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Citations de Patrick K. Dewdney (292)


L’agitation du raz est loin derrière le bateau à présent. Ici, la mer ballonne comme un souffle lourd par lequel on peut se laisser porter si on ose. Le père ose et le fils se figure qu’il n’a d’autre choix que de suivre, mais ni l’un ni l’autre ne sont dupes. Aucun marin n’oublie jamais le dragon qu’il chevauche, et comment tout peut se gâter d’une minute à l’autre. Il n’y a pas de paix ici, seulement l’illusion de la paix. Et encore. Il faudrait ne pas avoir saisi la force de ce qui dort pour ne pas le craindre à chaque instant.
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Le fils fait sauter l’écoutille de l’une des cales à poissons pour y entreposer les seaux. Il se penche ensuite pour démarrer la machine à glace. La Gueuse est archaïque à bien des égards. L’équipement de la timonerie est vieillissant, à la limite de la vétusté, et le reste ne vaut guère mieux. À son bord, la machine à glace rutilante fait figure de pièce rapportée. Le père la soumet à une inspection régulière et un nettoyage quotidien. Tant que tournent ses cylindres et son tube ronronnant, ils peuvent passer des jours en mer sans gâter la pêche. Surtout, tant que la glace s’entasse dans le froid des cales, le père peut éviter le port et les hommes et la terre immobile. Se soucier seulement de l’écume et des remous abyssaux.
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D’ici, à mon souvenir, nous serons tranquilles pour le restant de la journée, et peut-être même pour un bout de la suivante, jusqu’à la vallée de la Vienne. Quelque part au nord se trouve Tarnac, qu’il faudra contourner. Je grimace à l’idée d’être ici. Il y a des vestiges, des formes antiques qui attendent, et je ne souhaite pas les croiser, même en souvenir. Il doit exister une limite. Il est des ramifications mémorielles qui ressemblent à des frontières gardées. Qu’il est prudent d’hésiter à franchir, quand on sait que la mitraille pourrait partir depuis des tranchées qu’on a soi-même creusées. Lorsqu’on sait que le plomb peut rendre fou.
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Pris dans le tourbillon de ces semaines rouges, et même avant, j'avais eu l'impression de sombrer. Il s'agissait en fait de l'inverse. Une montée, un crescendo grinçant, la pénible maturation d'une blessure suppurante, amorcée depuis le premier jour lorsque j'avais endossé les mailles d'un homme mort.
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Je remercie encore Uldrick de m'avoir montré à quoi ressemble un tueur ordinaire, soldat ou coupe-jarret, ou égorgeur d'enfants. Cela m'a permis de saisir que, derrière les massacres et les rapines et les viols, derrière les pires horreurs que le monde peut contenir, il n'y a ni mal, ni démons, ni mauvais sorts, mais seulement la folie d'hommes désespérés, dont la peur à fait des monstres.
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Nous sommes tous l'outil de quelqu'un, et tu peux être sûr d'une chose : c'est souvent pire de savoir sans comprendre que de ne pas savoir du tout.
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Il faut avoir quitter quelque chose pour savoir à quel point cela compte.
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Il y a des jours où le sort fourche, même si on ne s'en rend pas compte immédiatement, les détails nous en reviennent des années plus tard, et ce jour était de ceux-là.
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La théorie, c'est comme la flotte. Ça te sert à rien si quelqu'un t'a troué le pot.
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Nous faisions partie des enfants sauvages de Corne-Brune et, d'une certaine façon, je crois que nous étions heureux. Heureux des courses dans les ruelles de la ville basse, heureux de jouer à qui pisse le plus loin dans l'eau écumante de la scierie, heureux de nous prélasser dans les herbes hautes de la colline du verger.
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« Alors ? » railla-t-il. « Qu'as-tu appris ? » Je le dévisageais avec incrédulité, comme on regarde un homme dont on ne sait pas s'il proclame une vérité lumineuse ou une folie absolue. « J'ai appris que les dieux se fichent des insultes. », fis-je d'une voix étranglée. Uldrick secoua la tête. « Foutaises, Sleitling. Si les dieux existent et qu'ils sont ce que les hommes en disent, j'aurais dû mourir aujourd'hui. Alors, soit les dieux ne sont pas ce que les hommes en disent, soit ils n'existent pas du tout. La seule sagesse qui peut exister ici, c'est dire que nous ne savons pas. Les premiers-penseurs dont je te parlais plus tôt l'avaient compris. Nous appelons leur philosophie la Pradekke, et c'est le ciment du pays var tel qu'il existe aujourd'hui. La Pradekke, c'est la différence entre le savoir et la croyance. Croire que l'on sait est ignorant. Savoir que l'on croit ne l'est pas. »
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La supplique fut si intense que je faillis être arraché à moi-même. Je devais venir. Son désir sans limites, son amour. La tempête émotionnelle balaya mes défenses en une vibration infiniment plus érotique que tout ce que j'avais déjà pu ressentir. Je devais venir, je viendrais, elle m'aimerait absolument, infiniment. Tout commença à se déliter autour de moi, la mer fut balayée. Il ne restait plus que moi désormais. C'était l'inverse, l'opposé de tout ce qu'Elle m'avait exposé, je restais intimement convaincu qu'il s'agissait de deux présences différentes, et pourtant c'était tout aussi dérangeant. Je vibrais, je paniquais maintenant, je m'entrechoquais en moi-même si fort que je m'en serais brisé les dents si j'avais eu un corps en cet endroit.
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Je crois que c'est autour de cette époque que les rêves débutèrent. Le terme rêve est insuffisant en réalité et ne dépeint que très partiellement ces fragments étranges qui venaient s'immiscer dans mon sommeil. Il s'agissait alors de pulsations, des giclées sensitives qui entrecoupaient mes songes, à peine décelables en ce début de printemps, mais qui n'allaient pas tarder à enfler comme la houle. Les contours s'esquissaient avec davantage de détails au fil des lunes, sans pour autant que cela ne me soit d'aucun secours pour cerner le phénomène. On peut habituellement décrire un rêve, si on se le rappelle. Pourtant, au réveil, malgré les souvenirs qui perduraient, je n'avais aucun mot pour qualifier ce que j'avais vécu durant la nuit. C'était comme si une entité extérieure, aux sens et à l'esprit si différents des miens que je n'avais aucun espoir de les comprendre, frappait à la porte de mes escapades oniriques et les entrecoupait des siennes. J'avais la ferme impression que cela ne tenait pas du hasard, que cela m'était destiné d'une certaine manière et, pourtant, le sens caché de ces tumultes, de ces possessions nocturnes et des sensations indescriptibles qui les accompagnaient m'échappait totalement.
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« Ul est le gardien, celui qui maintient. Ker est l'agitateur, celui du mouvement. Et Ma, la créatrice, est celle qui fait. Les trois s'interpénètrent et s'influencent, et ainsi sont-ils neuf. À tout ce que nous faisons, l'un des neuf est associé. À Jharra, lorsque nous dressons une tour, nous faisons monter une prière à Ma'Ul, afin que ce que nous bâtissons puisse traverser les âges sans s'effondrer. Lorsque j'aide une femme à enfanter, c'est à Ker'Ma que je m'adresse pour que les contractions de la matrice délivrent une nouvelle vie. Les dieux sont présents dans tous nos gestes, et tant que tu ne comprendras pas cela, Sempa, mes leçons ne te seront d'aucune utilité. Car ce sont les Neuf qui habitent mes mots et qui ont fait don de la parole aux hommes. »
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Les leçons de Nahirsipal n'avaient rien de professoral : il ne m'accablait pas sous une stricte autorité, n'attendait pas de moi que je mémorise d'interminables listes et ne me punissait pas lorsque j'échouais. Le Jharraïen partait du principe que la connaissance viendrait de la pratique, et que le désir de plaire serait un bien meilleur éperon que la crainte de la baguette. Il m'encourageait à faire mes propres constats, quitte à les corriger par la suite, et je me découvris grand plaisir à passer du temps en sa compagnie.
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Peut-être qu'en dépit de la pauvreté parfois abjecte dans laquelle j'avais grandi, il y avait eu aussi un contrepoids, une liberté un peu rude qui nous avait soustraits jusque-là aux rouages implacables du monde. La faim était un état remédiable, les hématomes se résorbaient vite, rien n'était systématique, ni éternel. L'espoir de jours meilleurs n'était pas une chose intangible, lorsqu'on attendait, comme nous, après de minuscules bonheurs. Et voilà que l'immuable était entré dans nos vies, sous la forme de montagnes et de routes et de mer, ces milles infinis qui nous séparaient des chaînes d'une côte étrangère dont nous ne savions que le nom. Merle ne reviendrait pas. Il m'était soudain apparu que le monde était trop grand et que ses angles pouvaient trancher d'une manière terriblement définitive. Tous mes repères s'effaçaient et, au-delà de cette frontière brisée, il n'y avait qu'un territoire sombre, un marasme fourmillant de questions sans réponses.
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Je fus initialement surpris par cette découverte, parce que chez les Brunides, on voue un mépris stupide à ce genre d'hommes, considérés comme inférieurs, des sortes de femmes ratées qu'il est permis de traiter avec tout le dédain que l'on souhaite. Les Vars, eux, s'en fichaient éperdument, et n'en faisaient aucun secret. Lorsque au lendemain de notre arrivée Eireck me surprit à fixer un baiser entre Sidrick Harstelebbe et son compagnon, un guerrier à la peau mate dont j'ai oublié le nom, mon expression troublée dut l'interpeller. "A Carme", me dit-il sur le ton de la discussion, "les phalangistes ont le devoir d'aimer d'autres hommes. Les généraux pensent qu'un soldat se battra plus férocement pour défendre celui qu'il aime. Là-bas, les femmes sont des matrices et rien de plus. Nous, nous pensons que chacun devrait être libre de ses préférences. " Je pris à cœur ces paroles et, lorsque la bizarrerie initiale m'eut quitté, je les méditai souvent pour leur justesse.
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Il y a une rumeur dans l'air, qui vient avec le soir. un flottement étrange et silencieux, le genre de chose dont doit être fait le monde des reptiles, qui s'échange habituellement sur le dard d'une langue fourchue. j'en comprends l'essentiel, depuis ma propre mue, depuis que je frôle les surfaces avec les autres choses rampantes.
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À Thari-Gene, on me surnommait Othitege. Comprends-tu ce mot ?
J'en comprends le sens, dis-je.
Tu es celui qui regarde la tempête.
Braxxe acquiesça.
Oui, fit-il platement.
Les mânes dont je connais le nom sont loin, mais tu es leur instrument. Je n'ai pas peur. Et je suis venu regarder la tempête.
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Vous vous trompez. Les fléaux que j’ai mentionnés sont les stigmates, mais ils ne sont pas le poison. Les jeux de pouvoir n’ont jamais été autre chose que le reflet de l’or qui les fait naître. Tant que l’or dira qui possède, tant que l’or désignera qui commande, tant que l’or divisera les terres et les fruits qu’elles portent, il n’y aura ni paix ni liberté.
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