Citations de Renee Knight (93)
J'étais partout sauf dans l'instant présent ; un enfant en train de suivre une piste de miettes de pain dans la forêt sans penser à ce qui l'attend plus loin.
Je ne servais à rien. J'aurais dû passer mon bras autour de ses épaules, m'asseoir avec elle et écouter sa musique ; au lieu de quoi j'ai battu en retraite vers la porte. Je me sentais gauche, ici. Il n'y avait pas de directives à suivre, pas de contrat de travail auquel se référer. J'ai toujours été meilleure secrétaire que mère.
Elle a levé son verre, son regard souriant a croisé le mien.
- A Christine ! A-t-elle lancé.
Je ne bois plus de champagne. La seule odeur me retourne le coeur.
La voix de [l'avocat] suivait une mélodie désagréable, teintée de la confiance arrogante d'une petite brute de cour de récré.
J’ai senti l’ancienne Mina revenir dans la pièce. Pleine d’assurance, confiante, hardie.
— Vous savez que je ne vous demanderais pas cela s’il y avait quoi que ce soit d’illégal dans ces cartons. Un autre ?
Elle a pris mon verre et l’a rempli.
— Au fait, je voulais vous dire que la maison en Italie est disponible une partie du mois d’août. Vous aimeriez peut-être y passer une semaine. Avec Angelica. Elle va adorer.
J’avais vu des photos de la maison de Mina en Italie et je savais combien elle y tenait. Seuls la famille et les amis proches y étaient autorisés. C’était vraiment gentil de sa part, et pourtant, j’ai hésité ; je doutais qu’Angelica veuille passer du temps seule avec moi.
— Vous paraissez soucieuse, Christine. Je comprends. Les adolescentes peuvent se montrer difficiles. Peut-être qu’Angelica aimerait emmener des amis ?
Elle a posé sa main sur mon bras.
— Dites-lui donc que je vous ai proposé la maison, mais que vous ne pouvez pas y aller, et suggérez-lui de s’y rendre avec une amie à la place. Je suis sûre qu’elle sera ravie de l’occasion. Et assurez-lui que c’est votre idée.
Elle a cogné son verre contre le mien et a bu une lampée de whisky. J’ai entendu le son d’un glaçon qu’elle croquait.
— Merci, Mina. Si vous êtes sûre…
— Absolument. Vous êtes de la famille, pour moi, Christine, vous le savez.
Elle s’est levée et a attrapé son manteau. J’ai terminé mon verre et me suis apprêtée à partir.
— Vous savez quoi, Christine ? Plus j’y pense et plus je me dis que ce serait aussi bien si vous vous débarrassiez carrément de ces dossiers.
Elle a prononcé ces mots comme si l’idée venait seulement de la traverser, d’une voix douce, comme si nous discutions encore de son invitation en Italie.
— Je ne souhaite rien garder de ce qu’il y a dedans, et ainsi, je n’aurais plus à m’en soucier. Vous pourriez peut-être tout jeter en rentrant chez vous ? Là où vous pensez que c’est le mieux. Je vous laisse décider. Voyez cela comme un brin de ménage.
Je savais ce que c'était, être dans son lit à espérer que quelqu'un vienne nous réconforter. Au bout d'un moment, on apprend à se rassurer soi-même, puis à ne plus pleurer du tout.
Nous étions toutes les deux Balance, Mina et moi, et je nous vois comme les deux extrémités d'une planche à bascule. La balance penchait toujours légérement de son côté, bien-sûr, mais chaque fois qu'elle faiblissait, les poids s'équilibraient et je devenais plus forte.
Elle envie presque à sa mère la façon dont fonctionne son esprit. Il se détériore et pourtant sa déliquescence lui apporte une détermination farouche à éclairer d'une lumière positive les horreurs qui le pénètrent. Sa mère semble satisfaite : elle se crée, pour l'instant en tout cas, un monde bien plus beau.
Cela devait faire presque quarante ans que je n’avais pas lu ces mots. Elle avait écrit le roman l’été précédant la naissance de Jonathan. C’était comme si elle se trouvait dans le lit avec moi. Je pouvais entendre sa voix avec clarté : celle de Nancy, jeune femme, pas encore mère. De l’énergie se dégageait de ces pages, de l’intrépidité, et cela m’a renvoyé à une époque où nous étions excités par l’avenir, où les choses qui ne s’étaient pas encore produites nous réjouissaient plutôt qu’elles nous effrayaient. Ce soir-là, je suis allé me coucher heureux, conscient que même si elle m’avait quitté, j’avais eu de la chance d’avoir Nancy dans ma vie. Nous nous étions ouverts l’un à l’autre. Nous avions tout partagé. Je croyais que nous savions tout l’un de l’autre.
C'était la vérité qui me posait problème. Les mensonges, je les débitais sans difficulté.
Je m'approche pour me retrouver juste dans son dos. Elle est vraiment trop maigre. Ses omoplates saillent sous son pull. Ces ailes diaboliques.
- Difficile de croire que c'était une maison familiale, non ? ai-je commenté en admirant le majestueux escalier.
Il a haussé les épaules.
- Pour vous et moi, peut-être. Mais ils ne sont pas comme nous, pas vrai ?
Ses poils de nez sont longs et ils frémissent comme des pattes d'araignée quand il souffle sur son thé. Il ne prend pas soin de son apparence ; le signe d'un esprit sain, d'après moi. En même temps, il est respectueux, pas volontairement débraillé. Il s'est rasé, même si à l'évidence son rasoir est émoussé ; il porte une chemise, pas un T-shirt (...).
(p. 95)
Dépourvue de tous ses attributs extérieurs de richesse et de succès, dans sa tenue simple, ses cheveux tirés en arrière, sa peau sans maquillage, il était impossible que le jury [l'] envisage capable de la tromperie dont on l'accusait.
Après ça, le bureau et la maison sont devenus deux continents séparés par un océan, qui s'éloignaient inexorablement l'un de l'autre. Pendant un temps, j'ai réussi à garder un pied sur chaque, mais à la fin je sautais de l'un à l'autre. Ce n'était pas un choix conscient, pourtant j'ai laissé mon foyer partir à la dérive, et je n'ai rien remarqué avant qu'il ait disparu.
Pour être écrivain, pour être un bon écrivain, il faut du cran, il faut être prêt à se mettre à nu.
Il y a une brusque avancée quand le train arrive à quai et je me laisse porter derrière elle . je marche sur un nuage. Elle aussi se fait pousser , mais pas par moi. Je ne l'ai pas touchée. ...Nous ne sommes pas prêts encore , Nancy et moi. J'ai amené Nancy avec moi. Ses bras sont sur les miens , mon coeur se trouve où était le sien . Je me suis mis à porter son cardigan .
Catherine retourne à la cuisine et verse le reste de la bouteille dans son verre, puis ouvre la baie vitrée qui donne sur la terrasse. Elle allume une cigarette, et alterne entre une bouffée de tabac et une lampée de vin. Elle pense que ça va la calmer. Mais non. Ça lui met les nerfs à vif. Ça la rend agitée. Elle veut se punir. Et la cigarette fait partie du châtiment, un processus d'autodestruction lent, et le livre en est un autre.
Je m'occupais des quatorze-quinze ans dans le groupe scolaire du bout de la rue. Je sais que certains profs trouvent cette tranche d'âge difficile, mais moi, j'aimais bien. L'adolescence n'a rien d'une partie de plaisir et ma philosophie était de lâcher du lest aux pauvres bougres. Je ne les ai jamais contraints à lire un livre s'ils ne voulaient pas.
(p. 15)
Being a secretary back then was, it seems, not so different to now. That ability to make oneself invisible. It is astounding the number of conversations carried on in front of us, as if we don't exist. The silent witness is a role I'm quite used to. Watching, listening - as quiet as a mouse, at the heart of events - my loyalty and discretion never in question. And yet, loyalty and direction are qualities for which I have paid a heavy price.