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Citations de Pétrus Borel (66)


SONNETS

30 septembre


Dans mon cœur, sombre abîme, où, sous le pont du doute,
À flots silencieux, coule l'impiété,
Où toute passion a son anxiété,
Où le rire poursuit ce que l'homme redoute,

Comme sur un rocher aride et culbuté,
Où jamais le chevreuil ne se suspend et broute,
Parmi les noirs débris de son épaisse croûte,
Au fond d'une profonde anfractuosité,

Depuis tantôt six ans une herbe humble et craintive,
Mais vivace, a germé. Son front est soucieux,
Sa tige est pâle et frêle. Elle souffre captive !

Pourtant, comme le chêne elle irait jusqu'aux cieux ;
Pourtant, si vous vouliez, de cette chétive herbe,
Madame, vous feriez l'arbre le plus superbe !

p.214
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SONNETS

25 août


Jamais je n'oublierai l'heureux instant, madame,
Où dans la cour d'Eugène enfin je vous revis :
Je devins fou tout bas, mes sens étaient ravis ;
Un bonheur inconnu descendit en mon âme.

Comme le cerf bondit vers sa biche qui brame.
Comme rémerillon fond sur un cochevis.
Comme un enfant descend, éperdu, d'un parvis.
Comme sur un esquif vient déferler la lame.

J'accourus sur vos pas. À ce bruissement
Vous tournâtes la tète et dites : Ah ! c'est Pierre !
Et je reçus de vous un doux embrassement.

Une larme de joie errait sous ma paupière.
Mon cœur était rempli d'un indicible émoi...
Ah ! madame, soyez toujours bonne pour moi !

p.212
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ISOLEMENT
À Gérard, poète


Sous le soleil torride au beau pays créole,
Où l’Africain se courbe au bambou de l’Anglais,
Encontre l’ouragan, le palmier qui s’étiole
Aux bras d’une liane unit son bois épais.

En nos antiques bois, le gui, saint parasite,
Au giron d’une yeuse et s’assied et s’endort ;
Mêlant sa fragile herbe, et subissant le sort
Du tronc religieux qui des autans l’abrite.

Gui ! liane ! palmier ! mon âme vous envie !
Mon cœur voudrait un lierre et s’enlacer à lui.
Pour passer mollement le gué de cette vie,
Je demande une femme, une amie, un appui !

— Un ange d’ici-bas ?... une fleur, une femme ?...
Barde, viens, et choisis dans ce folâtre essaim
Tournoyant au rondeau d’un preste clavecin. —
Non ; mon cœur veut un cœur qui comprenne son âme.

Ce n’est point au théâtre, aux fêtes, qu’est la fille
Qui pourrait sur ma vie épancher le bonheur :
C’est aux champs, vers le soir, groupée en sa mantille,
Un Werther à la main sous le saule pleureur.

Ce n’est point une brune aux cils noirs, l’air moresque ;
C’est un cygne indolent ; une Ondine aux yeux bleus
Aussi grands qu’une amande, et mourants, soucieux ;
Ainsi qu’en réfléchit le rivage tudesque.

Quand viendra cette fée ? — En vain ma voix l’appelle ! —
Apporter ses printemps à mon cœur isolé.
Pourtant jusqu’aux cyprès je lui serais fidèle !
Sur la plage toujours resterai-je esseulé ?

Sur mon toit le moineau dort avec sa compagne ;
Ma cavale au coursier a donné ses amours.
Seul, moi, dans cet esquif, que nul être accompagne,
Sur le torrent fougueux je vois passer mes jours.
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Or donc, monsieur l'intrus, sans crainte habillez-vous : tout à l'heure, vous me demandiez qui j'étais ; dites-moi d'abord qui je suis, et je vous dirai à tous deux qui vous êtes. Notre trinité n'a pas la mine très sainte (...)
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L’Aventurier
À D. Krafft.

Ne puis-je donc aller fumer où il me plaira le
cigare de mon existence ?
AUTEUR CONNU.

Ce désert étouffant est donc infranchissable ?…
Voilà bientôt deux nuits que j’ai quitté les bords ;
De l’aube à l’Occident je marche, et n’en suis hors.
Mes deux pieds lourdement s’enfoncent dans le sable,
Et mon bambou se rompt sous le poids de mon corps.

Harassé, je m’assieds, mourant solitaire,
Ainsi qu’une ombre errante aux débris d’un château.
Rien ! pas un seul carbet sur ce vaste plateau.
D’un stupide regard je mesure la terre,
Qui se déploie au loin comme un large manteau.

Rien, que ma soif et moi : quel horrible silence !
Je n’entends que mon râle et le bruit de mon cœur.
Je penche, je faiblis courbé par la douleur.
Dieu ! que l’homme est piteux en un désert immense !
Dieu ! que l’homme est débile au souffle du malheur !

Blasphème, aventurier, pleure, et te désespère,
Au réveil trop cruel d’un trop court songe d’or…
Mon sort est mérité, peut être pire encor ;
Dans la tombe en partant j’ai poussé mon vieux père :
Je voulais l’opulence, et j’embrasse la mort.

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grognements d’un porc.
L’un était moins qu’un loup, c’était un accusateur public.
L’autre plus qu’un porc, c’était un préfet.
Le préfet venait de recevoir sa nomination pour un chef-lieu
de province, et partait le lendemain. L’accusateur exerçait depuis
assez longtemps cette fonction à la cour d’assises de Paris; et
joyeux, avait offert un dîner d’adieu à son ami.
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Une seule bougie placée sur une petite table éclairait faiblement
une salle vaste et haute; sans quelques chocs de verres et
d’argenterie, sans quelques rares éclats de voix, elle aurait semblé
la veilleuse d’un mort. En fouillant avec soin dans ce clair-obscur,
comme on fouille du regard dans les eaux-fortes de Rembrandt,
on déchiffrait la décoration d’une salle à manger, de l’époque
caractéristique de Louis XV, que les classiques inepto-romains
appellent malicieusement Roccoco. Il est vrai que la corniche
encadrant le plafond était nervée et profilée en bandeau et à
gorge, sans la moindre parenté avec l’entablement de l’Eresichtœum, du temple d’Antoninus et Faustina ou de l’arc de
Drusus; il est vrai qu’elle était sans saillie, larmier, coupe-lame et
mouchette chassant et rejetant la pluie qui ne pleut pas. Il est vrai
que les portes n’étaient point surmontées d’un couronnement,
dit attique, pour chasser les eaux de la pluie qui ne pleut pas. Il
est vrai que les arcades n’avaient point en hauteur leur largeur
deux fois et demie. Il est vrai qu’on n’avait eu aucun égard aux
spirituels modules de l’illustrissimo signor Jacopo Barrozio da
Vignola, et qu’on avait ri au nez des cinq-ordres.
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Contre l’usage de notre époque, de même que Léonardo da
Vinci, contrairement à celui de la sienne, il portait la barbe
longue depuis l’âge de dix-sept ans; jamais les plus instantes
prières ne purent le contraindre à l’abattre. En cette étrangeté, il
devança de quatre ans les apôtres de Henri Saint-Simon. L’idée
la plus juste qu’on puisse en donner, c’est de dire qu’il avait beaucoup de l’aspect de saint Bruno.
Sa voix et ses façons étaient douces, à la grande surprise de
ceux qui le voyaient pour la première fois, et qui, par ses écrits,
ses poésies, se l’étaient figuré un ogre effroyable. Il était bon,
doux, affable, fier, opiniâtre, serviable, bienveillant, son cœur
aimant, amoroso con los suyos, divine expression espagnole,
n’avait point encore été gâté par l’égoïsme et l’or. Mais quand on
le blessait à fond, sa haine devenait, comme son amour, implacable.
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En extase, enivré, je n’ai plus rien d’humain ;
Sur mon corps allégi mon âme se déborde,
Goutte à goutte en rosée ; et semblable à la corde
D’un théorbe d’argent palpitant sous la main
D’un ange prosterné… sous mes pieds fuit la terre,
Je ne suis plus qu’un son ! un reflet ! un mystère !…
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Tantôt des hourras affreux, tantôt des ricanemens et des bruits de cuivres, qui se prolongeaient de groupe en groupe dans l'obscurité, et s'affaiblissaient comme des rires sataniques que promènent des nuées.
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Mais quand l'être, pour lequel une femme est la moins sympathique, souffre malheureux pour elle, rien ne peut la défendre d'un doux sentiment qui s'épanouit en son âme ; elle n'a point d'amour, il est vrai, mais elle a bien de la pitié ! …
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Qu'on n'accuse pas les Vandales et l'ignorance de destruction : les Vandales ne font pas la guerre aux monuments, l'ignorance est respectueuse. (8)
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HEUR ET MALHEUR



Extrait 1

J'ai caressé la mort, riant au suicide,
Souvent et volontiers quand j'étais plus heureux ;
De ma joie ennuyé, je la trouvais aride,
J'étais las d'un beau ciel et d'un lit amoureux.
Le bonheur est pesant, il assoupit notre âme.
Il étreint notre cœur d'un cercle étroit de fer ;
Du bateau de la vie il amortit la rame ;
Il pose son pied lourd sur la flamme d'enfer,
Auréole, brûlant sur le front du poète,
Comme un pignon d'un temple un flambeau consacré ;
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À Jules Vabre, architecte

De bonne foi, Jules Vabre,
Compagnon miraculeux,
Aux regards méticuleux
Des bourgeois à menton glabre,
Devons-nous sembler follet
Dans ce monde où tout se range !
Devons-nous sembler étrange,
Nous, faisant ce qu’il nous plaît !

Dans Paris, ville accroupie,
Passant comme un brin sur l’eau,
Comme un vagabond ruisseau
Dans une mare croupie.
Bohémiens, sans toits, sans bancs,
Sans existence engaînée,
Menant vie abandonnée,
Ainsi que des moineaux francs
Au chef d’une cheminée !

Chats de coulisse, endêvés !
Devant la salle ébahie
Traversant, rideaux levés,
Le théâtre de la vie.
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RÊVERIES


Extrait 1

Tout meurt.
Gérard

Le monde est un pipeur…
Imitation de J.-C. traduction en vers de P. Corneille.


La mort sert de morale aux fables de la vie.
La vie est un champ clos de milliaires semé,
Où souvent le champion se brise tout armé
À l’unième… Or, voilà le destin que j’envie !
Le monde est une mer où l’humble caboteur,
Pauvre, va se traînant du cirque au promontoire ;
Où le hardi forban croise sous l’équateur,
Gorgé du sang du faible, et d’or expiatoire. —
Mort, suprême bourreau !… non, plutôt vide, rien,
Basse fosse où tout va… mort sourde au cri du lâche !
Tous les êtres sont pairs devant ta juste hache,
     L’homme et le chien !
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Je ne puis l’oster de mon âme,
Non plus que vous y recevoir.
MALHERBE.

Elle étoit de l’âge d’un vieil breuf,
désirable el fraîche.
Béroalde de Verville.


ADROIT REFUS
Extrait 1

Ah ! ne m’accusez pas d’être froid, insensible ;
D’avoir l’œil dédaigneux, le rire d’un méchant ;
D’avoir un cœur de bronze à tout inaccessible ;
D’avoir l’âme fermée au plus tendre penchant.
Vous me devinez peu malgré votre science :
Croyez moins désormais à cette insouciance,
J’aime, et d’un amour vif ; j’en fais l’aveu touchant.

J’aime, en un manoir sombre et carlovingiaque,
Sillonné vers le soir par de rouges éclairs,
Seul, au balcon hardi, d’un luth élégiaque,
Éveiller des accords frémissants dans les airs.

Caché, j’aime à compter les baisers d’une amante ;
À contempler le ciel dans une onde dormante,
Et la lune bercée argentant des flots clairs.

J’aime de cent chasseurs voir la tourbe effrayante ;
La voix rauque des cors tonnant au fond des bois ;
Le hahé des valets à la meute aboyante ;
Puis l’hallali joyeux, les déchirants abois.
Puis, j’aime voir après, quand le soleil décline,
Quelques bons montagnards, au pied delà colline,
Naïvement danser aux chansons d’un hautbois.

J’aime à brûler parfois l’oliban et la manne ;
À savourer aux champs le parfum d’une fleur.
J’aime nonchalamment, sur la molle ottomane,
M’étendre, demi-nu, quand darde la chaleur ;
Prolonger jusqu’au soir la sieste favorite ;
Fumer le calumet, l’odorant cigarite,
Et d’un thé délicat égayer ma douleur.


p.11-12
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À Eugène Bion, statuaire.


LE RENDEZ-VOUS
Extrait 4

Soudain, il voit une lumière
Qui vers le manoir passe et fuit ;
Un cercueil entre au cimetière,
Un blanc cercueil. — Eh ! qui le suit ?
Horreur ! eh ! n’est-ce pas ton père
Qui hurle ainsi, se traîne à terre ?…
Je t’accusais !… tiens, à genoux :
Poignard que mon sang damasquine
Frappe, déchire ma poitrine !…
Je te rejoins au rendez-vous !!!


p.19
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À Eugène Bion, statuaire.


LE RENDEZ-VOUS
Extrait 3

Tu m’avais dit… Mais qui t’enchaîne ?…
Fatal penser qui vient s’offrir !…
Enfer ! si ta peine est ma peine,
Qu’en ce moment tu dois souffrir !
Pour chasser l’ennui de l’attente,
Pour endormir mon âme ardente.
Et pour recevoir tes attraits ;
Je fais de ces fleurs que tu cueilles,
Du martagon aux larges feuilles,
Un lit de repos sous ce dais.

Tu m’avais dit… le temps se passe,
En vain j’attends, tu ne viens pas ;
Et la lune sur ma cuirasse
Brille et pourrait guider tes pas ;
Peut-être un rival ?… Infidelle ! —
Il dit : S’éloigne, vient, chancelle,
Faisant sonner ses éperons ;
Et de rage et d’impatience
Il fouille le sol de sa lance,
Et va, poignardant de vieux troncs.


p.18-19

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À Eugène Bion, statuaire.
LE RENDEZ-VOUS


Extrait 2

Du beffroi, quand l’airain sonore
Dans l’air bourdonnera sept fois ;
Quand sous l’arc du jubé gothique,
Le curé d’une main rustique
Aura balancé l’encensoir ;
Quand, sous la lampe vacillante,
Des vieilles la voix chevrottante
Tremblottera l’hymne du soir.

Tu m’avais dit : Viens à cette heure ;
Longe le mur des templiers,
Longe encor la sombre demeure
Assise sous les peupliers ;
Puis, glisse-toi dans la presqu’île
Qui penche sur le lac mobile,
Son front vert, battu des autans,
Vers ce saule, pâle fantôme,
Sortant du rocher comme un gnome.
Courbé sous de longs cheveux blancs.


p.18
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À Eugène Bion, statuaire.


Au luisant de la moucharde…
ARGOT.
… Enfin au cimetière,
Un soir d’automne, sombre et grisâtre, une bière
Fut apportée !…
Théophile GAUTIER.

LE RENDEZ-VOUS
Extrait 1

Tu m’avais dit : Au soir fidèle
Quand reparaît le bûcheron ;
Quand, penché sur son escabelle,
Au sein de sa famille en rond,
Il partage dans sa misère,
Triste gain de sa peine amère,
Un peu de pain à ses enfants,
Qu’au loin l’ambition n’entraîne,
Et dont nul proscrit par la haine,
Ne manque à ses embrassements.

Tu m’avais dit : Toi, que j’adore !
Tout bas avec ta douce voix.


p.17-18
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