La violence fratricide entre les fidèles de Muḥammad semblait prévisible
tant l’équilibre précaire soutenant l’assemblage hétéroclite de groupes
et d’intérêts que formaient les nouveaux convertis reposait, semble-
t-il, sur la personne de Muḥammad. Celui-ci disparu, les Émigrés
mecquois qui l’avaient accompagné lors de son hégire s’opposèrent
aux Auxiliaires médinois qui l’avaient accueilli.
Ses anciens ennemis Qurayshites très fraîchement et opportunément convertis, et parmi ceux-ci l’influente famille des Omeyyades, ainsi que ses Compagnons AbūBakr et ʽUmar, visaient à s’imposer en neutralisant par
tous les moyens l’ardeur des autres concurrents, notamment les partisans de ʽAlī.
Après une réunion tendue chez le clan des BanūSāʽida
des Auxiliaires, les conflits se seraient limités à une opposition entre
AbūBakr et ʽAlī où le premier eut rapidement le dessus et devint le
premier calife.
Le personnage de ‘Alīest sans doute aussi problématique, voire davantage, que celui de Muḥammad.
Il constitue en effet le centre de gravité de trois événements historiques indissociables, dans leur genèse comme dans leurs développements ultérieurs, événements majeurs qui ont façonné les débuts de l’islam et conditionné son destin jusqu’à nos jours : le problème de la succession de Muḥammad, les conflits et guerres civiles entre les Musulmans qui ont duré plusieurs siècles et enfin l ’élaboration des sources scripturaires de l’islam à savoir le Coran et le Hadith.
Très tôt, Ali, iman par excellence, devient une figure théophanique au même titre que Jésus, c'est à dire une figure qui manifeste ce qui peut être manifesté de Dieu, selon la théologie chiite dans ses sources les plus anciennes dans le corpus de hadiths. (...) Dès ce corpus, l'imam est présenté comme une figure qui manifeste sur Terre les noms et les attributs de Dieu.