Après la
lecture d'un livre de Sarraute, on ne peut être que vigilant et circonspect dans l'emploi des qualificatifs que nous serions impulsivement tentés d'accoler à son univers, à sa création. Car l'oeuvre de Sarraute s'évertue justement à lutter contre toutes formes de réduction, de catégorisation et de pétrification par les mots et le langage. Pronoms personnels, adjectifs, noms, formules, sentences et clichés, nous sommes les jouets dociles d'une permanente assignation verbale: "
tu ne t'aimes pas", "
disent les imbéciles", "chez moi c'est pathologiques"... venant de soi et des autres, on se fige dans un rôle, on s'installe dans le confort d'un personnage. Alors puis-je poser en douceur, sans fracas, les mots fidélité et ironie devant ce "roman-chant-poème"? Oui, je... nous le pouvons, car après le succès d'
Enfance, qui rassura les lecteurs et la critique par un apparent "raisonnable" alignement sarrautien aux pré-requis romanesques, elle leur a répondu en quelque sorte par la création d'une oeuvre encore plus profondément déraisonnable et déconcertante.