Penelope Sky

– C’est loin d’être des macaronis au fromage.
Elle a ri d’elle-même et de sa propre remarque.
– J’en ai jamais mangé.
– T’en as jamais mangé ? Tu veux dire, jamais ?
– J’ai déjà mangé des pâtes au parmesan, mais pas la version américaine.
– C’est tellement bon. Je devrais t’en faire.
À mon avis, c’était de la merde.

– Puis-je dire quelque chose, Votre Grâce ?
J’ai pivoté, interpellé par l’étrange demande.
– Oui.
– Quand on a la chance de trouver une femme qui nous rend heureux, il faut la garder près de soi le plus longtemps possible. On finit toujours par perdre les êtres chers, mais les mettre à distance ne rend pas la fin plus facile.

J'avais cru la même chose jusqu'à ma rencontre avec Knuckles. Maintenant, je n'avais plus aucun pouvoir, ni aucun contrôle sur ma destinée. Dès que j'échapperais à la protection de Conway, je serais pourchassée et violée. J'étais reconnaissente envers Conway de m'avoir protégée depuis les premières secondes de notre rencontre.

Je me prélassais sur une chaise longue au bord de l'eau, où je séchais après ma baignade. De la piscine, on voyait tout le domaine, y compris les écuries. J'aurais pu être en train de me tuer à la tâche en plein soleil, mais d'étais heureuse de me reposer. Je passais toutes mes journées dans les écuries, te il était agréable de faire quelque chose de différent pour une fois

La plupart des femmes rêvent de tomber amoureuses. Mais peu d’entre elles trouvent le grand amour. Il est préférable d’avoir des attentes réalistes. Tout ce que les hommes veulent, c’est du bon sexe. Et quand ils trouvent une femme qui leur en donne… ils restent avec elle. Ça n’a rien à voir avec l’amour, même s’ils prétendent le contraire.

Voir une femme jouir était mon point faible. Voir sa bouche s’ouvrir dans un cri et ses cheveux s’entremêler alors qu’elle se tortillait pour profiter de ma queue sur toute sa longueur était mon seuil. Mes mains ont palpé ses seins, et je les ai pressés fort en explosant.

J’étais content de la posséder, de vivre une fantaisie forcée même si c’était faux. Mes mains l’ont explorée, longeant les galbes épatants de son corps. J’adorais son abdomen ferme, la façon dont sa taille était arrondie vers l’intérieur et s’évasait à nouveau aux hanches.

J’ai saisi ses genoux et les ai ouverts, ne sentant aucune résistance ; elle savait qu’elle ne pouvait pas s’enfuir. Il n’y avait nulle part où aller. Nulle part où se cacher. Et si elle ne coopérait pas, un des autres hommes lui écarterait les jambes et la baiserait à son tour quand j’en aurais fini avec elle.

J’étais un beau mec avec un portefeuille bien garni, mais cela ne semblait pas avoir d’effet sur elle.

En tant qu’homme, je ne pensais qu’à l’argent, à la vengeance et au sexe. Je n’étais pas un être compatissant.

Elle n’était pas une chiffe molle obéissant à son mari comme certaines femmes que je connaissais. Elle pensait par elle-même — et elle faisait entendre son avis. Il n’était pas facile de remettre mon frère à sa place, mais elle se débrouillait comme un chef.

J’ai traîné dans les bars et les boîtes avec ma bande, mais mon esprit ne cessait de dériver vers la fille de l’aéroport. Elle ne m’avait même pas dit son nom. Elle n’était même pas jolie. Avec ses vêtements froissés et ses cheveux en bataille, elle n’avait rien d’exceptionnel. Aucun style. Peut-être que je l’avais draguée en pensant qu’elle était une proie facile. Quelque chose me disait que ce n’était pas la raison. Elle était simplement une inconnue que j’avais croisée brièvement. Elle m’avait déjà oublié à l’heure qu’il était, ne voyant en moi qu’un pervers pénible qui n’acceptait pas un refus. Elle m’avait à peine regardé, elle ne savait sans doute même pas à quoi je ressemblais.

– Tout le monde aime la cuisine italienne. La pâte est reine. J’ai indiqué son bol d’un signe de tête. – Et tu crois qu’il y a quoi, là-dedans ? Il m’a regardé droit dans les yeux. – De la merde. J’ai posé mon bol sur le comptoir entre nous et mis mes mains sur les hanches. Le petit monstre à l’intérieur de moi, toutes griffes et crocs dehors, a explosé. – Avale une bouchée. – Ou sinon ? Ses yeux se sont immédiatement posés sur mes lèvres, ses pensées sombres le rattrapant direct dès que la tension montait entre nous. – Rien de bon, crois-moi. Il a lutté pour ne pas sourire et a fini par prendre une bouchée. Il a fourré les pâtes dans sa bouche et a mâché lentement avant d’avaler d’un air théâtral. Affichant une expression indéchiffrable, il a pris tout son temps. – Alors ? Il était impossible qu’il trouve ça bon. Il a reposé le bol et m’a regardée dans les yeux. – De la merde. J’ai tapé rageusement du poing sur la table. – Tu mens ! Je l’ai poursuivi autour de l’îlot de cuisine en lui donnant des coups de torchon. – Tu aimes ça, et tu le sais. Il a couru en rond pour éviter les coups de torchon. Il riait tandis que je le poursuivais. C’était l’une des rares fois où j’entendais son vrai rire, un son chaleureux venu du fond de sa gorge. Son sourire était contagieux. Pendant un moment, j’ai eu un aperçu de celui qu’il avait dû être enfant. Un être espiègle et joyeux, une âme lumineuse. – Bouton, je t’aime. Mais je n’aime pas ta cuisine. – Je vais te faire regretter ce que tu dis.

– N’y pense plus, dit Crow d’une voix ferme. Ne te soucie pas de choses que tu ne peux pas changer. Ne ressasse pas le passé, car tu es dans le présent. Ce qui t’est arrivé est horrible, je te le concède. Quand je l’ai lu dans ton dossier, j’ai été d’humeur meurtrière pendant au moins une semaine. Mais tu ne peux pas laisser cet événement définir qui tu es. Tu ne peux pas le laisser t’affliger. Relève-toi et fonce. Je sais que tu en es capable. Il ne comprenait toujours pas. – Je n’ai pas perdu espoir à cause de ce qu’il a fait. J’ai perdu espoir parce que plus rien ne m’attend chez moi. Je n’ai pas de famille qui me cherche. Je n’ai pas de meilleure amie qui s’inquiète pour moi. Jacob était ma seule famille. Et il se fout que je meure ou pas. Peu importe que je sois ici ou là-bas.

– Quand on a la chance de trouver une femme qui nous rend heureux, il faut la garder près de soi le plus longtemps possible. On finit toujours par perdre les êtres chers, mais les mettre à distance ne rend pas la fin plus facile. 

 – Mais avec toi, j’aime ça.
– Pourquoi ?
– Parce que t’es forte. Je n’ai jamais rencontré de femme forte.
– Tu me domines facilement.
– On n’a pas besoin d’être grand pour être fort. La force vient du plus profond de soi. C’est la capacité à esquiver la douleur, à persévérer quand l’échec nous gifle au visage comme une pluie glaciale. C’est le refus de céder sous la pression. C’est beaucoup de choses. La taille n’a rien à voir

Elle a approché son visage du mien et m’a fait un baiser plus doux qu’un pétale de rose.
– Tu mourrais avant de laisser quelque « chose m’arriver.
La conviction a résonné dans sa voix comme la cloche de l’église du village. Sa confiance inébranlable en moi était à la fois réconfortante et déchirante.
– Et je mourrais avant de laisser quelque chose t’arriver. 

– Cane, on ne peut aimer personne. Si on le fait, ils seront tués. Tu le sais. Je le sais. Ça se passe ainsi, c’est tout.
– En ce qui concerne Pearl, sa tête est déjà mise à prix. Alors qu’est-ce que ça change ?
J’ai bu mon whisky pour masquer mon silence.
– Tu l’aimes et elle t’aime. Qu’est-ce que ça peut faire si tu ne le dis pas explicitement ? Tu l’as prouvé un million de fois hier quand t’as pété les plombs avec les hommes de Bones. Accepte simplement le fait qu’elle fait partie de ta vie, pas seulement maintenant, mais pour toujours. Tu ne rends service à personne en te mentant à toi-même. Sois un homme, Crow.
– Sois un homme ?
– Oui. Un homme, un vrai, ne ment pas sur ses sentiments. Il dit au monde entier qu’il aime une femme et met ses ennemis au défi de faire du mal à celle qu’il adore. Un homme courageux a des brèches dans son armure, mais il part à la guerre quand même. Un homme fort n’a pas peur d’aimer, même s’il sait que toute chose a une fin. C’est ça être un vrai homme, Crow. Ces conneries pour te justifier sont tout bonnement pathétiques. Et je sais de quoi je parle. 

– Je suis désolé.
J’ai regardé Bouton de l’autre côté de la table, la voyant vraiment pour la première fois depuis des jours.
– C’est juste…
Je ne pouvais pas l’expliquer, aussi je n’ai pas essayé.
– Ça va.
Son ton était empreint de sympathie, et elle m’a regardé d’un air triste alors qu’elle finissait son dîner.
– Je connais la sensation. S’éteindre et laisser la vie défiler devant soi.
C’était une bonne façon de le décrire. 

Il pouvait me faire tout le mal qu’il voulait, je ne ressentirais probablement rien.
Sa poigne s’est relâchée et son expression a changé. Un déclic s’est produit au plus profond de lui. Il a vu une lueur dans mes yeux. Il a vu mon âme se briser. Il a enfin vu les dégâts laissés dans le sillage de mon chagrin d’amour. Ça avait pris du temps, mais il avait fini par comprendre.