Lors du mois du Polar dans le Cultura de Balma à Toulouse, nous rencontrons Patrick Nieto auteur du polar
"Toutes Taxes Comprises"
TC1 Web Tv
Une fumée noire épaisse s’échappe du toit de sa luxueuse villa. Des rebelles avinés brisent les meubles en acajou avec la crosse de leur fusil-mitrailleur et leurs rangers. Certains, l’écume à la commissure des lèvres, lacèrent les fauteuils et les canapés en cuir avec des poignards. D’autres violent ses maîtresses à même le sol, défèquent sur les marbres de Carrare et sur les tapis précieux à côté des corps mutilés du personnel de sécurité.
Si fumer était moins onéreux, la contrebande de cigarette serait moindre. Et pourquoi le prix du paquet de cigarettes est-il si élevé? Parce qu'avec ses taxes, l’État se gave au passage. L’État s'empiffre sur tout d'ailleurs : l'essence, les produits de luxe, l'alimentation, les fringues et même la mort par le biais des droits de succession. Conclusion : priver le fisc de ce genre de ressources ce n'est pas vraiment du vol.
N’empêche qu’accepter de l’argent pour favoriser un acte pénalement répréhensible, ça s’appelle de la corruption. Et selon lui, la corruption est plus crapuleuse que le vol car elle nécessite une réflexion préalable, une prise de décision commune entre les parties, une réelle préméditation
– Arnaud ? On a entendu des coups de feu. Qu’est-ce qui se passe ?
La sirène des pompiers résonne au loin. Rossignol humecte ses lèvres avec sa langue.
– On dirait que quelqu’un nous a doublés ! lâche-t-il dans un souffle.
Au terme d’un effort violent, il puisa au fond de lui la force de sortir de sa cachette. Son apparition dans le champ de vision de la randonneuse devait sembler naturelle. Deux marcheurs qui cheminent. Une rencontre fortuite comme il s’en produit quotidiennement sur les chemins de randonnée. Surtout ne pas l’effrayer par un comportement inapproprié. Si elle l’avait aperçu posté derrière son arbre, elle se serait forcément méfiée et aurait sans doute fait demi-tour. Planté en évidence sur le sentier, il feignit de se reposer avant de poursuivre sa course.
Complètement déprimée, elle a laissé cours à sa fureur. Une idée folle a germé dans sa tête. Celle de la vengeance privée. Puisque les institutions ont été incapables de lui rendre justice, elle s'en occuperait elle-même. D'autant qu'elle possédait l'outil indispensable, le revolver en l'espèce, pour accomplir son dessein. (p 220)
En effet, pour une pute, faire monter son client dans les tours en le suçant au point que son cœur lâche brusquement, c’est une consécration au moins équivalente à un Goncourt pour un écrivain, une médaille de la famille pour une maman de huit enfants ou encore les palmes académiques pour un enseignant.
C’est jouissif d’avoir le pouvoir de vie ou de mort sur quelqu’un. N’en déplaise aux sceptiques, ça procure un sentiment de puissance absolue. Je connais bon nombre de personnes qui ont ressenti, au moins à une occasion dans leur existence, le désir de tuer quelqu’un. Mais, à chaque fois, quelque chose les a freinés : la peur d’avoir de sérieux ennuis, la conscience d’enfreindre le sixième commandement ou tout bonnement l’incapacité matérielle d’accomplir leur geste. Chez elles, cette mauvaise intention n’a été que furtive et n’a duré tout au plus que quelques secondes avant d’être soit oubliée, soit sublimée par des tâches ou des pensées autrement réalistes.
Pour ma part, j’assouvirai froidement un plaisir animal, un fantasme qui trotte dans mon cerveau depuis trop longtemps. Je suis comme le bourreau qui s’apprête à déclencher sa guillotine après avoir patiemment assemblé les pièces de son instrument les jours précédents. Voilà une profession qui m’aurait plu, d’autant que je me fiche du regard d’autrui comme de mes premières chaussettes.
Dans l’imaginaire collectif, l’enquêteur est un chasseur. On le représente lancé sur la trace du suspect, le nez au ras du bitume, reniflant, courant, se démenant comme un damné pour bondir sur sa proie. C’est parfois vrai. Mais le plus souvent, le flic est plutôt un pêcheur. C’est d’ailleurs dans cette situation qu’il est le plus efficace. Il déballe son attirail, appâte le coin, tend ses lignes, patiente en scrutant les déplacements de son bouchon. Quand celui-ci frémit, il se prépare à réagir mais attend jusqu’à ce que le flotteur soit totalement immergé. Et c’est là qu’il ferre. Mais le match n’est pas gagné pour autant car il ne faut pas briser le fil en ramenant sa prise dans l’épuisette. Sans se précipiter, il teste, évalue la résistance, fatigue le poisson si nécessaire.
Puis l’intensité des cris diminue. Les pillards refluent. L’accalmie. La déflagration. Le souffle le projette en arrière. Sa tête heurte le mur. Aussitôt, le sang dégouline le long de ses tempes. Il est choqué, incapable de bouger. Des émeutiers se saisissent de lui, l’entraînent à l’extérieur jusque dans le jardin. Les gens l’insultent, le griffent, le mordent, le tabassent, crachent sur lui, déchirent ses vêtements. On lie ses membres à quatre colonnes du patio comme pour l’écarteler. Des mains terminent de le dénuder entièrement. Puis le silence se creuse.