Pascal Dessaint

Tous les quatre, nous sommes chacun à notre façon paralysés par la joie et la peur. Je n'ai jamais éprouvé pareille émotion. Elle nous fige comme du ciment.

Je pense à ce que dit l'oncle Étienne parfois : "C'est pas parce que les gens manquent d'instruction qu'ils ne sont pas intelligents."

Il en allait des plantes comme des hommes. La chance de s'épanouir, de croître et d'embellir dépendait beaucoup du cadre de vie.

L'humanité est en train de muer en quelque chose de singulièrement détestable.

Cette mer se retirait si loin parfois que l'on pensait que même en courant à perdre haleine, des heures, une journée entière, on ne pourrait jamais atteindre les vagues qui se confondaient longtemps avec les brumes de chaleur.

La vie m'a appris qu'il ne peut y avoir toutes les qualités en une seule personne, ni tous les défauts.

La digue n’était pas toujours accessible et, pour empêcher les gens de venir, on levait le pont de chaque écluse. Mais la plupart du temps, c’était ouvert, et certains jours ça se bousculait, malgré les panneaux d’interdiction de circuler, il y avait de la place pour tout le monde, parfois tellement de monde qu’on se serait cru sur la Côte d’Azur, à la condition de tourner le dos aux usines bien sûr.

La vie m’a appris qu’il ne peut y avoir toutes les qualités en une seule personne, ni tous les défauts.

Ce qui serait bien avant de mourir, ça serait d'être heureux, un peu, tu ne crois pas ?

On a une mauvaise vue d'ensemble quand on voit les choses de trop près...
[Gabin dans Le président d'Audiard]

Un bateau qui passe, c'est toujours un rêve possible. J'ai pris entre mes doigts un gazier, un pétrolier, un porte-conteneurs et, pendant un long moment, un vieux gréement toutes voiles gonflées, une frégate peut-être. Les falaises ont semblé s'amincir, puis se diluer et se fondre dans l'horizon. Quand la nuit est complètement tombée, c'est devenu très beau. Les navires étaient tout illuminés. Il y avait moins de lumière sur la côte si bien que la mer paraissait plus vivante

Quand un gars récidive, c'est pas qu'il est plus con qu'un autre. C'est seulement qu'il est con plus souvent. Nuance.

Un bateau qui passe, c'est toujours un rêve possible.

D'après un clochard anonyme :
Boire le bouillon est une chose, trouver la force pour laver l'écuelle en est une autre.

Anatole aimait beaucoup sa maman, une femme douce comme une râpe à fromage mais sincèrement aimante.

- Je m'appelle Lucille, j'ai vingt-six ans et je suis fatiguée de vivre.
- Eh ben, nous voilà bien !

C'est heureux que certaines personnes sortent bel et bien de votre vie, parce que sinon ça serait surtout du dépit à ruminer, sans savoir faire comment faire autrement. L'avantage avec les morts, c'est qu'ils ne mourront pas une seconde fois. Avec les vivants, il y a le risque qu'ils reviennent, un jour, même longtemps après, et qu'ils vous perturbent.

– Je n'imagine pas me priver des bons poulets que j'élève. Je ne les mangerais pas qu'ils n'auraient aucune raison d'exister. Des tas d'espèces disparaîtraient si on ne les consommait pas. Je ne comprends pas trop... En fait, ça pose une question plus profonde... Comment peut-on respecter la Nature en niant sa nature ?

Au printemps, les acacias avaient fleuri avec un mois d’avance. Les abeilles s’étaient mises à butiner mais très vite le temps avait brusquement changé. Une chaleur précoce avait été remplacée par une pluie constante et une fraîcheur inhabituelle. Cela avait duré des semaines et compromis les miellées de tilleul et de châtaignier. En juin, j’avais constaté avec horreur que les abeilles, affamées, se nourrissaient de leurs larves. Je m’étais refait sur la bruyère grâce à un été plutôt chaud, mais je n’atteindrais pas le tonnage souhaitable. Au printemps également, un pivert s’était employé à piller un de mes ruchers. Je ne pouvais pas tuer l’oiseau et j’avais dû me résigner à déplacer mes ruches. Mais il y avait eu plus grave encore. Les frelons asiatiques avaient décimé deux colonies. Jamais jusque-là ces frelons tant redoutés par les apiculteurs n’avaient frappé à ces altitudes. Bientôt, tout le pays serait sous la menace, comme si nous n’en avions pas assez avec les OGM et les pesticides.

Un cimetière est parfois le chemin le plus court pour rentrer chez soi. Il y avait un portail de chaque côté et ça m’évitait de faire le tour. Comme j’en avais l’habitude, j’ai passé un moment sur la tombe du fiston. Quand Laurent était mort, je n’avais pas versé une larme. J’avais tout gardé en moi. Ça remontait à une vingtaine d’années. Laurent n’avait pas quinze ans. Un accident de scooter. Une chaussée verglacée, une glissade et un poids lourd qui ne parvient pas à freiner dans le virage. La vie s’arrête bêtement. Ça ne serait pas arrivé si nous avions vécu en ville. Mais comme avaient estimé beaucoup de gens alors, pour nous consoler et ça ne m’avait pas consolé, il serait peut-être mort d’autre chose. Quand je parle de toutes les imbécillités que peuvent dire les gens ! Mais ils ne pensent pas forcément à mal.