"Il y a cependant une chose que Sigismond n'aimerait jamais avoir entendue : le bruit que fait en secret le chagrin."
- Je vous ai souvent prévenus : ne laissez jamais une mangue entamée tomber jusqu'à terre, et enterrez toujours noyaux et épluchures. Avez-vous oublié mon conseil ? Si nos voisins, les hommes, apprennent qu'il est possible de manger ces fruits, ils voudront s'emparer de toute la récolte.
- À quoi bon se soucier des hommes ? protesta Déva. Prenons les mangues qui sont les plus juteuses, les plus savoureuses, et laissons les autres. Si nos voisins se mettent à en cueillir, aucune importance, nous aurons eu les meilleures !
Déva, dans sa stupidité, ignorait que les hommes ont fort peu l'esprit de partage.
- S'ils commencent à y goûter, ils les voudront toutes, expliqua Mahakapi. Ils nous chasseront de la forêt pour nous empêcher de les cueillir. Cessez de vous montrer si insouciants : n'abandonnez plus ainsi les restes de votre repas !
- Les hurlements, ce sera ton registre, mon cher père ! Tandis que ta voix si monstrueuse résonnera dans la nuit, la mienne paraîtra, par comparaison, beaucoup plus douce aux brebis. Fais-moi confiance, je saurai me tenir. Avec moi, il n'y aura pas de dérapage.
Le vieux loup éprouva une bouffée de fierté : quel talent sa fille montrait ! C'était bien son sang qui coulait dans ses veines.
Quand tu es dans la galère, le vide se fait autour de toi, et ceux qui voudraient te donner un coup de main sont précisément les gens chez qui tu ne vas pas t'imposer parce qu'ils sont dans des situations à peine meilleures que la tienne. (p. 42)
Dans la vie, on se fait tous des illusions, on se fabrique des rêves pour tenir le coup ; si jamais on voyait le monde tel qu'il est, si on se trouvait comme ça, tout à coup, le nez devant, alors... on s'enfuirait en courant comme des enfants et on irait se cacher sa tête dans le sable. C'est pour ça qu'on a un seuil. Avec d'un côté ce que l'on accepte de voir et de l'autre l'horreur sur laquelle on ferme les yeux. Seulement voilà, le seuil, il est pas au même endroit pour nous tous.
"Les mères n'ont pas besoin de mots, leurs yeux suffisent."
il n'y a ni eux ni nous, ni les uns ni les autres, ni les hommes ni les bêtes, un seul et même grand corps, un corps unique, infini, qui mange, qui dort, qui soupire, qui aime, qui souffre et qui tremble à l'idée de la souffrance, personne n'est différent, tous faits de la même chair, qui naît, qui vit, qui saigne, qui se reproduit, qui meurt, et ça recommence sans cesees, un corps immense, sans limites, c'est pour cela que mes yeux courent dans tous le sens, pour l'embrasser tout entier, par amour, voilà la vérité que je voudrais dire aux autres, par amour, mais ils ne peuvent pas entendre, ils ne réalisent pas... la vérité leur échappe...
Tu m'as dit que les gens ne voyagent finalement que pour deux raisons : soit parce qu'ils ont un tas de fric qu'ils ne savent pas comment dépenser, soit parce qu'ils n'en ont pas du tout.
(p. 30)
On s'est fait piquer notre GPS voilà une dizaine de jours devant un supermarché. C'est aussi bien comme ça. Même un petit trajet, quand tu le suis du doigt sur une carte, ça prend vite des airs d'expédition lointaine, tu te laisses aller à rêver.
(p. 77-78)
"Ainsi en a-t-il toujours été, ainsi en sera-t-il toujours :
après les heures noires de la nuit, c'est un clair matin qui se lève."