Citations de Patrick Raynal (98)
- Il connaissent aussi le pinard si j'en crois les statistiques officielles.
Yvon haussa les épaules.
- Conneries. Les pêcheurs picolent à terre, jamais en mer. De toute façon, Job est capable de rentrer sa barque en marche arrière et les yeux fermés. C'est pas des trucs qu'un terrien peut comprendre.
Jean (*Walter)
C'est comme ça qu'un beau matin, j'ai bouclé mon sac, embrassé ma mère, donné une accolade virile à mon frère Pierre, et, sans rien dire à mon père qui, bien sûr désapprouvait le projet, j'ai donné le premier coup de pédale sur le vélo flambant neuf qui allait me conduire, sept cent soixante kilomètres plus loin, à une entrée certes discrète, mais néanmoins triomphale, dans la ville qui restera toujours pour moi la plus belle du monde, Firenze.
" C'est aussi là que mon avenir m'est apparu avec une évidence aveuglante: je serais architecte."
( p.135)
Paulo
Au début était Paul Guillaume, un type très malin qui, sans avoir jamais mis les pieds à l'école, avait inventé la peinture moderne.Je m'explique : petit à petit, les peintres modernes s'étaient mis à peindre des tableaux qui prenaient de plus en plus de liberté avec la réalité.Ils ne peignaient plus ce qu'ils voyaient, mais ce qu'ils pensaient, comme si la photographie les avait libérés, et Paul avait inventé le discours qui les rendait plus visibles en les reliant tous entre eux et a l'époque. Fallait le faire, parce qu'il n'y a plus rien de plus difficile que d'évaluer un tableau.
( p.169)
C’était le plus vieux club à travelos de la ville. Il avait vu naître mes premières et délicieuses terreurs devant l’ambiguïté du sexe à l’âge où je croyais encore à l’orthodoxie en matière de politique et de sexualité. Depuis, j’ai découvert les méfaits du fanatisme et, si je suis resté globalement marxiste et hétérosexuel, je sais que les contradictions sont l'âme même de la dialectique.
Une balle dans la nuque et tout serait réglé. La conscience, après tout, n'est pas fournie aux flics avec le barda. (page 39)
– Il faut qu'il parle, Casanova. C'est tout ce que vous avez à savoir.
– Vous me rappelez mon premier sergent. Vous savez ce qu'il disait ?
– Chercher à comprendre, c'est commencer à désobéir. C'est ça, hein ? On a eu le même, Casanova. On a tous eu le même. (page 9)
J’ai fini par dégoter la loge du concierge et son occupant, un Espingouin mal rasé qui prit, pour me renseigner, des airs d’hidalgo s’adressant à une crotte de chien. (89)
Elle était belle. Comme toutes les femmes qui ont du temps à consacrer à leur beauté, mais avec ce petit quelque chose en plus qui laisse entendre qu’elle aurait aussi bien pu se consacrer à l’élevage des escargots sans que le résultat en soit altéré. Une beauté sans âge que chaque ride ciselait un peu plus. (91)
Mon nouveau trou est beaucoup plus moderne. C’est une sorte de cage en verre brillamment éclairée – en fait, elle aurait pu passer pour une véranda pourvu qu’on l’ait installée dehors – et garnie d’un long banc en bois trop étroit pour que l’on puisse s’allonger à peu près confortablement.
Tirer un coup à mon âge, c’est bien, mais l’oublier tout de suite après, c’est franchement lamentable.
On m’enferme immédiatement dans une cage où je mijote pendant trois bonnes heures, ce qui me laisse enfin le temps de réfléchir. Bizarrement, plus j’y pense et moins je suis inquiet. C’est comme si un type, sachant que nous avons les mêmes lectures, m’avait piégé dans une toile d’araignée ressemblant à un atelier d’écriture sur le polar : un type se réveille dans un lit inconnu, découvre une femme nue à côté de lui, se rend compte qu’elle est morte et entend la police frapper à la porte. À vous de trouver la suite… À vrai dire, ça ressemble tellement à un vieux Série Noire que je me demande si je n’ai pas déjà lu ça sous la plume de John D. MacDonald, immortel créateur du détective Travis McGee et chantre d’une Floride aussi déjantée que noire.
Ils sourient tous les deux d’un air entendu, comme si se réveiller dans le lit d’une dame était déjà l’amorce d’un crime. J’ai une brève pensée pour le superbe corps de celle que j’ai laissée morte dans ses draps. Sûr qu’en voyant le mien, on avait le droit de se poser des questions.
C’est le genre de situation qu’on trouve d’habitude dans les pulps américains et le héros, une dizaine de pages et quelques horions plus tard, découvre qu’il s’est fait piéger, généralement par son goût immodéré pour les femmes des autres et les alcools forts. Ce n’est pas mon cas, ou plutôt, ça ne l’est plus. Je viens de fêter mes soixante-quinze ans, et ma libido et moi avons déjà entamé de sérieux pourparlers de cessez-le-feu. Autrement dit, non seulement je ne me souviens absolument pas de ce que je fais dans ce lit, mais j’ai de sérieux doutes sur ce que j’aurais pu y faire. Ce qui est sûr, c’est qu’elle est morte. Je tire les draps pour la découvrir entièrement et c’est une vraie découverte : ni sang, ni traces de violence, mais la certitude qu’on n’oublie pas ce genre de femme, surtout quand on est arrivé à la coucher nue dans un lit.
Les quelques fois où il m’arrive encore de forcer sur les alcools forts, je me limite à la vodka. Chambre inconnue, mal de crâne et langue comme un gant de toilette pas très propre, j’ai bien peur d’avoir oublié que j’ai passé l’âge des conneries.
La liberté n'est que la femelle de l'honneur .
- Je crains que l’Eglise n’ait pas tout à fait la même vision de l’histoire que Karl Marx. Est sacré ce qui est utile à l’Eglise au moment où il doit l’être. L’Inquisition et les écrits d’Aristote.
Pardonnez-moi, Monseigneur, mais le fait qu’une banque porte le nom du Saint-Esprit ne consacre pas ses carnets de chèques.
- La casuistique est un outil aussi dangereux que la dialectique.
(...) s'il lui arrivait de boire un coup de trop, c'était juste pour oublier que la vie était une vraie chierie qui adore s'attaquer à ceux qui ne méritent que le meilleur.
La liberté n'est que la femelle de l'honneur .
Gabriel sentit un frisson lui remonter le long de la colonne vertébrale. Il attrapa le canard avant que Gérard ne le fasse.L'info était noyée dans le bla-bla habituel des pisseurs de copie mais elle était bien là. Un pécheur du Morbihan avait vu une mine à l'avant de son chalut. Il avait eu le réflexe de se jeter à la baille mais le bateau avait quand même sauté en plein milieu de la baie de Lorient. Le gars avait fini la guerre sur une vedette de la royale et il avait passé un an à ratisser la flotte pour débusquer ces saloperies. Tout le monde, y compris les journaleux, se foutait de sa gueule mais le gars n'en démordait pas : il avait vu assez de mines dans sa jeunesse pour savoir en reconnaître une quarante cinq an après et c'était bien une de ces saloperies nazies qui avait vaporisé son barbu.