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Critiques de Nathalie Sarraute (279)
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Tropismes

Pour quelles raisons n'ai-je pas fait la connaissance des Tropismes de Nathalie Sarraute plus tôt ? Ils m'ont tellement déconcertée à la première lecture, que je les ai immédiatement relus.



Les tropismes sont pour Nathalie Sarraute «les mouvements subtils, à peine perceptibles, fugitifs contradictoires, évanescents, de faibles tremblements, des ébauches d’appels timides et des reculs, des ombres légères qui glissent, et dont le jeu incessant constitue la trame invisible de tous les rapports humains et la substance même de notre vie.» Ils se situent à la limite de la conscience.

Les tropismes qu'elle a théorisés en littérature ont marqué toute son oeuvre et en ont fait l'une des précurseurs du Nouveau Roman.

Ce sont ici vingt-quatre très courts textes, sortes de petits contes de trois-quatre pages maximum, qu'aucune progression ou fil narratif ne relient. Indépendants, ils peuvent être lus et agencés selon la convenance du lecteur. Ils composent un chapelet de lambeaux de rêve, de bulles poétiques, de saynètes, à l'atmosphère étrange, où apparaissent des personnages anonymes, vagues silhouettes désincarnées.

Les protagonistes se rencontrent, bavardent, répondent à des convenances sociales, mais les discussions tournent à vide, et ils se trouvent rapidement enfermés dans des attitudes stéréotypées, plus particulièrement les femmes. Figures caricaturales, elles prennent le thé, tricotent, arpentent les magasins en quête d'un improbable tailleur en gros tweed à dessins. Elles sont souvent empêchées, en marge de l'action, en proie à des sentiments de peur, en position d'attente, car le temps est suspendu.

Les enfants sont également très présents, inscrits dans des relations énigmatiques avec les parents ou grands-parents qui exercent une supériorité, un pouvoir à leur égard, au travers de gestes envahissants ou violents.

On peut se demander si toutes ces situations ne sont pas vues à hauteur d'enfants, au travers d'une perception déformée de la réalité dans laquelle les adultes sont indistincts, où les objets et les meubles s'animent, et où des menaces diffuses planent.

Revenons aux tropismes : ils se situent pour l'autrice en amont du langage, et pourtant, c'est bien par le langage qu'elle parvient à en laisser une trace sur la page, un langage qu'elle peaufine puisqu'il lui aura fallu cinq ans pour les écrire.

Souvenirs, réminiscences, fragments surgis de l'inconscient ou d'on ne sait où ?

Deux niveaux de lecture nous sont proposés : celui des scènes de la vie de tous les jours, un peu vaine, absurde, et celui d'une matière brute faite de sensations, d'une intériorité qui se déverse et qui serait à l'origine des comportements humains.

Où Nathalie Sarraute situe-t-elle l'articulation entre les deux ? De quoi parle-t-elle exactement ?

Une lecture passionnante, déstabilisante et marquante qui aura soulevé chez moi de nombreuses interrogations et qui me pousse à aller plus loin dans sa bibliographie.



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Tropismes

N°1860– Avril 2024.



Tropismes – Nathalie Sarraute – Les éditions de Minuit.



C’est un recueil de vingt quatre textes courts et indépendants les uns des autres, paru en 1939 dans l’indifférence quasi générale après avoir été refusé notamment par Gallimard et qui ne connut le succès que vingt en plus tard lors de sa réédition. Ce détail relativise les choses quant au talent de notre auteure, cet ouvrage étant considéré comme fondateur du mouvement littéraire dit du « nouveau roman ». Il n’est pas interdit de penser que ces circonstances ont nourri la trame de son roman « Les Fruits d’or » paru en 1963. 

Le tropisme est une réaction d’orientation générée par un agent physique ou chimique, par exemple dans le cas du tournesol qui recherche le soleil. Au sens figuré, c’est un sentiment fugace, bref, inexpliqué face à un phénomène banal. Chaque texte s’attache à étudier la réaction d’inconnus, hommes et femmes, en contact avec leurs semblables, met en scène des personnages non définis, à peine esquissés, sans lien entre eux, juxtaposés, qui vivent un moment de leur vie d’une manière presque indifférente et qui se termine bizarrement dans une sorte d’expectative où rien ne se passe que des faits anodins, comme si l’intérêt de leur vie se résumait à une attente, à une immobilité (le verbe attendre revient souvent). Cette absence d’action se double d’une sorte de négligence, une sorte de lassitude face aux choses qu’on laisse se dérouler d’elles-mêmes sans qu’on fasse rien pour en modifier le cours. C’est le contraire du mouvement, un peu comme la tiédeur d’un dimanche après-midi qui distille l’ennui, la solitude, le temps qui passe inexorablement, mais aussi l’indifférence à l’autre quand la méchanceté qui est une des particularité de la nature humaine, ne vient pas bouleverser l’agencement de ce morne décor. Alors s’installe la peur de l’autre et aussi la haine, le plaisir de déranger sa vie, d’étouffer ses habitudes, ses espoirs avec des mots médisants, des actions malsaines parfois, pour le seul plaisir de se prouver qu’on existe ou d’exorciser sa propre lassitude de vivre. Cette vie artificielle s’étire, s’emploie à parler de tout et surtout de rien, à faire des plans sur la comète, à médire d’autrui, à exercer son imagination débordante et malveillante dans des domaines futiles et inutiles. Cette superficialité trouve aussi sa réalité dans la volonté de suivre la mode qui est à la fois changeante et frivole. Cette vie marginale, égoïste, ne se limite pas aux petites gens, ceux qui ne laissent aucune trace de leur passage, mais s’étend également aux intellectuels suffisants dont la conscience qu’ils ont de leur supériorité les distingue du commun, ceux qui trouvent dans la foi religieuse et ses rituels surannés une raison de vivre ou ceux que la culture enivre parce qu’elle entretient leur différence et leur en donne la certitude d’être différents, ceux qui se plaisent à croire que la vieillesse leur a conféré une forme de sagesse et donc d’importance avec des pouvoirs exorbitants ou que rien ne doit venir bousculer leur décor familier et immuable.

Il s’agit d’un essai dont la rédaction, cherche à redéfinir une nouvelle manière d’écrire, en réaction contre la seconde guerre mondiale, ses excès et ses violences, notamment la volonté nazie dont elle a été la victime d’exterminer les juifs.



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Tropismes

Un petit coup au moral. Voilà la seule chose que je retire de ce livre pourtant culte. À vrai dire, je viens tout juste de commencer ma lecture... qu'elle se termine déjà. À peine 80 pages. 80 pages en fait bien inutiles, car je n'ai absolument rien ressenti. C'est pour cela que je n'ai pas le moral. Je me dis que je suis passé à côté de quelque chose d'important, que j'ai manqué d'attention, que je n'ai pas su voir, comprendre, sentir...

Alors, je relis quelques chapitres (comme autant de paragraphes) et... toujours rien. Il ne se passe rien. Ni en moi. Ni dans le livre...

Eureka. Mais c'est peut-être cela l'idée ? C'est un livre sur le rien. Un rien que rien ne comble ni ne soustrait. C'est cela ? Haha, la bonne blague, quelle sacrée blagueuse cette Nathalie... !
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Tropismes

Radiographie des mouvements intérieurs effleurant la conscience…



Ni roman, ni nouvelles, il aura fallu cinq ans à Nathalie Sarraute pour écrire ce court livre décomposé en vingt-quatre scènes indépendantes les unes des autres, vingt-quatre fulgurances, vingt-quatre sensations que nous touchons parfois du doigt sans pouvoir les nommer et les décrire, telle de l'eau que nous voudrions attraper avec nos poings.

Sans doute sont-elles trop intérieures, trop intimes pour pouvoir être saisies sur le vif…trop fugaces et oniriques pour pouvoir être appréhendées avec conscience alors que déjà, juste après la fulgurance, cette sensation part en lambeaux comme un rêve au moment du réveil…trop imperceptibles pour que ces vibrations soient mises en langage. Ils se situent en amont du langage.



Pourtant Nathalie Sarraute veut précisément mettre des mots derrière ces sentiments indicibles, étranges, confus, qui nous assaillent par moment, « mouvements indéfinissables, qui glissent très rapidement aux limites de la conscience » anodins et insignifiants, invisibles, mais lourds de conséquences en réalité. Un effet papillon pouvant expliquer fuites, colères, dépressions, réactions incongrues, paroles inappropriées, gestes à priori inexpliqués…



Voilà une oeuvre éminemment originale, surtout en 1939 lorsqu'elle fut publiée. Il faut dire que pour Nathalie Sarraute, on « ne doit écrire que si l'on éprouve quelque chose que d'autres écrivains n'ont pas déjà éprouvé et exprimé ». C'est également souvent ce que recherche le lecteur, lire et éprouver quelque chose qu'il n'a pas éprouvé avec d'autres écrivains. C'est un pari en tout cas réussi de la part de l'auteure au point de devenir la figure emblématique de ce que nous avons appelé le « Nouveau roman ». Elle n'aura de cesse d'explorer ces tropismes qui, de livre en livre, apparaissent sous des formes diverses.



Tels des lambeaux de rêves capturés et interprétés, ces petits textes doivent être lus et relus pour que l'intraduisible soit traduit, pour fouiller la conscience et faire émerger l'inconscient. le tamis de Nathalie Sarraute est composé de mailles d'ironie froide, ou plutôt de neutralité, de lucidité, voire d'humour, léger ; ses mailles resserrées permettent de capter ces invisibles et frétillants fragments d'intériorité. Et c'est troublant car, parmi ces vingt-quatre tableaux le lecteur trouvera forcément une situation qui a été sienne un jour. Et lui permettra surtout de questionner ses propres vibrations internes.



Frénésie vestimentaire qui nourrit uniquement l'apparence, frénésie intellectuelle qui vise à figer et à absorber, gens médiocres à la psychologie figée, commérages incessants, frivolité, personnes qui usent de leur âge ou de leur sexe pour dominer, solitude, habitations sans âme, rôle à jouer et envie à réprimer selon les convenances sociales, obsession pour les choses…Paroles ou simple présence d'autrui, attitude, gestuelle…telles sont, entre autres, les éléments déclencheurs des tropismes.



« Et il sentait filtrer de la cuisine la pensée humble et crasseuse, piétinante, piétinant toujours sur place, toujours sur place, tournant en rond, en rond, comme s'ils avaient le vertige mais ne pouvaient pas s'arrêter, comme s'ils avaient mal au coeur mais ne pouvaient pas s'arrêter, comme on se ronge les ongles, comme on arrache par morceaux sa peau quand on pèle, comme on se gratte quand on a de l'urticaire, comme on se retourne dans son lit pendant l'insomnie, pour se faire plaisir et pour se faire souffrir, à s'épuiser à en avoir la respiration coupée… ».



Sensation d'enfermement, de panique, d'oppression jusqu'à la fuite pure et simple…



« Se taire ; les regarder ; et juste au beau milieu de la maladie de la grand-mère se dresser, et, faisant un trou énorme, s'échapper en heurtant les parois déchirées et courir en criant au milieu des maisons qui guettaient accroupies tout au long des rues grises, s'enfuir en enjambant les pieds des concierges qui prenaient le frais assises sur le seuil de leurs portes, courir la bouche tordue, hurlant des mots sans suite, tandis que les concierges lèveraient la tête au-dessus de leur tricot et que leurs maris abaisseraient leur journal sur leurs genoux et appuieraient le long de son dos, jusqu'à ce qu'elle tourne le coin de la rue, leur regard. »





Les tropismes sont les fruits de l'expérience et ce qui est fort dans ce petit ouvrage est le fait que Nathalie Sarraute arrive à nous les faire ressentir, à nous faire vibrer avec toute la gamme de ces sensations confuses entre impulsion et retenue. Des réminiscences troublantes pour le lecteur…Une lecture marquante qui parle à la part enfouie au plus profond de nous.

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Tropismes

Doucement, délicatement pour ne pas déranger, pour ne pas éveiller la vigilance de l'autre, celui qui rôde, qui nous épie et qui voit tout. C'est comme ça que j'ai ressenti l'écriture lumineuse de Nathalie Sarraute. Elle a cette façon si évidente de raconter avec des mots simples des choses tellement abstraites, de nous faire prendre conscience des malaises ou des boursouflures que les autres, notre famille, nos amis, nos voisins, nous causent et nous infligent.

Totalement déstabilisant dans la forme mais d'une puissance évocatrice folle, le livre est composé de tableaux miniatures représentant dans leur intériorité des personnages placés dans un cadre familial ou social, et agissant sur le personnage central. Je cherchais initialement le rapport entre ces tableaux mais ai été rapidement rassuré de savoir qu'il n'y en a pas. le fait d'accepter que l'intrigue n'existe pas conduit le lecteur à lâcher prise et à ne prendre les mots que pour ce qu'ils sont. Puisque tout est question ici d'être au monde, de sentir dans leur totalité les choses et les gens qui nous entourent et de constater que l'état dans lequel nous sommes n'est jamais le fruit du hasard, mais qu'il est au contraire induit par des échos générés par les autres.
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Tropismes

Tropismes est un recueil d'impressions, de pensées, de sentiments, dont la plupart des gens ont fait ou feront l'expérience un jour. Chaque récit part d'un cliché, d'une scène courante de la vie, que tout le monde connait ou croit connaitre, et évoque des sensations ou des réactions face à ces scènes.

Basiquement, Tropismes est un recueil de monologues intérieurs, dans un style "flux de conscience" à la Virginia Woolf.

Tropismes regroupe uniquement des textes déconnectés les uns des autres et sans être reliés par une trame narrative, une originalité qui fait sa force et sa faiblesse, mais chaque texte se laisse dévorer comme une petite friandise grâce à une prose coulante faite de phrases soigneusement construites et étoffées.

J'ai spécialement apprécié le deuxième récit (un homme assailli par les jacasseries du voisinage) et le onzième (une femme qui a soif d'apprendre).
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Tropismes

Trop confus pour en apprécier la valeur littéraire. L'abstrait se confond avec un réel que je devine plus que je ne le lit.
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Tropismes

Ce roman ressemble à un album d'instantanés, de touches impressionnistes de personnages, de sentiments, de sensations, de perceptions multi-faces. C’est très étonnant et déroutant à la fois. Ça suggère plus que ça ne raconte une histoire, une situation psychologique. Le lecteur a tout un travail de construction, d’assemblage des éléments du puzzle que lui présente l’écrivain. C’est aussi le lecteur qui participe à la création du roman, un peu comme un spectateur jouerait un rôle dans une pièce qui serait représentée devant lui, ou comme un amateur participerait à la création du tableau qu’il regarde. C’est le phénomène qui se produit dans l’art moderne. Je pense par exemple à la « Casbah » de Matisse : dans ce tableau le peintre ne fait que suggérer avec quelques aplats de couleurs et quelques traits et c’est le spectateur qui « compose le tableau ». C’est fascinant, car il y a ainsi autant de tableaux que de spectateurs. Dans un livre tel que « Tropismes », c’est la même chose. Et les contours sont tellement impressionnistes, qu’un même lecteur lira deux romans différents à deux moments différents !
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Tropismes

Le Nouveau Roman dans toute sa splendeur. Le travail d'interprétation est entre les mains du lecteur aguéri, les courtes histoires se dévorent au pétit déjeuner, dans les transports; partout avec facilité. Nathalie Sarraute nous guide à peine de quelques adjectifs soigneusement choisis, et nous partons à la rencontre du monde.
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Tropismes

J'avais déjà lu ce livre en février 2012 et je l'ai relu avec un grand plaisir en 2021.

En 1939, Nathalie Sarraute a publié ses premiers textes exprimant son ressenti , ce qui lui a permis de décrire ce qui se passe dans son for intérieur. C'est avec les textes courts de ce recueil intitulé "Tropismes" que j'ai vraiment compris ce qu'était l'introspection.

S'il n'est pas facile de rentrer dans l'univers de Nathalie Sarraute, quand on écoute bien, la profondeur des propos apparaissent.

Ce sont des pensées du commun dont il s'agit. Elle y évoque par exemple ce qu'elle éprouve au cours d'un repas lorsqu'une personne est présente et qu'il faut éviter de dire certaines choses qui fâche en sa présence ou lorsque l'on souhaite quitter la table discrètement.

Ses pensées peuvent aussi vagabonder au cours de promenades ou de rencontres mais pas seulement car dans le monde intérieur de Nathalie Sarraute, la famille et surtout les enfants tiennent une grande place : on les devine donnant la main aux passages cloutés, regarder les vitrines, écouter avec fascination les grandes personnes se parler...

Mais plutôt que le contenu des textes c'est la façon dont elle expose les sujets qui est exceptionnelle dans ce livre excellent parce qu'unique et inclassable dans une catégorie littéraire.





Challenge Riquiqui 2021

Challenge XXème siècle 2021

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Tropismes

Dans les années cinquante, nombre de français ont été soumis à d'étranges expérimentations littéraires, toutes ayant pour objectif d'éprouver leur résilience à diverses contraintes telles que l'absence de sujet, de personnages ou la disparition de la ponctuation. Toutes ces expériences ont été regroupées sous l'appellation commune de « nouveau roman ». Elles se sont déroulées sur une dizaine d'années avant de disparaître mystérieusement. Personne n'est à ce jour capable d'expliquer le but qui était recherché ni pourquoi ces expériences ont été réalisées. Certaines théories évoquent la possibilité qu'il puisse s'agir d'une action de déstabilisation d'ampleur, réalisée par des groupes terroristes, des pays ennemis, voire par des puissances extra-terrestres. Cependant, aucune revendication ou preuve de ces affirmations n'a jamais été produite par quiconque. La communauté littéraire mondiale reste encore à ce jour avec cette interrogation : « mais enfin, c'était quoi, le nouveau roman ? »
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Tropismes

Modernité de ce petit livre saisissant tout ce qui n'est pas verbal dans la communication, même et surtout quand elle se présente comme une insipide conversation. Écriture en cela théâtrale, suite de scènes quotidiennes et intemporelles.



Curiosité de ces courts récits donnant également en 1957 une représentation minutieuse et datée des années 40 ou 50, anticipant de huit années les Choses de Perec, dans leur intérêt pour ce que montrent et cachent aussi les objets de notre vie.
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Tu ne t'aimes pas

Après la lecture d'un livre de Sarraute, on ne peut être que vigilant et circonspect dans l'emploi des qualificatifs que nous serions impulsivement tentés d'accoler à son univers, à sa création. Car l'œuvre de Sarraute s'évertue justement à lutter contre toutes formes de réduction, de catégorisation et de pétrification par les mots et le langage. Pronoms personnels, adjectifs, noms, formules, sentences et clichés, nous sommes les jouets dociles d'une permanente assignation verbale: "tu ne t'aimes pas", "disent les imbéciles", "chez moi c'est pathologiques"... venant de soi et des autres, on se fige dans un rôle, on s'installe dans le confort d'un personnage. Alors puis-je poser en douceur, sans fracas, les mots fidélité et ironie devant ce "roman-chant-poème"? Oui, je... nous le pouvons, car après le succès d'Enfance, qui rassura les lecteurs et la critique par un apparent "raisonnable" alignement sarrautien aux pré-requis romanesques, elle leur a répondu en quelque sorte par la création d'une œuvre encore plus profondément déraisonnable et déconcertante.
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Tu ne t'aimes pas

Ce livre m'a été prêtée par une fille avec qui je suis allée à quelques rencards.



Elle m'a prêté son livre préféré du moment, je lui ai prêté le mien.



On a arrêté de se voir, elle ne m'a jamais rendu mon livre, je n'ai jamais pu lui rendre le sien.



Pourtant j'ai bien aimé ce livre, il est profond, il m'a permis de mieux la comprendre et peut-être de mieux voir pourquoi ça n'aurait pas marché entre nous. Résultat des comptes, ce livre est pour toujours attaché à elle, aux quelques baisemains qu'elle aura déposés sur ma main avant de partir, à ce rencard dans un parc dans lequel on a passé des heures à lire alors qu'une troupe de théâtre s'entraînait non loin de nous.



C'est un beau livre, mais je déconseille de le prêter à votre rencard.
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Tu ne t'aimes pas

Je retente la lecture de "Tu ne t'aimes pas" de Nathalie Sarraute avec plus de succès qu’il y a une dizaine d’années même si tout n'est pas limpide pour moi. Mais cette fois-ci j'ai compris qu'il n'y a pas d'histoire et que l'introspection fait place à l'intrigue d'un roman classique.



Voilà ce que j'écrivais en 2013 :

Dans la rubrique "nouveau roman" c'est le premier livre de Nathalie Sarraute que j'ai lu. S'agit-il d'une mise en scène pour tenter de comprendre ceux qui ne s'aiment pas? J'aime beaucoup l'écriture mais je ne suis pas entrer dans l'histoire et je n'ai pas vraiment compris. Je n'ai pas terminé le livre mais je ne renonce pas à lire Nathalie Sarraute!



J'ai bien fait de ne pas renoncer car ce livre est surprenant par son côté expérimental dont le thème est l'image que l'on peut avoir de soi et la façon dont on se dissimule derrière des personnages, comment on joue le jeu en quelques sortes. Dans "Tu ne t'aime pas" Nathalie Sarraute écrit "Nous n'arrivons pas à nous voir comme les autres nous voient" ou encore "Est-ce que l'on sait qui on est ?".

Elle montre que nous sommes des êtres multiples, plein de contradictions. Je ne connais pas grand-chose à la psychanalyse mais cela donne envie de s'intéresser un peu plus à ce qu'elle appelle le sentiment du MOI.

J'ai retenu (ou j'ai bien voulu comprendre) qu'il est bon d'être à l'écoute de ce qui se passe en nous.





Challenge Entre-deux 2024

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Challenge XXème siècle 2024
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Une réalité inconnue : Essais et entretiens, 19..

Derrière toutes les interventions de Nathalie Sarraute se trouve une même exigence : saisir les plus fines parcelles de réalité sous l’épaisseur des stéréotypes qui la recouvrent.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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Vous les entendez ?

"Vous les entendez ? est sans doute le roman le plus complexe de N. Sarraute. Sa fragmentation textuelle a pour objet, non pas seulement de rompre avec le genre « classique » du roman, notamment avec le déroulement d’une longue durée, mais surtout de mettre en forme la progressive dilatation d’une brève durée, à savoir quelques instants, apparemment insignifiants, vécus par un père et ses enfants. À mesure que le texte les dilate, il développe les fugaces impressions qui y sont éprouvées : de la sorte, il rend visible leur contenu invisible et met au jour des niveaux d’expérience de plus en plus primordiaux où les sujets perdent leurs contours et apparaissent tels qu’ils sont dans leur expérience irréfléchie, des pré-sujets indifférenciés et inséparés entre lesquels « une même substance circule librement »."
Lien : https://journals.openedition..
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Vous les entendez ?

Ne me demandez pas de vous résumer le livre, de vous expliquer quoi que ce soit, je n'ai toujours pas compris moi même. Je ne sais pas du tout ce que j'ai lu. Des suites de mots, même pas des phrases. Je n'exagère pas je vous jure, il y a une multitude de début de phrases... Sans suite. Rien n'est dit, tout est tellement suggéré que je n'ai littéralement rien compris.

J'ai refermé la dernière page en me demandant ce que je faisais là.

Voilà, c'était une chronique hautement professionnelle 😂. Maintenant si vous l'avez déjà lu, je veux bien un résumé du coup 🤣.
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Vous les entendez ?

Avec les tropismes, Nathalie Sarraute avait trouvé son filon. Sans dévier de sa ligne, elle a creusé toujours plus avant pour nous offrir une littérature poétique, émouvante et sensible, mais aussi très drôle. Et une lecture chronologique de son œuvre met au jour cette exploration toujours plus poussée de vibrations, d'émotions, de commotions, d'excitations intérieures, qui s'affranchissent progressivement de tout personnage et de toute intrigue. Dans "Vous les entendez ?", le temps est étiré à l'extrême et la voix narrative, navigant continuellement d'un vieux père à ses enfants, permet de s'attacher véritablement à ce qui vit et transpire chez chacun plutôt qu'à une fausse et réductrice caractérisation. Ainsi, le vieil atrabilaire est aussi le père aimant et aimé, et les jeunes impertinents d'attendrissants rejetons.
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