manteau, Muhammad, 'Alî, Fâtima, Hasan et Husayn, dont les noms sont tirés des Noms divins, soit à l'ensemble des Quatorze Impeccables, Muhammad, Fâtima et les douze imâms.
(…)
Viennent ensuite à l'être, toujours sous forme de particules, ceux que l'on pourrait appeler les «créatures pures» : les entités préexistentielles de futurs anges, des prophètes et des imâms à venir, des «c royants » (mu'min), c'est-à-dire les initiés futurs de tous les temps . Intervient alors le Pacte, ou le Covenant primordial (d'où l'une des appellations de ce Monde), que Dieu fait conclure à ces «créatures pures». Il comprend quatre serments de fidélité – respectivement à l'égard de Dieu, de la mission prophétique de Muhammad, de la Cause sacrée des imâms (la walâya, qui fait l'objet de notre chapitre 3), de l'avènement final du Mahdî à la Fin du Temps.
Comme dans tout rite initiatique, la prestation de serment ouvre l'accès à l'initiation. En effet, c'est à ce moment que semble avoir lieu l'Initiation primordiale : les entités lumineuses des Impeccables (maîtres initiateurs) enseignent aux «ombres» préexistentielles des « créatures pures »(disciples initiés) les sciences secrètes de l'Attestation de l'Unicité et de la Glorification 7 . On aura noté la mise sur pied d'égalité, dans la balance spirituelle, des «croyants», c'est-à-dire des «shî'ites» de tous les temps, avec anges, prophètes et imâms, formant ensemble les forces de la connaissance. (chapitre II)
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