Citations de Nicolas Jolivot (45)
Si une simple fleur peut me ravir à ce point, je pressens qu’une infinité d’autres choses ordinaires sauront me consoler. Et s’il suffit de regarder pour éprouver un plaisir intense, alors je chercherai du regard partout dans le jardin, dans la rue, et plus loin s’il le faut.
Comme la plage, n'appartenant ni à la mer ni à la terre, le jardin n'est pas une extension à ciel ouvert de la maison ni un lieu de pleine nature. Il est une frange, un lieu d'équilibre et de compromis. Le rôle de son détenteur est de léguer au suivant des mètres cubes de terre saine. Il se doit aussi de transmettre aux plus jeunes la nécessité de prendre le temps de regarder et d'écouter chacun des autres passagers du jardin.
En pratiquant l'art oublié de la marche à quatre pattes pour observer les insectes, ou celui de l'affût pendant de très longues minutes pour observer les oiseaux, je ne pensais pas, dans un premier temps, partager avec d'autres ce que chacun peut faire dans son propre jardin, à défaut dans un parc ou une forêt.
J'espère, dans un coin échappant à la part triste d'un monde gaspillant son temps sur les réseaux sociaux et oubliant de s'émerveiller sur des choses plus précieuses, moins coûteuses et moins polluantes, j'espère seulement qu'il restera un coin d'herbes folles laissées aux fées où l'on pourra voir une mémère crapaude sortir prendre le frais un soir d'été, éclairée par la blancheur lunaire d'une fleur de liseron chuchotant.
A la fin de la première guerre mondiale, des soldats américains sont venus en France. Dans la région, ils ont installé un camp à proximité de la ville, le long de la voie ferrée. Les témoignages de ces temps mouvementés rapportent que ces sammys attiraient inévitablement les jeunes femmes, et vice versa. Personne ne sait plus dans quelle circonstance ils se rencontrèrent, mais tout ce qu'on a retenu, c'est qu'un Yankee retourna dans son pays peu après l'armistice en laissant à mademoiselle Suzanne un souvenir dans un premier temps bien rond : mon grand-père. Si cette histoire effleurée peut aujourd'hui se lire comme un roman, j'imagine qu'être fille-mère et enfant sans père dans les années vingt devait être un fardeau bien lourd à porter.
Seizième jour au Japon, un seuil est atteint. Celui où la solitude et l'absence de dialogues commencent à peser. Je parle tout seul, ou à mon sac à dos que j'ai baptisé Wilson en souvenir du ballon confident de Tom Hanks dans le film de Zemeckis, Seul au monde. " Tu sais que j'en ai plein le dos de toi, Wilson !" ou dans la toile de tente : "Wilson, tu prends trop de place, pousse-toi mon gros !".
Je n'ai pas encore vu une seule voiture sale ou même légèrement rayée. On dirait que ces sortes de ports de yaourt sur roues ont tous été achetés la veille. Sur un parking de supermarché, j'ai surpris un homme en train de nettoyer ses jantes avec des.. lingettes.
Écrire "mon jardin " et insister sur le possessif est exagéré. Il ne s'agit pas d'une terre que je me serais appropriée et pourrais transformer à ma guise, Je ne la considère pas comme un bien matériel. "Mon jardin " existe seulement par la somme des moments où je m'y retrouve.
Ce jardin est à mes prédécesseurs aussi bien qu'à mes successeurs car un lieu ressemble à un galon infini, les bonshommes, eux, sont de simples motifs imprimés dessus. Je ne suis que l'élève et le passeur de ce minuscule bout de planète.
Maintenant que le facteur ne vient plus frapper à la porte pour me proposer une portée de chatons ou une vue du mont Saint Michel en couverture d'almanach, les jours sont devenus des cases blanches sur l'agenda de mon ordinateur. Je ne sais plus quand fêter les Violette ou les Jacinthe.
En février 2019, revenant d'un énième voyage en Chine, je sentis que mon quota de déplacements était atteint. J'avais eu la chance insolente de parcourir le monde pendant près de trente ans, sans soucis particuliers, pour le plus grand bonheur de mes yeux. Le temps était venu de calmer le jeu (...) . En mars suivant, je commençai à me consacrer au jardin, motivé par l'objectif de répertorier tout ce qu'il contient. Après un mois de prospection, je pris conscience que le mouvement perpétuel de la nature et l'infini du minuscule rendent la tâche illusoire.
Je compris que mon jardin de trois cent mètres carrés, pour un observateur attentif, est aussi vaste que la Chine.
Un éclat rouge inattendu perturbe la grisaille du brouillard endormi au-dessus du jardin. Un Pic épeiche vient faire un tour.
L'homme est une espèce décidément bien versatile.
L'herbe de la pampa, avec ses plumeaux soyeux et ses longues feuilles coupantes, fut la star des pelouses de lotissements au début des années soixante-dix. Depuis, les autorités l'ont passée dans la catégorie des plantes indésirables pour sa faculté à se multiplier sans se tenir.
Si la Pie est dite bavarde, comment doit-on qualifier la Grive musicienne?
Les graines peuvent sommeiller longtemps dans le sol. Et puis, un jour, à la faveur de conditions météorologiques adaptées, elles se mettent à germer.
Au printemps, les jeunes pousses tubéreuses de dahlia à peine sorties de terre ont rendu les limaces et les escargots fous de gourmandise.
Le couple de pigeons vit d'amour et d'eau douce. Leur nid dans le laurier est fabriqué sommairement, un panier percé.
Quatre! Je suis sidéré, tout aussi ravi; quatre petits hérissons se promènent en traînant leur jupe de poils sur les feuilles mouillées. Une portée entière!
Une grenouille, hors de son élément habituel, s'oriente toujours vers l'eau afin d'y plonger directement au moindre mouvement suspect derrière elle.
Les grenouilles vertes ne sont pas toujours vertes. Elles sont parfois entièrement de couleur gris marron ou panachées.