Premier roman de Morgane Az, L’autre part plonge dans le passé pour mieux réinventer son présent. Roman, et non autofiction, L’autre part démarre à partir d’une quête, retrouver le passé d’une jeune femme au Maroc des années 60, pour définir, ou repréciser, les valeurs à suivre pour toute la vie.
La grand-mère de Lina, Manelle, vient de décéder. Un cahier aperçu dès l’enfance devient dorénavant objet de découverte pour se plonger, encore un peu, dans l’aura de cette femme que Lina a tant aimé.
Les cartes postales orientalistes du siècle dernier étaient le sujet de la thèse de Lina. Alors, lorsqu’elle découvre une photographie polaroïd, accrochée par un trombone à l’une des pages, elle ne peut qu’avoir envie de revenir sur les pas de la femme de l’année de 1953 que fut sa grand-mère. Au dos de la photographie, juste une annotation lui ouvre un pan entier du passé : Manelle et Tahit – Tanger 1953.
Le carnet raconte l’année passée à Tanger. Seulement, il passe sous silence la cause de son retour en France. Alors, Lina décide d’aller sur place, dans cette ville, et de comprendre pourquoi, jamais, sa grand-mère a voulu parler de ce passé.
En alternant les récits de Manelle, de Lina et les lettres de Tahit Ameziane, Morgane Az invente un carrefour entre passé et présent, de l’Afrique à l’Europe. Car de Nour, la rebelle, à Alma, l’engagée auprès de ses sœurs, ou de la jeune fugueuse du mariage forcée à Mariam, martyrisée par son mari, en passant par Jeanne, l’Européenne qui souhaite que la ville reste une ville pour elle, c’est une ode à la lutte pour les droits des femmes.
L’engagement pour la liberté par les amies de Manelle perdure, encore plus de soixante ans plus tard, pour apporter indépendance, scolarisation et représentation dans l’espace public des femmes marocaines actuelles.
Personnage à part entière, la ville de Tanger donne envie de la parcourir et de redécouvrir le conteur Mala et ses histoires d’envol. En racontant un paysage, Morgane Az détaille aussi les “cartographies intérieures” évoquant leur impact sur ses habitants. De ces deux temporalités naissent les senteurs, les espoirs et les désirs des femmes.
Beaucoup de poésie, dans le style travaillé et dense de Morgane Az. Les descriptions poussées opèrent comme des envoûtements pour former des ponts entre les deux vies afin de renforcer la transmission.
L’autre part de Morgane Az est un premier roman très réussi sur la transmission et la filiation en plus d’être une ode à la liberté des femmes. En s’implantant dans la fiction, Morgane Az explique les impacts d’un passé caché pour le devenir d’engagements présents à venir.
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