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Citations de Robert Pinget (78)


Vous prendrez bien quelque chose dit sa voisine à monsieur Songe qui vient de l’aider à pousser sa brouette. Ils entrent dans la cuisine, la femme insiste, asseyez-vous, qu’est-ce que je peux vous offrir. Un petit marc ? Oh je sais, un petit porto, il m’en reste un fond de bouteille. Le vieux refuse poliment puis accepte. De retour chez lui il dit tout de même est-elle assez rat, assez râteau pour m’offrir un fond de bouteille. Autant à boire qu’à manger dans mon verre. Ça m’apprendra à être serviable. Quelques jours après même offre de la voisine pour le même service. Il boit son verre et de retour chez lui il dit qu’est-ce qu’elle m’a fait boire ? Il n’y avait plus de porto, le marc me fait vomir, qu’est-ce qu’elle m’a fait boire ? Or le lendemain la femme lui dit pardonnez-moi de vous avoir laissé partir hier sans rien vous offrir. Mais l’épicier vient de passer, j’ai une bouteille de porto toute fraîche, entrez une minute. Le vieux refuse, accepte, et puis s’avise qu’il est devant sa propre porte, que la brouette de fumier il vient de la pousser sur sa propre plate-bande et que la voisine est décédée depuis longtemps.
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Te plaindre que la joie t'ait quitté est un leurre.
Sois encore heureux d'en déplorer l'absence.
C'est lorsque tu n'en souffriras plus que tu seras mûr pour la tombe.
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Recomposer contre l'angoisse d'où qu'elle vienne ce rêve inoublié... pour finalement le laisser bien loin, vieux plafond chargé d'oiseaux et de fleurs dans le goût d'autrefois, et progresser vers l'inaccessible... sans repères, sans ratures, sans notes d'aucune sorte, insaisissable mais là... auquel croire sous peine de ne jamais mourir.
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L'âge ne fait grandir que les grands coeurs.
Les petits rapetissent.
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On n’analyse ses sentiments que lorsqu’ils perdent de leur force.
Une grande passion se vit sans retour sur soi-même. C’est son déclin qui prête à réfléchir.
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Dire je n'ai plus d'illusions signifie il m'en reste d'inoubliables.
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Ayant oublié toute prétention à la littérature monsieur Songe s'avise un jour que plus rien ne l'intéresse. Seul en fin d'après-midi le déclin du soleil le réconforte.
Il devrait donc dans son carnet ne noter d'autre que la couleur du ciel, la forme des nuages, l'heure du coucher.
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Tout redire dit Monsieur Songe, pour tout renouveler. Bonne formule. Redire scabieuse acacia mélilot, et voilà l'été sur ma page.
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7 novembre.

Toute leur intimité s'autopsie dans leurs yeux, même distraits. Vous marchez dans la rue au milieu d'êtres décortiqués. Ils offrent un spectacle de division psychique monstrueux. Je n'en ai presque point rencontrés pour qui le présent eût d'importance. Ils projettent tout dans le futur. Un futur fait de préoccupations actuelles et de temps révolu. Encombrés de cet impossible, ils cheminent de détresses en faillites.
Ils sont hantés dangereusement par l'éternité.
Quant aux enfants, je pense qu'ils ressemblent aux nôtres. Des rêves de petits pains, de ballons, de canards. Ils titubent de soucis, lourds comme des planètes.

JOURNAL
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2 décembre.

La foule, au bruit de ce déchirement, n'a pas bronché. On aurait dit qu'elle s'absorbait dans un objet, indiscernable, non localisé. Ce n'est pas la première manifestation du genre. La plus célèbre est, m'a-t-on dit, historiquement classée sous le nom de vendredi saint. J'ai fait ce rapprochement parce qu'une petite fille à côté de moi s'est mise à sécher. Les cheveux, d'abord, sont tombés comme du foin. Puis le visage, devenu fibreux, s'est penché vers la poupée. D'une main, la petite serrait le fétiche contre soi et de l'autre essayait de se redresser la tête. Mais les mains furent prises avec le corps jusqu'au bassin. Elle a fait encore deux pas. Puis les jambes se sont cassées.
Je n'avais jamais vu de masse populaire figée. L'endroit est si remuant d'ordinaire qu'on y suit un individu, un couple, tout au plus un groupe. Pour lors, on embrassait l'ensemble trop facilement. Je n'avais pas besoin de preuve, le spectacle magnétisait. C'est en y réfléchissant, plus tard, que l'idée de facilité à voir m'en confirma la réalité.
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Il était là ce papier, sur la table, à côté du pot. Il n'a pas pu s'envoler. Est-ce qu'elle a fait de l'ordre? Est-ce qu'elle l'a mis avec les autres? J'ai tout regardé, j'ai tout trié, j'ai perdu toute ma matinée, impossible de le trouver. C'est agaçant, agaçant. Je lui dis depuis des années de ne pas toucher à cette table. Ça dure deux jours et le troisième elle recommence. Je ne retrouve plus rien. Il paraît que c'est partout la même chose, dans toutes les maisons, dans tous les ménages. Alors il faudrait supprimer les bonnes ou les femmes. Moi je m'en passerais. J'ai mes petites affaires, mon petit travail, je peux me passer de tout le monde, je peux vivre seul. La bouffe ce n'est pas compliqué et le reste ça n'existe pas. Il n'y a que le travail qui compte. C'est vrai ça, se laisser emmerder toute la vie par des personnes qui mettent en ordre vos papiers. Il aurait fallu que je m'arrange autrement mais voilà, on est embringué dans l'existence, on ne sait pas seulement comment. Je n'ai pas l'intention d'en parler de mon existence mais probable qu'il va falloir. C'est d'un inintérêt, d'un plat. À se demander si c'est vrai.

(incipit)
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Le potager est sec.
Monsieur Songe dit en arrosant les carottes rien n'est moins certain que j'aime pas arroser et que je déteste les carottes.
A quoi sa bonne répond vous aurez beau vous dire changé vous restez le même olibrius.
Elle ajoute c'est étrange cet amour des phrases qui vous conduit au désamour des gens.
Toute réflexion faite monsieur Songe ne sait que penser de cette remarque de Sosie. C'est le nom qu'il donne à sa bonne.
Les carottes humidifiées il passe au carré des pois.
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Je vais au café même s'il est midi, à deux pas de chez moi, chemin faisant j'ai le temps de me dire je vais peut-être rencontrer quelqu'un, c'est une manie, quelqu'un qui justement se dirait : je vais peut-être rencontrer quelqu'un et qui tombe sur moi et on prend notre café ensemble. Évidemment ça n'arrive pas et je le prends seul. Mon café du matin, voilà où j'en suis. C'est dégoûtant. Quand je pense à ceux qui partent à l'aventure, ils débarquent des semaines après et là tout commence, ils vont dans la brousse à la recherche d'une fougère fossile, ou tourner un documentaire sur des animaux en voie de disparition, ou connaître les coutumes d'un peuple qui n'a jamais entendu du Mozart mais si on leur joue du Mozart en disque ils pleurent tellement c'est beau, j'ai lu ça dans Sciences et Avenir avec une photo d'indigène en train d'écouter, on voit sa figure bouleversée. Ou bien descendre des canions en pirogue sans un sou, tu manges des racines et tu bois Dieu sait quoi qui te soûle, tu as la fièvre, tu restes des mois étendu dans la case d'un type qui pratique la magie et les exorcismes, il se déplace sans bouger, il t'apprend avec patience le moyen de vivre cent ans ou de mourir à ta convenance. Tu y restes des mois, des années, tu ne sais plus le français, tu rencontres un jour des gars comme toi naguère en expédition et tu t'aperçois qu'au lieu de leur parler goulûment de ton village tu es en train de compter tes doigts de pieds. Voilà l'aventure. Moi je bois mon jus.
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Il faisait gris. Il ne se passait rien. Monsieur Songe à sa table de travail écoutait gargouiller son estomac après un dérangement grippaL Il était morose. Qu'allait-il noter sur son cahier? Il jetait un coup d'oeil autour de lui mais nul objet ne l'inspirait. Quand soudain dans sa chambre, il entend un grillon. Il cherche l'insecte partout, sous le lit, sous le fauteuil, sous les livres. Et puis il s'avise que le grillon est dans son oreille. Et il pense que la nature fait bien les choses. Un grillon dans l'oreille, des grenouilles dans l'estomac, que peut souhaiter de mieux un vieux citadin reclus amoureux de la campagne?
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Connaître l’heure de sa mort serait se priver de tout imaginaire.
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Quelqu'un écoute.
D'une oreille si attentive qu'on l'entend écouter.
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Tant de beaux livres qu'on dirait faits pour les mourants.
Et elle continuait, elle continuait sur sa soeur morte à l'asile où ils feraient mieux de dépenser pour les soins et la nourriture au lieu de planter des fleurs partout qu'on dirait un jardin zoologique, une agonie qui n'en finissait plus, j'en pleure encore quand j'y pense, et ma cousine a été si bonne pour moi à mon veuvage, elle me faisait la vaisselle le soir et nous jouions aux cartes jusqu'à des minuit une heure, et de ses neveux qui ont tous réussi dans la vie, l'éducation ça paie, sauf un qui a attrapé une méningite farineuse comment ça s'appelle, pauvre enfant s'il pouvait mourir ce serait une bénédiction mais on s'y attache quand même, quel âge peut-il avoir, quarante, quarante-cinq, il irait droit au ciel faire une bel ange de Dieu.
In paradisum.
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Lorsque monsieur Songe reçoit une lettre il ne l'ouvre pas tout de suite. Il la pose sur sa table le temps de s'y faire, de s'y habituer. S'il lui vient à l'idée que c'est une bonne nouvelle le plaisir est ainsi prolongé, sinon il est toujours assez tôt pour prendre connaissance du malheur. Et monsieur Songe ne se trompe jamais. Quand on lui demande de s'expliquer sur ce phénomène de voyance il ne sait pas, il dit c'est un don.
Il faut préciser que monsieur Songe reçoit très peu de courrier. C'est ou bien un rappel d'impôts ou bien une lettre de sa nièce. De sorte qu'il lui est facile de savoir laquelle des deux est la bonne nouvelle. Mais le jour où sa nièce sera fonctionnaire aux impôts?
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Une chouette sort à la nuit tombante. Tout le mystère
du jardin s'éveille.
Il y a des ombres inconnues, de secrètes respirations.
La vie à cette heure là.
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Et le maître est toujours là. Et la maison dans le même paysage. Même lumière, même ambiance équivoque. Mêmes rumeurs indistinctes.
Un inventaire à dresser. Du peu qui reste. Objets, lieux, voix. N'en pas nommer l'auteur. Qui le mandate ? Il était là hier, il est là ce matin, sera là demain. Le temps de verbaliser. Est-ce le terme ? Il écoute et écrit. Il relit, il récrit.
Du peu qui reste.
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