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Citations de Roberto Bolaño (264)


Roberto Bolaño
On ne finit jamais de lire, même si les livres s'achèvent, de la même manière qu'on ne finit jamais de vivre, même si la mort est un fait certain.
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Parfois, les soirs où je n'allais pas voir Maciste, j'ouvrais la porte à l'un des amis de mon frère, avec la lumière éteinte et les yeux fermés, parce que je ne voulais en aucun cas savoir qui c'était, et je faisais l'amour mécaniquement, et parfois je jouissais de nombreuses fois, ce qui en certaines occasions produisait en moi de violentes et inattendues crises de colère, qui me faisaient pleurer amèrement.
L'ami de mon frère me demandait alors si je me sentais mal, s'il m'arrivait quelque chose, si j'étais souffrante et, avant qu'il continue à parler, ce qui finirait par trahir son identité, je lui demandais de ne pas ouvrir la bouche ou je faisais chut, et il se taisait et continuait à baiser sans dire un mot, si grand était le pouvoir de suggestion ou de conviction ou de dissuasion que mes moindres gestes avaient acquis.
Un pouvoir quasiment surnaturel, suis-je arrivée à penser quelquefois (même si immédiatement après je me moquais de ces pensées), qui obligeait des êtres d'ordinaire bavards, comme le Bolognais, à se taire, ou des êtres silencieux, comme le Libyen, à se transformer en tombeau, un pouvoir qui laissait d'un coup sans questions des êtres rongés par la curiosité, qui instaurait un espace de silence et d'obscurité artificiels, où je pouvais pleurer et me tordre de douleur, parce que je n'aimais pas ce que je faisais, mais où je pouvais jouir toutes les fois que je voulais et où je pouvais marcher (ou palper la surface de la réalité du bout des doigts) sans me faire aucune illusion, sans me leurrer, sans connaître la signification de tout, mais bien le résultat final de tout, sachant pourquoi les choses sont où elles sont, avec un degré de lucidité que je n'ai plus eu, même si, parfois, je devine cette lucidité, là, tapie au-dedans de moi, réduite, démembrée, par chance pour moi, mais encore au-dedans de moi.
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En d'autres occasions, sans penser aux conséquences, je louais deux films à la fois. J'étais omnivore : j'aimais les films d'amour (qui me faisaient presque toujours rire), les films d'horreur classique, le cinéma gore, des thrillers psychologiques, des thrillers policiers, des thrillers de guerre. Quelquefois, je restais un long moment assise sur le pont Garibaldi, ou sur un banc de l'île Tibérine, pas loin de l'ancien hôpital, et j'examinais les jaquettes des films comme si c'étaient des livres.
Quelques voitures ralentissaient en passant à côté de moi. J'entendais des murmures auxquels je ne prêtais pas attention. En général, on baissait la vitre et on disait quelque chose, une promesse, puis les véhicules poursuivaient leur route. Il y avait des voitures qui passaient et ne s'arrêtaient pas. Il y avait des voitures qui passaient les vitres déjà baissées, avec des jeunes à l'intérieur qui criaient "fascisme ou barbarie" et qui, eux aussi, poursuivaient leur route. Moi, je ne les regardais pas. Je regardais les eaux du fleuve et les jaquettes de mes films et j'essayais d'oublier le peu de chose que je savais.
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J'ai cherché du travail. Tous les matins, j'achetais le journal, je lisais dans la cour du lycée la rubrique d'offres d'emplois et je soulignais ce qui m'intéressait. L'après-midi, après avoir déjeuné de n'importe quoi, je quittais la maison et je ne revenais pas avant d'avoir fait le tour des adresses. La plupart des offres d'emploi concernaient des boulots de pute, de manière dissimulée ou pas, mais je ne suis pas une pute, j'ai été une délinquante, mais pas une pute.

Un jour, j'ai trouvé du travail dans un salon de coiffure. Je shampooinais des têtes. Je ne coupais pas, mais j'observais comment les autres s'y prenaient et je me préparais pour le futur. Mon frère a dit que c'était stupide de se mettre à travailler, qu'avec la pension d'orphelinat on pouvait vivre heureux. Orphelinat, le mot faisait rire. Nous nous sommes mis à faire des comptes. En effet, nous pouvions vivre, mais en nous privant de presque tout. Mon frère a dit qu'il pouvait renoncer à trois repas par jour. Je l'ai regardé et je n'ai pas saisi s'il parlait sérieusement ou pour rire.
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- Tu es en train de devenir folle, a-t-il dit.
Je lui ai demandé s'il croyait que c'était bon ou mauvais. Il a dit que c'était toujours mauvais, sauf dans des cas extrêmes, lorsque devenir fou était une manière d'échapper à une douleur insupportable. Alors je lui ai dit que peut-être que j'étais en train de souffrir de façon insupportable, mais avant qu'il me réponde, je me suis rétractée :
- Je vais bien. Y a aucune douleur qui soit insupportable. Je suis pas devenue folle.
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Roberto Bolaño
En ces temps-là j'avais vingt ans
et j'étais fou.
J'avais perdu un pays
mais j'avais gagné un rêve.
Et si j'avais ce rêve
le reste était sans importance.
Travailler ou prier
ou étudier à l'aube
auprès des chiens romantiques.
Et le rêve vivait dans le vide de mon esprit.
Une chambre en bois,
dans la pénombre,
dans l'un des poumons du tropique.
Et parfois je retournais en moi
et je rendais visite au rêve : statue qui s'éternise
en des pensées liquides,
un ver blanc qui se tord
dans l'amour.
Un amour le mors aux dents.
Un rêve dans un autre rêve.
Et le cauchemar me disait : tu grandiras.
Tu t'éloigneras des images de la douleur et du labyrinthe
et tu oublieras.
Mais en ce temps-là grandir aurait été un crime.
Je suis ici, ai-je dit, avec les chiens romantiques
et c'est ici que je vais rester.

"Les chiens romantiques"
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Les Latino-Américaines, que je sache, nous ne faisons qu'une bise. Une bise sur une joue. Les Espagnoles en donnent deux, les Françaises, trois. Quand j'étais petite, je pensais que les trois bises que donnaient les Françaises voulaient dire : liberté, égalité, fraternité. Maintenant je sais que çe n'es pas le cas, mais j'aime continuer à le penser.
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La relation entre le maître et le disciple est comme ça : le disciple apprend et le maître apprend aussi.
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Un temps la Critique accompagne l’Œuvre, ensuite la Critique s’evanouit et ce sont les Lecteurs qui l’accompagnent. Le voyage peut etre long ou court. Ensuite les Lecteurs meurent un par un et l’Œuvre poursuit sa route seule, meme si une autre Critique et d’autres Lecteurs peu à peu s’adaptent a l’allure de son cinglage. Ensuite la Critique meurt encore une fois et les Lecteurs meurent encore une fois et sur cette piste d’ossements l’Œuvre poursuit son voyage vers la solitude. S’approcher d’elle, naviguer dans son sillage est signe indiscutable de mort certaine, mais une autre Critique et d’autres Lecteurs s’en approchent, infatigables et implacables et le temps et la vitesse les devorent. Finalement l’Œuvre voyage irremediablement seule dans l’Immensite. Et un jour l’Œuvre meurt, comme meurent toutes les choses, comme le Soleil s’eteindra, et la Terre, le Systeme solaire et la Galaxie et la plus secrete memoire des hommes. Tout ce qui commence en comedie s’acheve en tragedie.
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Et alors les jeunes poetes du Mexique se mettaient à declamer de leur voix profonde mais immanquablement juvenile, et les vers qu’ils recitaient s’en allaient avec le vent dans les rues du DF, et je me mettais à pleurer, et eux, ils disaient Auxilio est soule, les nigauds, il faut beaucoup d’alcool pour m’enivrer, ils disaient elle pleure parce qu’un tel l’a abandonnee, et moi je les laissais dire ce qu’ils voulaient. Ou bien je me disputais avec eux. Ou je les insultais. Ou je me levais de ma chaise et je partais sans payer, parce que je ne payais jamais, ou presque. J’étais celle qui voyait le passe et quand on voit le passe, on ne paie pas. Je voyais aussi le futur et quand on voit le futur, on paie un prix eleve, parfois le prix est la vie ou la sante mentale, et quant a moi, durant ces nuits oubliees, je payais sans que personne s’en rende compte les tournees de tout le monde, de ceux qui allaient être poetes et de ceux qui n’allaient jamais l’etre.
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Quand je suis arrivé à la petite maison, je me sentais si fatigué que n'ai même pas allumé.
Je suis allé jusqu'au lit à tâtons, uniquement guidé par la lueur qui parvenait de la grande maison ou de la cour ou de la lune, je ne sais pas, je me suis laissé tomber à plat ventre, sans me déshabiller, et je me suis endormi instantanément.
Je ne sais l'heure qu'il était alors ni combien de temps je suis resté ainsi, je sais seulement que j'étais bien et que lorsque je me suis réveillé il faisait encore sombre et qu'une femme me caressait. J'ai mis un moment à rendre compte que ce n'était pas Maria. Pendant quelques secondes j'ai cru que je rêvais ou que je m'étais irrémédiablement perdu dans la vecindad, à côté de Rosario. Je l'ai enlacée et j'ai cherché son visage dans l'obscurité. C'était Lupe et elle souriait comme une araignée.
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8 novembre
J'ai découvert un poème merveilleux. De son auteur, Efren Rebolledo (1877-1929), on ne m'a jamais rien dit en cours de littérature. Je le recopie :

Le vampire

Tes boucles ténébreuses et lourdent coulent
sur tes blanches courbes comme un fleuve
et dans leur flot crépu et sombre je répands
les roses enflammées de mes baisers

Tandis que j'entrouvre les épais
anneaux, je sens le léger et froid
effleurement de ta main et un long frisson
me parcourir et me pénètre jusqu'aux os.

Tes pupilles chaotiques et farouches
étincellent au soupir
qui s'exhale et me déchire les entrailles,
et pendant que j'agonise, toi, assoiffée,
tu sembles un vampire sombre et obstiné
qui de mon sang ardent se repaît.

Quand je l'ai lu pour la première fois (il y a quelques heures), je n'ai pas pu m'empêcher de m'enfermer à clé dans ma chambre et de me mettre à me masturber tout en le récitant une, deux, trois, et jusqu'à dix ou quinze fois, en imaginant Rosario, la serveuse, à quatre pattes sur moi, me demandant de lui écrire un poème pour cet être cher et regretté, ou me suppliant de l'empaler sur le lit avec ma verge brûlante.
Une fois soulagé, j'ai pu me mettre à réfléchir sur le poème.
Le « flot crépu et sombre » n'offre, je crois, aucun doute quant à son interprétation. Il n'en est pas de même avec le premier vers du second quatrain : « Tandis que j'entrouvre les épais / anneaux », qui pourrait bien renvoyer à ce « flot crépu et sombre », aux boucles une par une étirées et démêlées, mais dont le verbe « entrouvrir » cache peut-être un sens différent.
« Les épais anneaux » ne sont pas très clairs non plus. S'agit-il des boucles de la toison pubienne, de celles de la chevelure du vampire ou s'agit-il de différents accès au corps humain ? En un mot, est-il en train de la sodomiser ? Je crois que la lecture de Pierre Louÿs me tourne encore dans la tête.
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Voici quelque chose sur l’honneur des poetes. J’avais dix-sept ans et des desirs irrepressibles d’etre ecrivain. Je me suis prepare. Mais je ne suis pas reste a rien faire pendant que je me preparais, parce que j’ai compris que si c’etait ce que je faisais jamais je ne triompherais. De la discipline, un certain charme complaisant, voila les cles pour arriver la ou l’on veut arriver. La discipline. Ecrire chaque matin au moins six heures. Ecrire chaque matin et corriger l’apres-midi et lire comme un possede le soir. Le charme ou charme complaisant : rendre visite aux ecrivains dans leurs demeures ou les aborder au cours des presentations de livres et leur dire a chacun juste ce qu’ils veulent entendre. Ce qu’il veut desesperement entendre. Et avoir de la patience, car ca ne fonctionne pas toujours. Il y a des salauds qui vous donnent une tape dans le dos et ensuite on se connait je ne me souviens pas. Il y a des salauds durs et cruels et mesquins. Mais ils ne sont pas tous comme ca. Il faut avoir de la patience et chercher. Les meilleurs sont les homosexuels, mais attention, il faut savoir a quel moment s’arreter, il faut savoir precisement ce que l’on veut, sinon on finit par se faire enculer gratis par n’importe quel vieux pede de gauche. Avec les femmes c’est aux trois quarts la meme chose : les femmes ecrivains espagnoles qui peuvent donner un coup de pouce sont agees et moches et le sacrifice parfois ne vaut pas la chandelle.
[...]
Comme tant d’autres Mexicains, moi aussi j’ai abandonne la poesie. Comme tant de milliers de Mexicains, moi aussi j’ai tourne le dos a la poesie. Comme tant de centaines de milliers de Mexicains, moi aussi, l’heure venue j’ai cesse d’ecrire et de lire de la poesie. Ah partir de ce moment ma vie a suivi le cours le plus triste qu’on puisse imaginer.
[...]
Tout ce qui commence comme comedie finit comme monologue comique, mais nous ne rions plus.
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Un jour je lui ai demande où est-ce qu’il était alle. Il m’a dit qu’il avait suivi un fleuve qui relie le Mexique a l’Amerique centrale. Que je sache, ce fleuve n’existe pas. Il m’a dit, pourtant, qu’il avait suivi ce fleuve et qu’il pouvait dire maintenant qu’il connaissait tous ses meandres et affluents. Un fleuve d’arbres ou un fleuve de sable ou un fleuve d’arbres qui par endroits se transformait en un fleuve de sable. Un flux constant de gens sans travail, de pauvres et de creve-la-faim, de drogue et de douleur. Un fleuve de nuages sur lequel il avait navigué pendant douze mois et sur le cours duquel il avait trouvé d’innombrables iles et peuples, meme si toutes les iles n’etaient pas peuplees, et où parfois il a cru qu’il allait rester vivre pour toujours ou qu’il allait mourir. De toutes les iles visitees, deux etaient prodigieuses. L’ile du passe, a-t-il dit, où n’existait que le temps passe et dont les habitants s’ennuyaient et étaient raisonnablement heureux, mais où le poids de l’illusion était tel que l’ile s’enfonçait chaque jour un peu plus dans le fleuve. Et l’ile du futur, où le seul temps qui existait etait le futur, et dont les habitants étaient reveurs et agressifs, si agressifs, a dit Ulises, qu’ils finiraient probablement par se bouffer les uns les autres.
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Je pense, et qu'on me permette cette incise, que la vie est pleine de choses énigmatiques, de petits événements qui n'attendent qu'un contact superficiel, notre regard, pour se déchaîner dans une série de faits qui, plus tard, vus en perspective, ne peuvent nous causer que frayeur et épouvante.
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Je leur ai demande si Germán ou Arqueles ou Manuel leur avaient raconte en quoi consistait mon travail, comment je gagnais quotidiennement mes pesos. Et ils ont dit non, Amadeo, de ca ils ne nous ont rien dit. Et alors je leur ai dit, tres fier, que j’ecrivais, et je crois que j’ai ri ou que j’ai tousse quelques bonnes secondes, moi je gagne ma vie en ecrivant, les gars, je leur ai dit, dans ce pays de merde Octavio Paz et moi on est les seuls a gagner notre vie de cette facon. Et eux, evidemment, ils ont garde un silence emouvant, si on me permet l’expression. Le genre de silence que Gilberto Owen gardait, d’apres ce que les gens disaient. Alors je leur ai dit, toujours en leur tournant le dos, toujours le regard fixe sur le dos de mes livres : je travaille a cote, sur la place Santo Domingo, j’ecris des requetes, des demandes et des lettres, et j’ai ri de nouveau et la poussiere des livres s’est envolee sous la vigueur de mon rire,
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Quand ils se retournèrent, Pelletier et Espinoza se trouvèrent face à une femme âgée qui avait la même silhouette, si l'on croyait ce qu'avouerait longtemps plus tard Pelletier, que Marlène Dietrich, une femme qui, malgré les années, conservait intacte sa détermination, qui ne s'agrippait pas aux bords de l'abîme mais y sombrait avec curiosité et élégance. Une femme qui tombait dans l'abîme assise.
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La première conversation téléphonique, celle que lança Pelletier, démarra laborieusement, même si Espinoza attendait cet appel, comme si tous deux avaient eu du mal à se dire ce que tôt ou tard ils devaient se dire. Les premières vingt minutes eurent un ton tragique, le terme de destin fut employé dix fois et celui d'amitié vingt-quatre fois. Le nom de Liz Norton fut prononcé cinquante-neuf fois, dont neuf fois pour rien. Le nom de Paris fut avancé en sept occasions. Madrid en huit. Le mot amour fut prononcé deux fois, une fois par chacun d'eux. Horreur fut prononcé en six occasions et bonheur une fois (c'est Espinoza qui l'employa). Résolution fut dit en douze occasions. Solipsisme, sept. Euphémisme, dix. Catégorie, au singulier et au pluriel, neuf. Structuralisme, une (par Pelletier). Les termes de littérature nord-américaine, trois. Les mots dîner, nous dînons, petit déjeuner et sandwich, dix-neuf. Yeux, mains et cheveux, quatorze. Puis la conversation devint plus fluide.
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La poesie arrive jusque-là, cette mauvaise catin qui m’a accompagne traitreusement durant tant d’annes. Olet lucernam. Maintenant il serait opportun de raconter deux ou trois blagues, mais il ne m’en vient qu’une seule, comme ca, sur le coup, et qui plus est une blague sur les Galiciens. Je ne sais pas si vous la connaissez. Il y a un type et il se met à marcher dans un bois. Moi-meme, par exemple, je suis en train de marcher dans un bois, comme le Parco di Traiano ou comme les Terme di Traiano, mais en sauvage et sans autant de deforestation. Et ce type est en train, moi je suis en train de marcher dans la foret et je tombe sur cinq cent mille Galiciens qui sont en train de marcher et de pleurer. Et alors je m’arrete (gentil geant, geant curieux une derniere fois) et je leur demande pourquoi ils pleurent. Et l’un des Galiciens s’arrete et me dit : parce que nous sommes seuls et que nous nous sommes perdus.
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À présent je suis une mère et aussi une femme mariée, mais il n’y a pas longtemps j’ai été une délinquante. Mon frère et moi on s’était retrouvés orphelins. D’une certaine manière, ça justifiait tout. On n’avait personne. Et tout était arrivé du jour au lendemain.
Nos parents sont morts dans un accident de voiture, au cours des premières vacances qu’ils ont prises seuls, sur une route pas loin de Naples, je crois, ou sur une autre horrible route du Sud. Notre voiture était une Fiat jaune, d’occasion, mais qui avait l’air neuve. Il n’en était resté qu’un tas de ferraille grise. Lorsque je l’ai vue, dans la casse de la police où il y avait d’autres voitures accidentées, j’ai demandé à mon frère de quelle couleur elle était.
— Elle n’était pas jaune ?
Mon frère m’a dit que oui, bien sûr qu’elle était jaune, mais c’était avant. Avant l’accident. Les collisions déforment la couleur ou déforment notre manière de percevoir la couleur. Je ne sais pas ce qu’il a voulu dire par là. Je le lui ai demandé. Il a dit : lumière… couleur… tout. J’ai pensé que le malheureux était plus affecté que moi.
INCIPIT
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