Citations de Pedro Juan Gutierrez (99)
Il m'avait menacé de « prison préventive », une invention géniale qui consiste à vous boucler uniquement parce qu'ils ont l'impression que vous allez faire quelque chose de mal. On dirait qu'ils marchent à la télépathie. Et résultat, ils vous protègent contre vous-même.
Toute l'histoire, toute la vie, toutes les époques ont été absurdes et insensées. Et nous aussi. Chacun d'entre nous est par nature absurde et insensé, sauf que nous nous réprimons et que nous rentrons au bercail comme de braves brebis, et que nous nous passons des brides et des mors.
En plus de vingt années de travail dans la presse, je n'ai jamais pu écrire une ligne qui ne soit pas une offense à mes lecteurs. Même pas un minimum de respect pour l'intelligence d'autrui, non j'ai toujours été forcé de faire comme si j'étais lu par des imbéciles auxquels il fallait injecter de force des idées dans le cerveau.
J'ai tendance à penser que le courage et l'inconscience vont main dans la main.
J'ai plaqué mes mains sur cet énorme, splendide cul africain, et cinq minutes plus tard on était dans ma chambre, à l'étage au-dessus. Ça a été grandiose. Ses cheveux sentaient le sale. Elle avait de petites tresses qui n'avaient pas été défaites depuis Dieu sait quand, très mignonnes avec leurs boules de couleur mais vraiment puantes, alors je me suis concentré sur d'autres régions de son anatomie. Dehors il faisait à peine plus que zéro mais on suait et on suait, nous deux. Elle était fantastique, incroyablement souple, et elle levait les jambes à l'azimut. J'avais la tête fourrée là-dedans quand elle a lâché deux pets bien sonores. Je la besognais avec la langue et j'ai senti les deux jets d'air sous pression m'atteindre au front. J'ai risqué un coup d'oeil. Pas de merde. Okay. En avant. Elle était très agitée, elle. Elle me prenait la bite dans les mains. Elle la voulait. Moi, j'avais le préservatif déjà prêt. Je me suis couvert et j'ai plongé dans la jungle noire. Inoubliable. Très folklorique, tout ça. Il était quatre heures du matin ou presque lorsqu'elle est retournée prudemment à sa chambre. Moi, je suis descendu boire un peu de thé et me fumer un bon cigare. Il y avait encore quelqu'un par là. Un Vietnamien homo allongé sur un canapé, en train de regarder la chaîne Playboy à la télé. Une couverture tirée sur lui. Par en dessous, sa main s'activait dur. Branlette vietcong dans l'aube scandinave. On fait ce qu'on peut.
Survivre, tu ne vois pas ce qu'il faut pour, mais ce n'est pas important : tu es comme un cerf-volant emporté par le vent et tu te sens bien. Le problème, c'est que très souvent il n'y a même pas un souffle d'air.
Les faibles, ils ne savent que se lamenter et pleurnicher. Ils croient qu'après aujourd'hui tout est terminé.
Alors que c'est tout le contraire : aujourd'hui, c'est quand tout commence.
La misère déforme les gens.
Si on dit se nourrir des miettes laissées par les autres, qu'elles n'aient pas de salive dessus, au moins...
L'avenir, ce n'était même pas la peine d'en parler.
Ça me convient, comme ça : rien n'est pour l'éternité.
Il n'y a rien de mieux au monde que de se promener sans but sur le Malecon quand un cyclone se déchaîne.
[...] les exhibitionnistes -et il y en a de plus en plus de nos jours, dans les jardins, dans les bus, sous les portails - remplissent un rôle social admirable : ils apportent de l'érotisme aux passants, ils les sortent un instant de leur stress quotidien, ils leur rappellent qu'en dépit de tout nous ne sommes rien d'autre que de petits animaux primaires, rudimentaires, fragiles et surtout, surtout, insatisfaits.
Il ne disait jamais la mer, mais l'océan : les gens des continents, ils voient toujours tout en grand.
Après s'être bien fait botter le cul et les couilles, on finit par apprendre à se cuirasser, à donner des coups de boule et à se battre coûte que coûte. Il n'y a pas d'autre solution.
Vivre autrement, c'est possible?
J'ai toujours vécu comme si j'étais éternel.
C’est que le sexe n’est pas fait pour les scrupules. C’est un échange de liquides, de fluides, de salive, d’haleine, d’odeurs fortes, d’urine, de sperme, de merde, de sueur, de microbes, de bactéries. Ou sinon, ça n’existe pas. Si ça se limite à la tendresse et aux sentiments éthérés, alors ce n’est plus qu’une parodie stérile de ce qui aurait pu être.