AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Pat Conroy (461)


Je me mis à aimer le silence des petits matins. C'est dans le calme que je commençai à tenir un journal où je consignais de solennelles remarques dans la calligraphie convenue de l'enseignement public, les caractères s'étant rétréci au fil des ans en écho à mon propre déclin.
Commenter  J’apprécie          540
Pour décrire notre enfance dans les basses terres de Caroline du Sud, il me faudrait vous emmener dans les marais un jour de printemps, arracher le grand héron bleu à ses occupations silencieuses, disperser les poules d'eau en pataugeant dans la boue jusqu'aux genoux, vous ouvrir une huître de mon canif et vous la faire gober directement à la coquille en disant : "Tenez. Ce goût-là, c'est toute la saveur de mon enfance." Je dirais : " Inspirez fort", et vous avaleriez cet air dont la saveur serait inscrite dans votre mémoire pour le restant de vos jours, arôme exquis et sensuel, impudent et fécond des marais, parfum du Sud caniculaire, du lait frais, du sperme et du vin répandu, avec, toujours un relent d'eau de mer. (...) J'ai le patriotisme d'une géographie singulière; je parle de mon pays religieusement; je suis fier de ses paysages.
Commenter  J’apprécie          446
J'aimerais ne pas avoir d'histoire à raconter. Pendant de longues années, j'ai fait comme si mon enfance n'avait pas existé. Il me fallait la tenir bridée, bien haut serrée contre ma poitrine. Je ne pouvais pas la laisser s'exprimer. (...) Avoir ou ne pas avoir de mémoire relève d'un choix personnel, et j'avais choisi (...). Parce que j'avais besoin d'aimer mon père et ma mère dans toute leur monstrueuse et imparfaite humanité, je ne pouvais me permettre de les interpeller directement pour les crimes qu'ils avaient commis contre nous trois. Je ne pouvais les tenir responsables ni les accuser de forfaits commis involontairement. Eux aussi, ils avaient leur histoire - une histoire dont je me souvenais avec tendresse et douleur à la fois, une histoire qui me faisait leur pardonner leurs fautes envers leurs propres enfants. A l'intérieur d'une famille, il n'y a pas de crime inaccessible au pardon.
Commenter  J’apprécie          404
Quand un enfant subit la réprobation de ses parents, surtout si les parents joue de cette réprobation, il n'y aura jamais pour lui d'aube nouvelle lui permettant de se convaincre de sa propre valeur. Une enfance saccagée ne se répare pas.
Commenter  J’apprécie          389
A l'intérieur d'une famille, il n'est pas de crime inaccessible au pardon.
Commenter  J’apprécie          380
Puis Savannah sortit de la maison. Et il se passa alors quelque chose que je suis incapable d'expliquer, une chose que je ressentis au moment où ils coururent l'un vers l'autre, que je ressentis au plus profond de moi, en un lieu intouché qui vibra d'un mystère instinctuel, enraciné dans l'origine des espèces - indicible, encore que je fusse conscient que ce qui s'éprouve peut être nommé. Ce ne furent ni les larmes de Savannah, ni celles de mon père qui déclenchèrent cette résonance, cette farouche musique intérieure, faite de sang, de ferveur, d'identité. C'était la beauté et la peur de la parenté, des liens ineffables de la famille, qui faisaient chanter une flamboyante terreur et un amour paralysé à l'intérieur de moi. Mon père était là, source de toutes ces vies, source de toutes ces larmes, mon père qui pleurait maintenant, qui sanglotait, sans honte. Les larmes étaient de l'eau, de l'eau salée, et derrière lui je voyais l'océan, j'en sentais l'odeur, avec le goût de mes propres larmes, la mer et la douleur en moi, fuyant dans le soleil, et mes enfants qui pleuraient de me voir pleurer. L'histoire de ma famille était une histoire d'eau salée, de bateaux et de crevettes, de larmes et de tempêtes.
Commenter  J’apprécie          381
Ce fut ma mère qui m'inculqua l'esprit sudiste dans ce qu'il a de plus intime et de plus délicat. Elle croyait que les fleurs et les animaux faisaient des rêves. Lorsque nous étions petits, le soir, avant de nous coucher, de sa voix de conteuse ma mère nous révélait que, dans leurs rêves, les saumons voient des cols de montagne et des museaux d'ours bruns penchés sur l'onde claire des torrents. Les vipères, disait-elle, rêvent de planter leurs crochets dans les tibias des chasseurs. Dans leur sommeil, les orfraies sentent crier et voient leur double plonger lentement, au profond, pour attraper les harengs. Les cauchemars de l'hermine sont peuplés des rudes battements d'ailes des chouettes, et l'immobilité nocturne de l'orignal subit le souffle qui annonce l'approche des loups gris.
Mais de ses rêves à elle nous n'avons jamais rien su, car ma mère nous tenait à l'écart de sa vie intérieure. Nous savions que les abeilles rêvaient de roses, les roses des pâles mains des fleuristes, tandis que les araignées rêvaient des sphinx qui se prendraient dans leurs toiles argentées. Enfants, nous étions les dépositaires de ses éblouissantes vêpres de l'imagination, mais nous ignorions que les mamans rêvent aussi.
Commenter  J’apprécie          352
J'avais beaucoup appris quant à la place donnée à un écrivain sur un tournage d'un film tiré de son livre. La règle est simple : on ne voulait pas de lui.
Commenter  J’apprécie          350
Un sourire, ça commence dans les orteils. Plante tes pieds fermement dans le sol, qu'il puisse monter le long de tes jambes. Puis escalader ton aine et foncer dans ta colonne vertébrale comme un train. Qu'il explose dans ta bouche tel un feu follet et ébranle tes dents.
Commenter  J’apprécie          340
Je ne pouvais pas supporter l'idée d'avoir écrit un roman de cinq cents pages seulement parce que j'avais besoin d'aimer mon père.
Commenter  J’apprécie          330
J’ai grandi en Caroline du Sud où je suis devenu un homme, un Blanc sudiste, et je vivais avec brio la haine que j’avais consciencieusement appris à nourrir contre les Noirs lorsque le mouvement en faveur des droits civiques m’est tombé dessus sans crier gare, au détour d’une barricade, me démontrant à la fois mon ignominie et mon erreur. Comme j’étais un garçon réfléchi, sensible et épris de justice, j’ai fait mon possible pour me réformer et jouer un petit rôle insignifiant dans ce mouvement, ce dont je me suis empressé de tirer un orgueil plus qu’excessif. Puis je me suis retrouvé à l’université où je suivais la préparation militaire des Officiers de Réserve composé exclusivement de jeunes mâles de race blanche, et je me suis fait craché dessus par des militants pacifistes que mon uniforme dérangeait. J’ai fini par rejoindre les rangs de ces manifestations, mais je n’ai jamais craché sur quiconque ne partageait pas mes opinions. Je pensais passer tranquillement le cap de la trentaine, en brave contemplatif à l’humanisme irréfutable, lorsque le mouvement de libération de la femme m’a coincé au détour d’une avenue et, une fois de plus, je me suis retrouvé du mauvais côté de la barricade. Apparemment, j’incarne tout ce que le XXe siècle compte de turpitudes.
Commenter  J’apprécie          320
Notre vie dans la maison au bord du fleuve avait été dangereuse et nocive, pourtant, nous nous accordions à lui trouver des aspects merveilleux. Elle avait en tout cas donné des enfants extraordinaires et vaguement étranges.
Commenter  J’apprécie          290
Le révisionnisme est le pire ennemi du féminisme. La structure de pouvoir masculine sélectionne des mâles à grosses bottes pour écrire des textes qui désarment les femmes ou les rendent invisibles. Encore pire, pour nous faire passer pour des sorcières, des diablesses ou des banshees, bonnes pour le bûcher.
Commenter  J’apprécie          262
"Hé, où allez-vous ? demanda-t-il ?
- Je rentre chez moi", dis-je sans me retourner. Je l'entendis courir derrière moi.
"Pourquoi ?
- Parce que tu es trop nul, mon petit gars. Va donc faire du violon, ça fera plaisir à tes parents. En plus, je ne supporte pas ton attitude. Et si moi je ne la supporte pas, je vois mal comment tu pourrais un jour t'imposer comme meneur dans une équipe. Bouger un peu ton cul de pleurnichard pour devenir un quarterback."

"(...) Mais tu es un sale petit con et j'aimerais t'aider à comprendre pourquoi tu es comme ça."
Il respira un grand coup, tremblant, désemparé.
"Va te faire enculer, mon pote, dit-il d'une voix qui annonçait les larmes.
- C'est déjà fait. Je me suis fait enculer en acceptant de te rencontrer.
- Je n'ai rien à voir là-dedans, dit-il, contrôlant sa voix avec difficulté.
- C'est là que tu te trompes, Bernard, dis-je, prêt à porter le coup de grâce mais la mort dans l'âme tandis que ma voix se faisait plus froide et plus cinglante. J'ai rarement vu de gosse aussi mal dans sa peau de toute mon existence. Et je sais déjà une chose, à ton sujet, alors que je ne te connais que depuis cinq minutes. C'est que tu n'as aucun ami dans ce foutu monde. On doit se sentir seul pendant l'hiver, là-bas, à Phillips Exeter, non, Bernard ? Est-ce qu'ils te cherchent ? Je sais que tu es rejeté, mais est-ce qu'en plus tu leur sers de tête de Turc, Bernard ? Est-ce que ta vie là-bas ressemble à un cauchemar ? Est-ce qu'ils te molestent, Bernard ? Vois-tu, je connais bien les garçons et je sais comment ils traitent les inadaptés. Comment s'appelle ton copain, Bernard ? Dis-moi son nom."
Il se mit à pleurer, tenta de ravaler ses larmes, mais elles jaillirent de ses yeux comme le flot trop puissant par-dessus la digue.
Commenter  J’apprécie          265
Avec ma mère, j'eus un aperçu de Becky Sharp, de Lady Macbeth, d'Anna Karenine et de madame Bovary bien avant de lire les ouvrages qui les avaient introduites dans le monde de la littérature.
Commenter  J’apprécie          250
Parce que nous sommes humains. Comme tout le monde. Et plus on vieillit, plus on le devient. Et plus on le devient, plus nous souffrons.
Commenter  J’apprécie          250
Mes larmes à moi semblaient être figées, gelées dans un glacier auquel je n'avais même pas accès à l'intérieur de moi. Quel genre d'homme étais-je pour ne même pas pleurer au chevet de ma mère mourante.
Commenter  J’apprécie          240
"Au coucher du soleil, nous regardons monter la marée, en parfaite congruence avec le lever de lune. Peu importe l'heure, la rivière s'étale dans les pièces d'or jetées par le soleil; scintillant comme un chemin de table au milieu du vert transcendantal du grand marais salé. Chaque détail que nous remarquons est une pièce d'horlogerie qui nous rappelle le roulement de tambour assourdissant de nos propres jours de mortels."
Commenter  J’apprécie          240
Le soir, après l'Happy Hour, mon père garait sa voiture devant la maison pour rejoindre sa femme et ses sept enfants. Il sortait de son véhicule, pareil à un jeune premier dans son blouson de vol, et marchait vers la maison, ivre et voûté, écrasant les petits animaux lors de sa la lente progression.
Ma sœur Carol Ann, postée à la porte, s'écriait, "Godzilla est de retour !" et nous, ses sept enfants, galopions jusqu'à elle pour le voir faire son entrée.
La porte était grande ouverte et le plus puissant des pilotes des Marines rugissait : "Prêts pour le pilote de chasse".
Il alignait alors ses sept enfants le long du mur et leur demandait :
"Qui est le plus grand de tous ?
- C'est toi, O Grand Santini, c'est toi.
- Qui sait tout, voit tout et entend tout ?
- C'es toi, O Grand Santini, c'est toi."
Nous ne menions pas alors une enfance normale et pourtant, aucun de nous n'en était vraiment sûr car c'était la seule enfance que nous aurions jamais.
Pour nous, tous les hommes rentraient à la maison en criant à leur famille, "Prêts pour le pharmacien" ou "Prêts pour le chiropracteur".
Dans le monde bizarre et déconcertant des enfants, nous savions que nous étions en présence d'une personnalité écrasante et phénoménale mais nous n'avions pas conscience d'être élevés par un génie dont le mythe était auto entretenu.
Commenter  J’apprécie          230
- Sans vouloir vous choquer, Tom, la première fois que je l'ai vue, elle était en train de se couvrir de ses propres excréments.
- Je ne suis pas choqué.
- Pourquoi ?
- Je l'ai déjà vue se couvrir de merde. Ça choque la première fois. Eventuellement la deuxième. Ensuite on s'habitue et cela devient une composante du décor.
- Où l'avez-vous vue la première fois ?
- A San Francisco. Elle faisait une tournée de lectures. Elle s'est retrouvée dans un authentique asile de fous. L'endroit le plus sinistre que j'aie jamais vu. J'étais incapable de dire si se tartiner de merde relevait de l'expression de la haine de soi ou d'une façon personnelle de repeindre sa chambre.
- Vous faites de l'humour sur la psychose de votre soeur. Vous êtes vraiment quelqu'un de bizarre !
- C'est la manière sudiste, docteur.
- La manière sudiste ? dit-elle.
- L'immortelle expression chère à ma mère. Nous rions quand la douleur se fait trop forte. Nous rions quand la pitié de l'humaine condition devient trop pitoyable. Nous rions quand il n'y a rien d'autre à faire.
- Quand pleurez-vous ?
- Après avoir ri, docteur. Toujours. Toujours après avoir ri.
Commenter  J’apprécie          230



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Pat Conroy Voir plus

Quiz Voir plus

Le prince des marées de Pat Conroy

Qui est l'aîné des enfants Wingo?

Tom
Luke
Savannah
Ce sont des triplés

10 questions
64 lecteurs ont répondu
Thème : Le Prince des Marées de Pat ConroyCréer un quiz sur cet auteur

{* *} .._..