Patrick Nieto

" ça ne sert à rien d'être fort comme un chêne si vous êtes con comme un gland. "

Chacun utilise les moyens dont il dispose. Comme on dit dans le coin, le lièvre compte sur ses pattes, le loup sur ses dents.
Qu'ils soient petits ou grands, massifs ou minces, explosifs ou endurants dans l'effort, intelligents ou un peu bêtas, ce qui compte c'est ce que ces jeunes apportent au groupe, ce qu'ils transmettent à leurs coéquipiers.

La difficulté dans mon métier est de bâtir des hypothèses sur la base d’indices dont on dispose pour reconstituer un évènement passé. Depuis le départ, en assemblant des éléments épars, j’apprends petit à petit des choses sur le meurtrier.

Constantin de Pardiac possède un caractère autoritaire, intransigeant, égocentrique. Il fait régner dans sa maison une tension incessante. Il pique des colères noires pour des vétilles, houspille sans cesse les domestiques, trouve à redire sur tout et sur tous. Il attend d’autrui une probité morale sans tache, mais fréquente sans vergogne le bordel le plus huppé de Dax et entretient sur un grand pied, au vu et au su de tous, une maîtresse de trente ans sa cadette.

Ces derniers jours ont été riches en évènements et il me faut te les raconter. Après mon périple en train et en bateau, je suis arrivé à Marseille. Tu ne peux imaginer le choc que j’ai ressenti en découvrant cette ville largement ouverte sur la mer.
La cité s’étale sur un territoire deux fois supérieur à celui de Paris. Ici, le relief accidenté tranche avec celui de nos Landes. Les rues pentues offrent des perspectives éblouissantes sur les eaux cristallines de la Méditerranée. Les couchers de soleil sont prodigieux.

La vérité est quelque chose de tellement aléatoire tant elle n’existe que dans l’expérience de chacun.

L’usage veut que les Papoues se coupent une phalange pour manifester leur chagrin à l’occasion d’un deuil ou d’une violente dispute familiale.

Au terme d’un effort violent, il puisa au fond de lui la force de sortir de sa cachette. Son apparition dans le champ de vision de la randonneuse devait sembler naturelle. Deux marcheurs qui cheminent. Une rencontre fortuite comme il s’en produit quotidiennement sur les chemins de randonnée. Surtout ne pas l’effrayer par un comportement inapproprié. Si elle l’avait aperçu posté derrière son arbre, elle se serait forcément méfiée et aurait sans doute fait demi-tour. Planté en évidence sur le sentier, il feignit de se reposer avant de poursuivre sa course.

Après avoir jeté un dernier coup d’œil alentour, il plaça devant lui son sac à dos et attendit. À mesure que la distance qui le séparait de la femme diminuait, ses intestins ressemblaient à une boule dure et incandescente dont il ne parvenait pas à calmer la brûlure. La douleur était insoutenable. Pourtant, rien d’autre ne lui importait que les cheveux foncés se balançant dans un mouvement hypnotisant au rythme des enjambées de la femme. Une entité secrète avait effacé le paysage autour d’eux. Il en était certain, celle-ci serait la bonne.

’homme marchait sur un chemin à la sortie d’un bois de chênes quand il aperçut une silhouette qui approchait d’un bon pas. Il se cacha aussitôt derrière un arbre pour épier. Au fil des minutes, la silhouette se transforma en une jeune femme à la chevelure sombre. Comme toujours en pareilles circonstances, les entrailles du guetteur entrèrent en ébullition. Un tremblement anima ses mains. D’un regard circulaire, il vérifia qu’ils étaient seuls. La femme ne l’avait pas encore repéré. Elle allait d’une allure décidée, martelant le sol comme un métronome.

- Un jour j’ai lu une phrase d’un philosophe oriental. Ne me demande pas son nom, je ne l’ai pas retenu. Mais il disait ceci : « Le hasard n’existe pas, tout a une cause et une raison d’être. » p. 328

Complètement déprimée, elle a laissé cours à sa fureur. Une idée folle a germé dans sa tête. Celle de la vengeance privée. Puisque les institutions ont été incapables de lui rendre justice, elle s'en occuperait elle-même. D'autant qu'elle possédait l'outil indispensable, le revolver en l'espèce, pour accomplir son dessein. (p 220)

Il voudrait simplement lui parler, lui proposer son aide, sans arrière-pensée. Il n’éprouve à son endroit aucun sentiment amoureux. C’est autre chose, cette jeune femme l’attire d’une manière irrationnelle. Peut-être parce que, comme lui, elle semble souffrir en silence, sans rien oser demander à personne.

 

Avec des gestes empreints de délicatesse, les gendarmes manipulent le corps de l’enfant pour l’examiner et s’assurer qu’il ne présente aucune trace de violence. C’est la procédure classique, car on ne sait jamais. Un décès, s’il n’est pas naturel, donne toujours lieu à une enquête de police.

Il ne comprend pas ce qui se passe. Ou plutôt si, il comprend parfaitement, mais refuse de l’admettre. Le monde vient de disparaître autour de lui sans crier gare.

Dans la chaîne pénale, la personne mise en cause et son avocat sont les seuls à n’être soumis à aucune obligation légale de dire la vérité. Mon travail consiste donc à exposer ta position en me montrant plus convaincant que la partie adverse, c’est tout.

Les deux enquêteurs savent que cette femme ment. Ils l’assaillent, tentent d’enfoncer un coin à chaque hésitation de sa part. Ils endossent à tour de rôle les habits du méchant et du gentil, réitèrent leurs questions sous différentes formes pour l’embrouiller. Mais la harpie n’en démord pas. Fidèle à sa stratégie du premier jour, elle choisit ses mots. Lorsque les attaques des policiers sont trop incisives, elle rentre dans sa coquille, attend que l’orage passe.

L’affection, la fidélité. Ces sentiments qui aveuglent au point, parfois, de pousser des personnes sans histoire à commettre les pires bêtises.

Discrète est le qualificatif parfait pour décrire cette quinquagénaire blonde, au physique gracile, qui se partage entre la salle de sport et les manifestations caritatives. Soumise lui convient également. Elle ne contredit jamais son mari, pas davantage qu’elle ne le questionne lorsqu’il rentre à la maison, les vêtements et les cheveux imprégnés du parfum de ses conquêtes. Elle est de la trempe de ces bourgeoises du dix-neuvième siècle, épouses modèles, mères attentives, femmes d’intérieur remarquables, préférant tout ignorer des frasques de leur conjoint, pourvu que celui-ci leur assure un certain confort matériel et une position sociale enviable.

En temps normal, Nadia déteste mentir, mais dans le cas présent elle n’a pas le choix. De toute façon, Erwan ne comprendrait pas qu’au lieu de se rendre à l’usine elle retourne à l’appartement pour broyer du noir. En réalité, c’est le soir qui s’avère le plus compliqué à gérer, quand elle va récupérer son enfant et qu’il lui demande comment s’est passée sa journée.