Citations de Ousmane Diarra (39)
"-Tu es trop pessimiste ! - Non, je suis trop réaliste, mon ami ! Parce que, quand tout un peuple choisit dramatiquement de vivre à travers les rêves d'autrui, il est foutu ! Et c'est notre cas ! On ne peut vivre du rêve des autres. Il nous faut réinventer nos propres rêves du bonheur, de conquête du paradis ! Rêver par la tête d'autrui est toujours fatal !"
Parce que la pire des colonisations est celle qui se fait par la conscience (184)
Eh Allah ! Et nous, désormais démunis d'esprit et de conscience, et pauvres cons devenus, on a accepté bêtement que les autres nous refilent ainsi leurs peurs revenues du fond des ages !
On n'a même pas su dire "Non. Allez vendre vos peurs ailleurs ! Nous, on en a déjà assez avec nos pallus chroniques et nos sécheresses et nos famines et nos mortalités et nos morbidités élevées plus que nulle part ailleurs au monde ! "
"Non", c'est pourtant très facile à dire quand on n'est pas d'accord. Mais nous, on était presque tous d'accord. Parce qu'on avait perdu nos consciences et notre mémoire, en plus de toute notre intelligence. (p57)
J'étais consterné, décontenancé. Je ne savais plus à quel saint me vouer. Qui croire, qui ne pas croire dans ce monde aux contours imprécis, où mes bourreaux crient à la place des victimes ?
Je l'ai fait sans regret aucun. Et aussi en me disant qu'après tout, un nom, ce n'est pas une marque déposée dans l'éternité. Surtout dans notre cas d'espèce, nous autres blacks nègres afro-africain désespérément vissés au bled-continent, taillables et corvéable à merci.
Tandis que pour les autres aspirants Morbidonnes ordinaires de mon âge, c'était tout juste un ou deux mois d'entraînement au maniement des armes et des explosifs. Ils étaient ensuite bourrés de stupéfiants et de foi, puis expédiés au feu. Avec ordre de n'en revenir vivants que lorsqu'ils auraient fini de tuer tous les ennemies du Calife Mabu Maba dit Fieffé Ranson Katar Ibn Ahmad Almorbidonne!
Ce n'était donc pas notre première expérience du djihad, ce fléau sans fin qui, comme la sécheresse et les criquets pèlerins, nous assiégeait depuis des siècle. "Comme la mémoire de l'oralité est fêlée et mensongère ! Elle ne retient de l'histoire que sa coquille vide. Et au bout de deux où trois génération, l'essentiel est oublié au profit de la légende !"
Nous amener avec lui sous des cieux où l'on enseigne aux enfants l'art de vivre et non de mourir n'aurait, en effet, rien coûté à son orgueil de nationaliste fieffé.
Non, je suis trop réaliste, mon ami! Parce que, quand tout un peuple choisit dramatiquement de vivre à travers les rêves d'autrui, il est foutu! Et c'est notre cas ! On ne peut vivre du rêve des autres. Il nous faut réinventer nos propres rêves du bonheur, de conquête du paradis! Rêver par la tête d'autrui est toujours fatal!
Brusquement, le moteur s'est emballé, cognant les têtes des passagers, et le chauffeur a encaissé ses premières injures de la journée avant sa recette du soir. Ce n'est guère une exagération de dire que ce bus vert de Bamako, le Sotrama, est un tombeau roulant : il a démarré en trombe, a roulé à tombeau ouvert comme s'il sortait de l'enfer pour occuper la dernière place du paradis.
Quand les griots de chez nous s'en mêlèrent en déformant notre histoire et nos cultures, le vacarme devint si fort dans nos têtes que tout le monde perdit le sommeil, en même temps que la mémoire, en plus de l'intelligence. C'est ce qu'attendaient les gamins imams qui en profitèrent pour gaver nos consciences orales fatiguées avec les peurs et les ignorances qu'ils avaient patiemment amassées dans les quatre coins du monde.
Et Allah ! Et nous, désormais démunis d'esprit et de conscience, et pauvres cons devenus, on a accepté bêtement que les autres nous refilent ainsi leurs peurs revenues du fond des âges !
"Être mourru" signifie être venu au monde à moitié mort. Et c'est au monde d'achever le processus de ta mort, brutale ou à petit feu. Brutale est plutôt mieux. Ta seule mission au monde étant de finir de mourir!
Tandis que "tu es mort" veut dire que tu es venu vivant...
(P.56)
Pourtant, c'était mon ami, le seul que je n'avais pas eu besoin d'acheter. Parce qu'il était beau dans sa candeur, magnifique dans sa naïveté. Sans doute l'un des derniers idéalistes d'un monde désormais sans idéaux ! (P.69)
Et gare à quiconque, désormais, lui réclamerait un sou, un seul kopeck en plus de la démocratie et du libéralisme dont il avait fait cadeau au peuple ! Cadeau et gratuit. (...)
...chaque citoyen de se prendre en charge et de foutre la paix à l'État !
(P.31)
En vérité, puisque la vérité est multiple au pays de la sagesse, c'est que le Président albinos noir invulnérable au fer et aux sortilèges des hommes voyait ce que nous, on ne voyait pas. Il voyait les bailleurs de foi se presser aux portiques du pays, avec plein de sac remplis de dollars américains. Les bailleurs de foi qui se riaient au nez des batteurs de foin:
(P.27)
Les anges comme mes hommes doivent mériter l'enfer ou le paradis.
Et chaque animiste idolâtre noir massacré était un pas gagné vers le paradis éternel ! Et le temps était compté !
(P.16)
- Le puits qu'on creuse aujourd'hui, c'est pour prévenir la soif de demain. Demain, il sera trop tard. Car celui qui meurt de soif n'a point de force pour creuser, me répondit le vieux diable en caressant sa barbe méphitique.
-Mariko, il ne faut pas tuer les animaux comme tu le fais. Si tous les chausseurs faisaient comme toi, il n'en resterait plus un seul. Continue et tu risques de faire fuir la nature.
«Comme la mémoire de l'oralité est fêlée et mensongère! Elle ne retient de l'histoire que sa coquille vide. Et au bout de deux ou trois générations, l'essentiel est oublié au profit de la légende!»
On ne peut vivre du rêve des autres. Il nous faut réinventer nos propres rêves du bonheur, de conquêtes du paradis! Rêver par la tête d'autrui est toujours fatal!