Citations de Nicholas Tomalin (13)
Cette histoire , nous l'avons dit, ne comporte pas de héros. Mais elle a certainement une héroïne, c'est Clare Crowhurst.
Ses messages radio se bornaient au strict minimum pour cadrer avec un voyage autour du monde. C’est comme s’il avait voulu se réserver la possibilité de fabriquer ce faux voyage sans vouloir pour autant s’engager irrévocablement. Mais le choix ne pourrait demeurer ouvert pour toujours ; si réservés qu’ils fussent, ses télégrammes ambigus devraient bien donner quelques indications sur ses progrès. À mesure que les jours s’écoulaient, il devenait de moins en moins plausible d’arriver tout simplement dans un port quelconque et de se retirer honorablement de la course. À la fin, c’est le temps qui prendrait la décision pour lui.
Il [le bateau] était encore encombré de matériel entassé. Ils en firent le tri tant bien que mal puis rentrèrent à l’hôtel sur le coup de 2 heures du matin. Une fois couché, Donald demeura silencieux à côté de Clare. Après avoir paru se battre pour chercher ses mots, il déclara finalement d’une voix calme : « Chérie, je suis très déçu par ce bateau. Il n’est pas bien. Je ne suis pas prêt. Si je pars avec les choses dans cet état désespéré, comment pourrez-vous libérer votre esprit de ce souci ? »
Clare, à son tour, ne sut répondre que par une autre question : « Si vous abandonnez maintenant, serez-vous malheureux tout le reste de votre vie ? »
Donald ne répondit pas mais se mit à pleurer.
Nous avons laissé le récit se dérouler selon une chronologie strictement documentée, appuyée sur les copieux écrits de Donald Crowhurst lui-même. Si parfois, pour mieux suivre le fil des événements, nous nous sommes permis quelque spéculation sur l’état d’esprit de Crowhurst, voire sur l’un de ses faits et gestes, nous nous sommes toujours ingéniés à le laisser clairement entendre, sans jamais nous permettre de conclusions fermes sauf lorsque celles-ci s’imposaient à l’évidence.
Il se peut que malgré cette approche rigoureuse ce récit ait quelque chose du roman, mais ce sera seulement parce que le cours des événements réels a pris ici la forme inexorable d’une tragédie imaginaire.
[...] Ce qui précipita finalement la folie de Crowhurst, nous ne le savons pas de façon sûre.
[...] Il aura été écrasé par les pressions accumulées de la situation cauchemardesque dans laquelle il se trouvait, par la solitude, par un environnement hostile, l'effort épuisant que réclamait son mensonge.
[...] Sa fraude est, à beaucoup d'égards, la réalisation technique la plus extraordinaire de tout le voyage.
[...] Pratiquement, toutes ses actions au cours de la deuxième moitié de son voyage avaient été consacrées à rendre son histoire vraisemblable.
[...] Par-dessus tout, il y avait la certitude croissante que sa fraude ne passerait pas inaperçue.
[...] Je suis parti le 31 octobre, dernier jour autorisé par le règlement, et mon départ s'est effectué dans un véritable tourbillon. De ma vie, je n'avais pris la mer dans un tel état d'impréparation. J'ai appareillé sans avoir seulement pu hisser les voiles que j'avais l'intention d'utiliser, ce qui, pour un voyage de ce genre, touche presque à la folie.
Mais comme il l'avait toujours fait dans le passé lorsque les choses allaient mal, il cherchait à faire un geste dramatique qui lui permît d'imposer une marque durable sur un monde qui ne savait pas l'apprécier.
Il était en train de se faire une théorie selon laquelle l'esprit doit être indépendant du corps, si bien que dans quelques siècles, nous pourrons exister sans avoir de corps du tout.
L'aventure ne vaut que par ce qu'on risque, et c'est la seule chose qui nous fasse comprendre réellement quelle chose merveilleuse est la vie et comment on peut la vivre merveilleusement... Celui qui ne risque rien ne gagne jamais. Il vaut mieux tenter l'aventure et échouer que rester couché devant l'âtre comme un chat qui ronronne en dormant. Seuls les insensés se rient de ceux qui échouent. Les hommes sages se moquent des paresseux, de ceux qui sont pleins d'eux-mêmes ou alors de ceux qui sont si timides qu'ils n'osent jamais rien entreprendre.