Essais de voix malgré le vent

Publié en 2004 chez Champ Vallon, Essais de voix malgré le vent, recueil récompensé par le Prix Mallarmé, est l'oeuvre d'Olivier Barbarant, un poète marquant de sa génération. Grand spécialiste de Louis Aragon, je l'ai découvert au travers de Odes dérisoires et autres poèmes édité chez Poésie Gallimard.

Dans ce livre, Olivier Barbarant utilise la métaphore du vent pour égrainer quelques-uns des thèmes qui lui sont chers (la marche du monde, la présence de l'autre, la solitude, la maladie,…) . Dans une écriture intimiste, il fait apparaître un sentiment d'usure, de désenchantement face à la disparition progressive, presque inéluctable, des particularités du langage, de son usage. le désordre, la confusion de notre époque fait perdre à la langue ses nuances, se apports. Un monde qui lui assigne l'efficacité, la subversion, le slogan, etc. Immatérielle, la langue devient comme une monnaie d'échange, quelque chose qui nous éloigne les uns des autres, plus qu'elle ne nous rapproche.


"L'ombre dit : Cette neige odorante tendue à bout de bras
Dans le vernis des feuilles et le velours du ciel ne servira de rien
L'avenir véritable est tapi parmi les racines "


Pour autant, Barbarant ne se veut pas être l'énième contempteur de son époque, un anti-moderniste de plus. le monde contemporain sert de caisse de résonnance à sa poésie, il en est comme sa condition. Si son écriture laisse transparaitre un certain dépit, une incompréhension, une révolte contre le monde qui l'entoure (d'où les titres de certains de ses poèmes : Élégie à Leïla, Complainte du poème peinant à s'engager, ou Essai de voix pour la très obscure, Essai de voix pour en finir,…), elle porte toutefois en elle l'allant et l'opiniâtreté du langage, la recherche de sa consistance, de sa matérialité.

Poèmes de circonstances, poèmes de lieux (Quartier Beaubourg, Gare du Nord à Paris) ou poèmes-hommages (à John Keats, Evgueni Essenine, Théophile de Viau, au peintre Chaïm Soutine) et autobiographiques, tout chez Olivier Barbarant s'inspire de l'expérience, du tangible.

Contre la force du vent (du monde qui va) comme forme de dislocation du langage, d'affermissement du sens, Olivier Barbarant espère toujours dans l'enracinement, dans le malgré ça, dans une résistance qui soit à la (dé)mesure de l'époque, exigeante et nécessaire.

" […]
J'existe à livre ouvert ayant pour idéal le ventre bien béant
J'ai fait de mon coeur un déambulatoire
A chaque étoile bougeant en moi j'ai besoin du stylo
Pour donner forme instable à ce qui a frémi que je vous
apporte presque aussitôt
En comptant tout de même le temps de quelques ratures
sur les épreuves
Le joli mot où vivre s'éprouve puisqu'il s'agit de comparer
Mesurer ma perte à la vôtre ou à la taille de vos yeux à la
place que vous lui ferez
Rien en effet n'allant sans dire
Ni le repos l'âme dénouée ni l'effroi
[…] "

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