Citations de Patrice Delbourg (56)
Mon âme est comme un cil sans bornes ;
Elle a des immensités mornes
Et d'innombrables soleils clairs ;
Aussi, malgré le mal, ma vie
De tant de diamants ravie
Se mire au ruisseau de mes vers.
Charles Cros (la solitude du hareng saur)
"Les Poulpes", excroissance fantasmatique et baroque qui retrace la vie larvaire des prisonniers de guerre, impitoyable réquisitoire contre la tyrannie de la chiourme nazie, guignol dérisoire d'un gnouf de mort lente écrasé sous la botte totalitaire, élève l'entreprise de Guérin à la hauteur d'une Métropolis moderne. Des pages concassées, broyées pour faire digue contre le temps. Maëlstrom de langage en fusion, coulée croissante, irrésistible, qui jette la passerelle d'une osmose entre quotidien et imaginaire.
Gare de la douleur, j'ai fait toutes tes routes.
Je ne peux plus aller, je ne peux plus partir.
J'ai traîné sous tes ciels, j'ai crié sous tes voûtes.
Je me tends vers le jour où j'en verrai sortir
Le masque sans regard qui roule à ma rencontre
Sur le crassier livide où je grimpe vers lui,
Quand le convoi des jours qui brûle ses décombres
Crachera son repas d'ombres pour d'autres ombres
Dans l'étable de fer où rumine la nuit."
Léon-Paul Fargue (taxi en maraude)
La seule vie de café le tenait en équilibre
comme l'assiette en kaolin toupille au bout de la tige du saltimbanque chinois.
p 49
L'aimable barde est bavard, disert, aime les méandres de la conversation, l'engage avec des gens divers et de toutes conditions, du diplomate au manutentionnaire, du préfet au savetier. Querelles et brouilles font partie de la représentation. (p.12)
Ce matin,il avait choisi d'extraire en douce des rayonnages un exemplaire de -Corinne ou l'Italie-, d'Anne-Louise Germaine Necker, baronne de Staël Holstein,dite"Mme de Staël ", et d'aller consciencieusement le noyer sous l'arche du pont Marie.Une avoine bourrative de moins. Cet interminable pensum restait comme le douloureux souvenir d'une expérience de ses quinze ans sous la férule d'un enseignant qui se coiffait comme Jules César et ne jurait que par la beauté des choses au-delà des Alpes.
Il ne s'agissait pas ici de désavouer les séduction d'une tournure.Au contraire.Avoirdu styles,c'est important, quand notre époque en génère si peu. Du style dans la vie quotidienne bien sûr, car celui déployé dans les grimoires est à la portée de n'importe quel singe savant venu,ayant eu la possibilité d'exercer sa panoplie de mimétisme en classes préparatoires. (p.173)
Les coups de foudre ne font pas des mariages du tonnerre.
Ah! Le pouvoir séditieux de la communauté des enseignées amorphes,
le regard dans le vague,
mâchouillant leurs crayons,
hébétude taille XXL.
p 122
Je propose chaque jour de la moquette pour leur cerveaux désherbés.
Je devrais être décoré pour mon dévouement au lieu de subir à jets continus l'acrimonie de ma hiérarchie .
p 47
le vin du jour est un plaintif Coteau-du-Forez,
transi sous son feutre taupé mendiant d'éternité
Léon Bloy siffle un Pécharmant
p 230
Il donne le change à son entourage, se voulant toujours gai comme un pinson.
Que dire de ce " J'suis l'bouquet, j'suis l'bouquet, j'suis l'bouc émissaire ", chantonné par Max quelques jours avant son arrestation
dans la poussière
j'écris ton nom
mon beau désastre
mon précipice
ma route défoncée
dans une cavalcade
de désirs inassouvis
je gravis
les collines de grande misère
l'oeil avide
jamais ne rêve
à la blancheur des murs
où je voulais m'étendre
pour que le soleil envahisse
mon corps repu de souffrance.
Francis Giauque (soufre noir)
Sur les bords du Léman, les feuilles de marronniers prennent de l'ampleur. Une sauterelle protège le siècle sous son abdomen grenat. Une gare, un fjord, une route, tenace exhalaison, c'est là que crépitent les moteurs et les crabes. L'ombre de Cingria glisse doucement, à minuit tiède, les lèvres dans de folles répétitions :"Je ne crois qu'au bitume de l'être."
Un trottoir qui a couleur d'albâtre. Celle de l'éternité.
Georges Darien, irréductible gueuloir ; André Breton dira de lui :" C'était un coeur trop grand et trop bien battant pour ne pas heurter en tous sens les parois de la cage".
Je ne suis qu'un fou, je danse
Je tambourine avec mes doigts
Sur la vitre de l'existence
Germain Nouveau (hippie du Parnasse)
les nuages pleurent à la sanguine
le ciel doit avoir des meurtres sur la conscience
carreaux cassés fenêtres borgnes
Il hésite à quitter le cocon de la buvette du marché
dehors il fait si mal vivre
p 27
Excédé jusqu'à défaillir par un funeste souvenir d'ânonnement scolaire au tableau noir, il pourfendait ainsi d'un coup de Laguiole une arborescence d'Arsène Houssaye, un surgeon d'Henry Bordeaux, déjà bien encombré d'un salmigondis d'affèteries (p.31)
Languide à l’extrême, luttant comme il pouvait contre son oblomovisme de souche, candidat à une totale ignorance, sa bibliothèque rétrécissait à vue d’œil, tous les soirs il lacérait, incinérait, anéantissait trois ouvrages presqu’au hasard qu’il se gardait bien de remplacer.
Les tracas, c'est comme les cyclistes, leur nature profonde est de se déplacer en peloton. P. 99