Patrice Juiff présente "Tous les hommes s’appellent Richard"
Depuis près de quatorze années, dont treize passées derrière les barreaux, Richard, ancienne star sportive, tente de comprendre ce qui l'a poussé à assassiner sa femme. Comment un type...
Ma femme est morte en mettant notre fils au monde et mon fils m'en veut encore. Est-ce que vous comprenez pourquoi, vous ? Il a cinquante ans passés, je l'ai pas vu depuis vingt-cinq et je sais même pas où il vit.
Des pensées la traversaient parfois sans qu'elle s'y attarde. Une revenait plus fréquamment que les autres. Une certitude confuse. Que chaque jour était un temps nouveau. Un cycle entier. Récurrent. Certes dépendant. Mais aussi recelant tous les éléments de l'existence.
Un jour on l'avait chassée à coup de jets de pierre. "Tire-toi, gros tas de merde, tu vois pas que tu nous gâches le paysage !" On l'avait bannie. Parce qu'elle était femme, grosse et qu'elle n'en avait pas assez honte.
J'ai tué ma femme. Cinq balles presque à bout portant. Cinq balles. Deux dans le ventre. Une dans la tête. Une autre s'est égarée dans les nuages. La dernière lui a traversé le cœur. J'ai tué ma femme, il y a quinze ans. Et je ne sais toujours pas pourquoi.
En fait, je suis sûre qu’elle a fait ça parce qu’elle voulait qu’une d’entre nous s’en sorte.
Aujourd'hui, je pense que la perversité de ce châtiment ne réside pas dans le fait de priver de liberté les types qui sont sortis des clous et en ont fait subir les conséquences à autrui. Il faut bien punir les fauteurs de troubles et les empêcher de continuer à nuire. On n'a rien trouvé de mieux que la prison, et j'avoue que je reste convaincu qu'au point ou l'on en est, c'est la moins pire des solutions. Même si l'on est en droit de s'interroger sur l'efficacité de cette dernière quand on y enferme des hommes et des femmes pour qui c'est justement le manque de liberté, de choix, ou de perspective qui les a poussés à commettre les méfaits qu'on leur reproche. (P77)
Le langage codé de la littérature permet aux êtres de communiquer par-delà les frontières, de quelque nature qu’elles soient.
Les bouquins permettent aussi de communiquer avec les morts.
_ Il faut que j'aille au bout de notre petite comédie. Histoire d'être cohérent. Histoire de me garder un tout petit peu de considération. Histoire de me démontrer que j'ai un putain de caractère. Que je ne me laisse pas marcher sur les pompes comme ça. Et que même si j'ai tort, j'ai suffisamment de tempérament viril pour ne pas le reconnaître trop facilement.
_ Elle s'est complètement investie dans cet amour-là, s'y est accrochée tous les jours. Comme la plupart des gens qui se sentent seuls. Ou qui ne savent plus quoi faire de l'amour qu'ils ont en eux et qu'ils ne savent plus donner.
_ Je suis certain que d'une certaine manière, les larmes sont une sorte, excusez la laideur de la métaphore, du pus de l'âme et que, si on ne leur permet pas de s'évacuer, elles vous pourrissent de l'intérieur.