Reif Larsen

la foi en elle-La foi en elle-même est une belle chose, peut-être la plus belle de toutes, mais la foi que j'accuse est une foi devenue folle, une foi qui obscurcit notre jugement, une foi qui ignore la rigueur et encourage la médiocrité, une foi dénaturée, manipulée. C'est cette foi-là qui nous a amenés à ce point critique. Nous tous qui sommes rassemblés ici, nous avons foi dans l'absolue nécessité du processus scientifique, dans le triptyque de Phypothèse, de l'expérience et du rapport, qui régit la grande marche vers la vérité. Mais ce qui nous semble une évidence n'a rien de naturel. Cette méthode, ce système de valeurs, nous en sommes les créateurs et, comme toute création humaine, ils peuvent nous être retirés. Il n'y a rien d'immuable dans notre civilisation, si ce n'est la certitude de sa destruction finale. Si nous ne réagissons pas, le monde de la science aura beaucoup changé quand la prochaine génération y fera son entrée, et peut-être sera-t-il méconnaissable dans un siècle, à supposer, bien entendu, que notre civilisation n'ait pas été engloutie d'ici là par la crise imminente des énergies fossiles.

Il a souri, mais son regard conservait les marques de sa colère. Elle était encore là, nichée derrière ses dents blanches, et au fond de ses yeux, prête à resurgir. J’ai alors compris que les adultes, à la différence des enfants, étaient capables de s’accrocher à certains sentiments négatifs, même quand l'événement qui les avait suscités était passé depuis longtemps, même quand les cartes postales avaient été envoyées, les excuses présentées, et que tout le monde avait tourné la page.
Les adultes étaient des entasseurs pathologiques de vieilles émotions inutiles.

L'évolution repose sur la mort autant que sur la vie.

On ne peut pas éradiquer tout le mal qui existe dans ce monde, mais on doit se souvenir de la bonté.

- Maman, dit Radar, le livre entre les mains. J'ai peur.
- Tant mieux, mon chéri. Ca signifie que tu as une raison de vivre.

"On ne doit pas vivre dans le passé", m'avait dit un jour un monsieur qui travaillait à la Société historique de Butte. J'ai trouvé cela étrange venant d'un historien, mais je suis à peu près sûr qu'il était soûl.

I'm not sure I can remember all that," Layton said.

La routine était reine pour étouffer les menus secrets de l’intimité.

«Un renne immobile n’est pas un renne. » Ces animaux-là ont la migration dans le sang. Ils doivent bouger pour exister.

Les bibliothèques ne sont pas des cathédrales culturelles, ce ne sont que des entrepôts qui n’auront bientôt plus lieu d’être.

Dans le monde qu’il avait quitté, les divisions qui poussaient les hommes à se mépriser, à se tuer, à se déclarer la guerre, reposaient souvent sur des différences invisibles. La religion, les traditions politiques, l’origine ethnique de chacun, tout cela n’avait rien d’évident jusqu’à ce qu’un nom, un accent ou un lieu de naissance soit révélé. Et si les soldats, pendant la guerre, portaient des uniformes permettant de distinguer parmi eux les Partisans des Tchetniks ou des Oustachis, dans le reste de la population, en revanche, on pouvait à sa guise se présenter comme ceci ou cela, en fonction de qui frappait à la porte. Ce flottement des identités faisait que, dans la Yougoslavie d’avant Tito, les liens familiaux primaient sur tout le reste : chacun se souciait d’abord des siens, essentiellement parce que nul ne savait qui étaient vraiment ses voisins. Kermin n’avait passé là-bas que les dix premières années de sa vie, mais cela lui avait suffi pour apprendre qui il devait protéger et qui il devait rejeter, et ces leçons-là ne s’oublient jamais. À sa manière calme et discrète, il aima d’emblée son fils de tout son être.

Si les gens avaient pu voir Radar de près, ils auraient compris, dès le début, qu’une simple infidélité ne pouvait être à l’origine d’un basculement aussi radical du plus blanc des blancs vers « le plus noir des noirs ». Mais les gens ne pouvaient pas le voir, car aucune photo de lui n’avait été diffusée, à l’exception d’une vue (supposée) de sa couveuse, prise d’assez loin.

Comment nommer un être qui n’existait qu’en théorie ? À plus forte raison s’il s’agissait d’un garçon : on ne nommait pas simplement l’enfant, on nommait l’homme

Il avait suffisamment vécu pour savoir que la souffrance physique est toujours exclue des rêves.

Ils étaient en train de jouer à l'awalé. J'étais sur le canapé, occupé avec une de mes cartes. "Maman, est-ce que je peux donner le sida à l'herbe ? avait demandé Layton.
- Non, avait dit le Dr Clair."

- Ah, excuse-moi, mon frère, mais il y a beaucoup de choses qui n’apparaissent pas sur les cartes. Et ce qui n’apparaît pas, c’est justement ce qui nous intéresse.

D’ailleurs, c’est un conseil : lâche pas le fil de l’enfance. La vie fera de son mieux pour te chier dessus, mais si tu te cramponnes à tes seize ans jusqu’à la fin de tes jours, tu devrais pas trop mal t’en sortir.

Heureusement, je savais, pour en avoir déjà fait l’expérience en cartographie, que la meilleure solution est parfois, justement, la plus simple et la plus ridicule.

Le code du cow-boy :
1 Le cow-boy ne doit jamais tirer le premier, frapper un homme plus petit que lui, ni profiter injustement d’autrui.
2 Il ne doit jamais revenir sur sa parole ni trahir la confiance qu’on lui a accordée.
3 Il doit toujours dire la vérité.
4 Il doit se montrer doux avec les enfants, les anciens et les animaux.
5 Il ne doit pas nourrir ni prôner d’intolérance raciale ou religieuse.
6 Il doit venir en aide à ceux qui sont dans la détresse.
7 Il doit être bon travailleur.
8 Il doit rester pur dans ses pensées, ses paroles, ses actes et ses habitudes personnelles.
9 Il doit respecter les femmes, les parents et les lois de la nation.
10 Le cow-boy est patriote.

Quelque chose, dans le fait de mesurer la distance entre l’ici et l’ailleurs, dissipait le mystère de ce qui se trouvait entre les deux, mystère parfois terrifiant pour moi qui, comme la plupart des enfants, manquait de connaissances empiriques. Comme la plupart des enfants, je n’étais jamais allé ailleurs. J’étais à peine arrivé ici.
Voici la règle numéro un, en cartographie : si l’on ne peut pas observer soi-même un phénomène, on n’a pas le droit de le représenter.