Citations de Robert William Chambers (27)
C'est cela qui continue à me préoccuper, car je ne peux oublier Carcosa où le ciel est parsemé d'étoiles noires, où l'ombre des pensées des hommes s'allonge dans l'après-midi, où les soleils jumeaux s'enfoncent dans le lac de Hali, et mon esprit sera toujours hanté par le souvenir du Masque blême.
Le restaurateur de réputations
Si je l'épousais, nous serions malheureux tous les deux, moi avec une femme qui n'était pas faite pour moi, elle avec un mari qui n'était fait pour personne.
A l'exception de la dinde, le jeune homme de dix-neuf ans est le plus curieux des bipèdes.
Camilla : Vous devriez, monsieur, vous démasquer.
L’étranger : Vraiment ?
Camilla : Vraiment, il est temps. Nous avons tous ôté nos déguisements, sauf vous.
L'étranger : Je ne porte pas de masque.
Camilla (terrifiée, à Cassilda) : Pas de masque ? Pas de masque !
Le masque
Pendant ma convalescence, j'avais acheté et lu pour la première fois ''Le roi en jaune''. Je me rappelle qu'après avoir terminé le premier acte, je compris que je ferais mieux d'arrêter. Je me levai et jetai le volume dans la cheminée ; il heurta le foyer et s'ouvrit en tombant dans le feu. Si je n'avais pas entrevu le début du second acte, je n'aurais jamais terminé le livre, mais quand je me baissai pour le ramasser, mes yeux ne purent se détacher de la page ouverte, et avec un cri de terreur, ou peut-être de joie si poignante que chacun de mes nerfs en fut torturé, j'arrachai le volume au foyer et, tremblant, je regagnai ma chambre, où je le lus et le relus, pleurant, riant, frémissant d'une terreur qui par moments me prend encore aujourd'hui.
Je déjeunai dans mon logis du quai Malthus, mais je n'avais que peu d'appétit, m'étant rassasié pendant la matinée, d'une quantité imprévue d'émotions diverses.
Il y avait un homme debout dans la cour de l'église, et je le remarquai à nouveau avec aussi peu d’intérêt que le matin. Je jetai un regard à travers le square, dans la direction des fontaines puis, ayant rempli mon esprit de vagues impressions d'arbres, d'allées d'asphalte, de petits groupes de bonnes d'enfants et de touristes, je voulus regagner mon chevalet. Comme je me détournais, l'homme dans la cour entra dans mon champ de vision. Il regardait maintenant dans ma direction, et j'eus le réflexe de me pencher pour mieux le voir. Au même instant il leva la tête et me lança un regard. Immédiatement, il me fit penser à un ver nécrophage. Je n'aurais pas pu expliquer ce que cet homme avait de répugnant, mas l'impression d'un gros ver de cimetière blanchâtre me révulsa si intensément que mon expression dut me trahir, car il détourna son visage bouffi dans un mouvement qui me fit penser à une larve s’agitant dans une châtaigne.
Le Signe jaune
Son esprit est une chambre des merveilles : il peut en extraire des trésors que vous et moi donnerions des années de notre vie pour acquérir.
Des critiques habitués à un fantastique moderne souvent platement ostentatoire, saturé de couleurs torchonnées à coups de brosse à gros poil, ne sont guère préparés aux subtilités d'un maitre qui tire de sa formation picturale les techniques d'une littérature à petites touches, coutumière de savant dégradés narratifs.
Michel Meurger, postface.
Ne raillons pas les fous: leur folie dure plus longtemps que la nôtre... Voilà la différence.
Nous parlions depuis quelques instants, sur un ton morne, monotone, quand je me rendis compte que nous discutions du Roi de jaune vêtu. Oh, quelle faute d'écrire de telles paroles - paroles d'une clarté de cristal, d'une fraîcheur de source jaillissant en ondes bouillonnantes, paroles qui scintillent, qui flamboient comme les diamants empoisonnés des Médicis ! Oh, la perfidie, la malédiction sans pardon d'une âme qui peut fasciner et paralyser l'humain par ces paroles - paroles qui comprennent l'ignorant et le sage, paroles plus précieuses que joyaux, plus apaisantes que musique, plus effroyables que mort !
Le masque de mon mensonge envers moi-même n'était plus un masque, il faisait partie de moi.
-Les ambitions de César et de Napoléon paraissent bien pâles devant celle qui ne trouvera pas de repos avant de s'être emparé de l'esprit des hommes et de diriger jusqu'à leurs pensées encore inexprimées,dit M.Wilde
-Vous voulez parler du Roi en jaune , dis-je avec un frisson.
-C'est un roi que des empereurs ont servi.
Qui peut se comparer à lui, avec son masque blanc ? demandai-je à la Mort assis près de moi.
Qui peut se comparer à moi ? répondit la Mort, car je suis plus pâle encore.
Alors je l’entendis se déplacer à pas feutrés dans le hall. Et il fut à la porte, et les serrures se décomposèrent à son contact. Et il entra. Mes yeux écarquillés tentaient de percer les ténèbres, mais quand il entra dans la pièce, je ne vis rien. C’est seulement quand je le sentis m’envelopper de son étreinte froide et molle que je me mis à hurler et à me débattre furieusement, mais mes mains étaient sans force et il arracha la broche d’onyx de ma veste et me frappa en plein visage. Alors que je tombais, j’entendis Tessie crier faiblement et son âme s’envola, et tout en tombant je regrettai de ne pas la suivre, car je savais que le Roi en jaune avait ouvert son manteau déchiré et qu’il n’y avait rien d’autre à faire qu’à implorer Dieu.
Ne raillons pas les fous ; leur folie dure plus longtemps que la nôtre... Voilà toute la différence.
je ne peux oublier Carcosa où le ciel est parsemé d’étoiles noires, où l’ombre des pensées des hommes s’allonge dans l’après-midi, où les soleils jumeaux s’enfoncent dans le lac de Hali, et mon esprit sera toujours hanté par le souvenir du Masque blême.
« Si seuls les ennemis du Vin et de l'Amour
Au sein du paradis devaient entrer un jour,
Le paradis du prophète serait, je le crains,
Désert et vide ainsi que le creux de ma main »
Au long du lac se brisent les vagues de nuages
Les deux soleils jumeaux meurent sur ses rivages
Et les ombres s'allongent
Sur Carcosa
Si étrange est la nuit sous les étoiles noires
Si étranges les lunes tournant au ciel du soir
Mais plus étrange encore
Est Carcosa
Les chansons qu'aux Hyades un jour on chantera
Là où flottent en bruissant les guenilles du Roi
Doivent mourir sans bruit
Dans Carcosa
Ma voix déjà se meurt et le chant de mon âme
Doucement s'évanouit comme sèchent les larmes
Qu'on n'a jamais versées
À Carcosa
Chanson de Cassilda, Le Roi en jaune, acte I, scène II.
CAMILLA : Vous devriez, monsieur, vous démasquer.
L'ÉTRANGER : Vraiment ?
CASSILDA : Vraiment, il est temps. Nous avons tous ôté nos déguisements, sauf vous.
L'ÉTRANGER : Je ne porte pas de masque.
CAMILLA (terrifiée, à Cassilda) : Pas de masque ? Pas de masque !
Le Roi en jaune, acte I, scène II