Présentation des actes du Colloque de Cerisy "Aux origines du Je", sur l'oeuvre de Piera Aulagnier, avec J.-F. Chiantaretto, Catherine Matha et Aline Cohen de Lara, à la librairie Compagnie, Paris, le 5 janvier 2023.
[L’affect de déplaisir] est présent chaque fois que l’état de fixation devient impossible et que l’activité psychique doit reforger une représentation.
Le contrat narcissique a comme signataire l’enfant et le groupe. L’investissement de l’enfant par le groupe anticipé sur celui du groupe par l’enfant. […] Dès sa venue au monde, le groupe investit l’infans en tant que voix future à laquelle il demandera de répéter les énoncés d’une voix morte et de garantir ainsi la permanence qualitative et quantitative d’un corps qui s’autorégénérerait de manière continue. Quant à l’enfant, il demandera, en contrepartie de son investissement du groupe et de ses modèles, qu’on lui assure le droit à occuper une place indépendante du seul verdict parental, qu’on lui offre un modèle idéal que les autres ne peuvent renier, sans par là même renier les lois de l’ensemble, qu’on lui permette de garder l’illusion d’une persistance atemporelle projetée sur l’ensemble et, avant tout, sur le projet de l’ensemble que ses successeurs sont supposés reprendre et préserver.
Pour que cette complicité [entre principe de plaisir et pulsion de mort] n’ait pas trop tôt gain de cause sur la visée d’Eros, il faut qu’à ce plaisir minimal viennent s’ajouter la quête et l’attente d’une « prime de plaisir », […] prime qui, à partir du moment où en est faite l’expérience, devient le but de l’activité psychique.
La vérité est l'objet d'un combat jamais définitivement gagné, ni définitivement perdu que périodiquement le Je doit livrer pour s'approprier et défendre des positions, faute desquelles il ne pourrait ni s'orienter, ni auto-investir son propre espace identificatoire.
Désir à ne pas avoir à désirer, telle est l’autre visée propre à tout désir. Il en résultera que l’activité psychique, dès l’originaire, forgera deux représentations antinomiques de la relation présente entre le représentant et le représenté, chacune conforme à la réalisation d’une visée du désir.
Vivre, c’est expérimenter de manière continue ce qui résulte d’une situation de rencontre […].
La rencontre avec le psychotique n’a quelques chances d’être pour lui positive et autre chose qu’une pure violence exercée au nom d’un « savoir supposé », et bien à l’abri dans la tête d’un des interlocuteurs, que si ce dernier est prêt à reconnaître que les deux discours dans leur référence à l’évidence sont dans un strict rapport d’analogie. La psychose met en cause ce patrimoine commun de certitude, dépôt précieux qui s’est sédimenté dans une première phase de notre vie psychique et dont nous réalisons tout à coup qu’il est la condition nécessaire à ce que nos questions fassent sens à nos propres oreilles et ne nous projettent pas dans le vertige du vide.
La psychose se caractérise par la force d’attraction exercée par l’originaire, attraction à laquelle elle oppose cet « en-plus » représenté par la création d’une interprétation « délirante » rendant « dicibles » les effets de cette violence.
Le phénomène de violence, tel que nous l’entendons ici, renvoie en premier lieu à la différence séparant un espace psychique, celui de la mère, où l’action du refoulement a déjà eu lieu, et l’organisation psychique propre à l’infans.
La mise en place d’un nouveau processus ne comporte jamais la mise au silence du précédent : en des espaces différents ayant entre eux des relations non homologues, se poursuit l’activité qui leur est propre.